Cérémonie de dévoilement du vitrail - Christi Belcourt, artiste

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Transcription : Christi Belcourt, artiste

Greg Rickford : Christi, pouvais-vous venir ici pour prononcé quelque mots? Merci, Christi.

Christi Belcourt : (Langue autochtone). Je tiens d'abord à vous remercier, Madeleine, pour ces paroles touchantes et ces gentils mots à mon égard. Je tiens à remercier les aînées, Annie St. George, Rita Gordon et Sally Webster d'avoir ouvert la cérémonie. Je tiens à reconnaître le travail de tous les aînés qui sont présents ainsi que les porteurs d'objets sacrés.

Je tiens à remercier tous les survivants des pensionnats indiens présents aujourd'hui. Je veux aussi remercier les membres de la Commission de vérité et réconciliation, merci. Membre du comité de sélection, je vous remercie pour cet honneur. Andrew et Wanda, de l'atelier Vision Art, vous avez transposé mon concept en un magnifique vitrail et je suis persuadée que personne n'aurait pu faire mieux. À vrai dire, vous avez sans doute amélioré le concept. Vous êtes très doués et j'ai adoré travailler avec vous. Merci aux employés d'Affaires autochtones, vous avez été fantastiques. Je tiens sincèrement à remercier le ministre et l'honorable président pour ce geste de réconciliation. J'entretiens l'espoir que le vitrail demeurera toujours un rappel du dynamisme et de la grandeur, ainsi que de la résilience, de notre peuple.

Les histoires des anciens élèves des pensionnats n'ont jamais été entendues dans cet édifice. C'est pourquoi je veux vous en raconter une. Il y a aussi une autre raison : je tiens à remercier une autre personne, Lucille Kelly-Davis, de la Première Nation d'Onigaming, signataire du traité no 3. Lorsque j'ai accepté de soumettre un concept pour le travail, une des premières choses que j'ai faites fut de lui donner du tabac. (Mots en langue autochtones). J'ai demandé à Lucille, une survivante des pensionnats indiens, de me dire ce qu'elle voulait voir sur le vitrail. J'ai aidé Lucille tout au long du processus de règlement des pensionnats indiens et, comme celle de tant d'autres survivants, son histoire est horrible.

Lorsqu'elle a reçu son paiement de la Convention, elle l'a donné, car elle sentait que cet argent la salissait. J'ai vu ce genre de réaction maintes et maintes fois dans les collectivités. C'était traumatisant pour elle de devoir parler devant l'adjudicateur des expériences qu'elle a vécues, petite fille. Elle dit que tout l'argent du monde ne pourrait jamais effacer ce qu'elle a subi. Lucille avait huit ans lorsqu'elle a été amenée dans un pensionnat indien. Lorsqu'elle est finalement rentrée à la maison, elle a raconté à sa mère ce qui s'était passé. Lucille m'a expliqué ceci : « Ma mère a aussi grandi dans les pensionnats indiens. Elle nous aimait, mais elle était incapable de nous faire des câlins ou de dire qu'elle nous aimait. Elle a pleuré et m'a dit de ne plus jamais parler de ça. C'est la dernière fois que j'ai parlé de ce que j'avais vécu. »

Lorsqu'on l'a surprise à parler sa langue à l'école, elle a été amenée dans un endroit qu'elle appelle « le trou ». C'est là que les soeurs la battaient, l'entraînaient dans le sous-sol, dans une petite pièce sombre, sans lumière, avec des murs humides. Lucille ne sait plus combien de temps elle est restée coincée là, à sentir l'odeur de l'urine et du vomi. À son réveil, elle était à l'infirmerie. Ceci lui est arrivé souvent, et de pires choses encore, mais je ne vous les raconterai pas, car vous savez de quoi il est question.

La mère de Lucille, qui a elle aussi survécu aux pensionnats indiens, était incapable de défendre ses propres enfants. Les uns après les autres, ses huit enfants ont été envoyés dans les pensionnats indiens. Lorsque l'externat a ouvert ses portes, le plus jeune fils y est allé et a subi les mêmes sévices. Malgré son enfance difficile, Lucille est mariée, a quatre enfants et a maintenant de nombreux petits-enfants. À l'âge de 60 ans, elle a obtenu son baccalauréat à l'université. Elle est gardienne du calumet, elle participe aux cérémonies traditionnelles et aide les jeunes à apprendre les traditions. Elle est une grand-mère anishnabeg puissante, généreuse, aimante et affectueuse. Elle donne tout ce qu'elle peut à sa collectivité et à sa famille. Elle n'est pas une victime, elle est une survivante.

