Présentation d’excuses quant aux répercussions des traités Williams de 1923
Le 17 novembre 2018 à Rama, en Ontario, l'honorable Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones, a présenté des excuses au nom du gouvernement du Canada relativement aux répercussions négatives des traités Williams de 1923 sur les Premières Nations des traités Williams.
Notes d'allocution pour l'honorable Carolyn Bennett
Chefs et précédents dirigeants, Aînés et membres des Premières Nations d'Alderville, Chippewa de Beausoleil, Chippewa de Georgina Island, Chippewa de Rama, de Curve Lake, de Hiawatha et des Mississaugas de Scugog Island, j'ai l'honneur d'être ici aujourd'hui au nom du gouvernement du Canada, du premier ministre et de tous les Canadiens afin de nous excuser pour les répercussions négatives qu'ont eues les traités Williams de 1923 sur vos communautés. Avant de commencer, je souhaiterais prendre un instant pour reconnaître vos ancêtres, qui étaient conscients que vos droits n'étaient pas respectés et qui ont cherché à ce que justice soit rendue à vos communautés et aux générations futures.
À tous les membres passés et présents des Premières Nations des traités Williams, je tiens à exprimer cette pensée sincère : nous sommes désolés. Mjinwesmin.
Il y a quatre-vingt-quinze ans de cela, vos ancêtres ont signé des traités avec la Couronne, qui en sont venus à être appelés les traités Williams. La Couronne a seulement conclu ces traités après des décennies de demandes par les dirigeants des Premières Nations et leurs membres de résoudre le problème des colons empiétant sur vos terres ancestrales. Ces traités devaient régler vos revendications de longue date, mais la signature de ces traités a plutôt donné lieu à des injustices persistantes : indemnisation insuffisante, terres de réserve inadéquates, et incapacité d'exercer librement vos droits de récolte.
Nous sommes désolés que même avant la signature des traités Williams, vos ancêtres n'aient pas été en mesure de profiter pleinement de la richesse de vos terres ancestrales. Nous sommes désolés que ces traités n'aient pas donné réponse à vos griefs et que les actions de la Couronne n'aient pas honoré les rapports issus de traités qui existaient déjà depuis longtemps et qui continuent d'exister avec vos communautés. Et nous sommes désolés que la Couronne n'ait pas reconnu et respecté vos droits issus de traités.
Dans les années qui ont suivi la signature des traités Williams, les membres des Premières Nations ont continué de chasser, de pêcher, de trapper et de cueillir, comme ils l'avaient fait depuis les temps immémoriaux. Cependant, l'interprétation des traités par la Couronne était telle qu'il est devenu de plus en plus difficile pour les membres de vos communautés d'exercer leurs droits.
Plutôt que de protéger vos droits de récolte dans vos zones de traité antérieures à la confédération, les traités Williams ont été interprétés comme l'élimination de tous vos droits de récolte à l'extérieur de vos réserves. Cette interprétation a mené à de nombreuses difficultés, injustices et offenses envers les membres de vos communautés. Incapables d'exercer librement leurs droits de récolte garantis par les traités, mères et pères n'étaient plus en mesure de subvenir aux besoins de leurs familles comme par le passé. Cette contrainte ainsi que d'autres politiques et pratiques coloniales ont été la source de difficultés et d'une dépendance accrue envers le gouvernement.
Les membres qui ont continué de chasser, pêcher, trapper et cueillir hors réserve ou hors saison ont été poursuivis en vertu de la loi pour motifs de récolte. Dans certains cas, ces membres ont vu leurs filets, pièges et lignes de pêche confisqués, alors que d'autres se sont vu imposer des amendes ou ont été emprisonnés. D'autres encore ont été forcés de poursuivre leurs activités traditionnelles en secret, chassant et attrapant des grenouilles la nuit ou pratiquant la pêche sur glace sous des couvertures blanches, de manière à ne pas attirer l'attention des autorités.
La récolte est devenue une activité risquée plutôt qu'une activité que tous les membres de la famille, jeunes ou âgés, accomplissaient avec fierté. Parfois, seules les personnes en mesure de courir ou de patiner plus rapidement que les autorités – ou en mesure de les déjouer – sur les îles et dans les bas-fonds étaient capables d'échapper à la poursuite.
Nous sommes désolés que, par la dénégation de vos droits de récolte dans les zones de traité antérieures à la confédération, vos communautés aient été confrontées à des difficultés et à la faim, l'abondance de la terre remplacée par des biscuits et des conserves de viande gouvernementale. Nous sommes désolés que votre peuple n'ait pas été en mesure de poursuivre ses activités traditionnelles avec fierté et dignité, mais plutôt qu'il ait été persécuté pour avoir exercé ses droits. Et nous sommes désolés que vos grands-mères et grands-pères, mères et pères, tantes et oncles aient été contraints dans leur capacité à faire ce que leurs ancêtres avaient toujours fait : éduquer les nouvelles générations sur les terres et les eaux ancestrales de vos communautés; transmettre la culture et les pratiques Anishinaabe.
Malgré toutes les épreuves que vos communautés ont traversées, les Premières Nations d'Alderville, Chippewa de Beausoleil, Chippewa de Georgina Island, Chippewa de Rama, de Curve Lake, de Hiawatha et des Mississaugas de Scugog Island demeurent fortes et pleines de vie. La détermination dont vous avez fait preuve dans votre lutte pour vos droits depuis plus d'un siècle est remarquable. Les membres de vos communautés ont milité, en privé et en public, par des actes petits et grands, pour la justice et le changement. Qu'il s'agisse des grands-mères qui ont appris à leurs petits-enfants à récolter et à préparer le bois pour fabriquer des paniers, des personnes qui ont participé aux manifestations sur les droits de pêche ou des personnes, comme Wayne Taylor, Doug Williams et George Howard, qui ont lutté pour leurs droits devant les tribunaux, votre peuple n'a jamais abdiqué.
La persistance et la résilience des Premières Nations des traités Williams sont un exemple pour tous les Canadiens. Afin d'apprendre, afin de guérir, afin de mener de l'avant les efforts de réconciliation, nous devons tous reconnaître nos torts passés et les répercussions pluridimensionnelles du colonialisme. Il est de notre responsabilité collective de continuer de nous renseigner sur l'histoire du Canada, de manière à ce que nous puissions aller de l'avant, dotés d'une meilleure compréhension et d'un plus grand respect.
En 1923, la Couronne aurait pu – et aurait dû – faire mieux. En 2018, je promets que nous pouvons faire mieux et que nous ferons mieux. Aujourd'hui, le gouvernement du Canada reconnaît que la Couronne ne vous a pas adéquatement indemnisé ou fourni des terres de réserve supplémentaires en vertu des traités Williams. Les actions de la Couronne dans la négociation et la mise en œuvre de ces traités n'ont pas respecté la relation ancestrale et profonde que vous entretenez avec vos terres traditionnelles. Qui plus est, l'interprétation de ces traités par la Couronne a injustement restreint votre capacité de récolte dans vos zones de traité antérieures à la confédération.
Le passé ne peut être défait, et nous ne pouvons pas complètement nous racheter pour toutes les fautes commises au cours de nombreuses décennies. Par la conclusion d'un règlement négocié comprenant une indemnisation pour des torts historiques, la capacité d'élargir vos terres de réserve et la reconnaissance de vos droits de récolte issus de traités antérieurs à la confédération, je crois que nous avons l'occasion d'amorcer l'écriture d'un nouveau chapitre; un chapitre où la confiance renaît, où la culture, la langue et les enseignements Anishinaabe sont célébrés, où les droits issus de traités sont respectés et où notre relation est renforcée au profit des sept générations à venir. Nous nous engageons à écrire ce chapitre ensemble dans un esprit de réconciliation et de partenariat.
Merci. Miigwetch.