Lorsque je lui ai demandé quoi mettre dans le vitrail, elle m'a demandé de raconter notre version de l'histoire. Elle aurait eu entièrement le droit de me dire de parler d'un génocide, mais elle ne l'a pas fait. Elle m'a demandé de parler de l'espoir. Comme beaucoup de gens, je dois être honnête. Je suis ici devant vous et je fais face à un dilemme, car comme l'a dit Cliff Standingready, on continue de nier les effets entre les générations. On refuse de dire que la douleur existe toujours. Comme il l'a suggéré, le vitrail doit faire plus que célébrer les excuses. Je sais que je ne suis pas la seule à suggérer que, bien que le vitrail soit très positif, la question reste toujours de ce qu'on fait pour aider ces gens.

Dans de nombreuses générations, lorsque les députés passeront sous ce vitrail, par les portes tournantes du gouvernement, les souffrances causées par les pensionnats se transmettront de génération en génération. Mon partenaire Alo a dit il y a quelques jours que ce processus, les excuses, la Commission de vérité et réconciliation, le vitrail et la Convention de règlement ne devraient pas être la fin de ce qui est nécessaire, mais seulement le début. Il n'est pas question d'argent, mais de faire ce qui est juste. Il faut regarder en avant, comme le dit le titre du vitrail, Giniigaaniimenaaning, regarder vers l'avenir de ceux qui ne sont pas encore nés.

Lucille m'avait dit dès le départ qu'elle voulait que le vitrail porte sur l'espoir. Ce vitrail est dédié à tous les anciens élèves des pensionnats indiens et à leur famille. Les vivants et les personnes qui nous ont quittées. Le vitrail est un geste de commémoration qui demande aux Canadiens de se souvenir de tous les enfants qui ne sont pas rentrés à la maison, qui n'ont plus jamais reparlé leur langue, qui n'ont jamais retrouvé leur culture ou leur collectivité. Nous devons voir ce vitrail et nous souvenir des enfants qui ont été assassinés puis enterrés dans des sépultures non marquées aux pensionnats. Ou ces enfants qui sont devenus des adultes, mais qui n'ont jamais trouvé de mots pour exprimer leur douleur. Nous devons considérer ce vitrail comme une façon de souligner la présence des mères et des pères qui ont pleuré, ont paniqué, se sont inquiétés et ont été en deuil au plus profond d'eux-mêmes en raison de la perte de leurs enfants. Ce vitrail est dédié à tous les enfants qui n'ont jamais entendu les mots « Je t'aime » (en langue autochtone) de la bouche de leurs propres parents.

Comme Lucille m'a demandé de représenter l'espoir, ce que j'ai essayé de montrer dans mon oeuvre, ce sont les choses positives que j'ai vues dans ma vie. Malgré les pensionnats indiens, les enfants, les adultes et les aînés dansent en portant le costume traditionnel afin de célébrer qui nous sommes, en tant que peuple autochtone. Partout au pays, les jeunes métisses apprennent à violoner et à giguer avec fierté. Il y a des arénas remplis d'aînés inuk qui dansent au son des tambours pendant que des petits enfants courent autour d'eux en parlant inuktitut. Des collectivités entières se réunissent lors de moments joyeux ou de moments de grande tristesse. Les pavillons de ressourcement refont surface, on chante les chansons traditionnelles et on pratique encore les cérémonies traditionnelles.

J'aimerais être capable de montrer au gouvernement que la réconciliation pourrait aller beaucoup plus loin. J'aimerais pouvoir convaincre les dirigeants que la réconciliation n'est pas un objectif irréaliste si la volonté et le courage existent pour laisser tomber les anciennes conceptions et les vieux comportements paternalistes. Des mesures doivent être prises, et lorsque des mesures doivent être prises, il ne faut pas nous offrir du silence. Nous avons besoin d'appui, ne nous accusez pas d'être un poids. C'est dans l'intérêt de personne, ce n'est pas utile pour le pays et ce n'est pas bon pour l'avenir de nous rabaisser. Nous nous sommes relevés de génération en génération d'attaques contre notre souveraineté en tant que nations et contre notre dignité en tant qu'êtres humains.

J'aimerais pouvoir toucher le coeur des députés, qu'ils soient membres du parti conservateur, du NPD ou du parti libéral, leur dire que le renouveau et la réconciliation peuvent avoir lieu entre les Autochtones et les autres Canadiens grâce au bien-être durable des générations d'Autochtones à venir.

Nous avons besoin d'un appui direct et à long terme pour les familles des survivants des pensionnats indiens pour régler la question des effets entre les générations. Nous avons besoin que les anciens élèves des pensionnats des Métis et les élèves des externats qui ont été exclus du processus de la Convention de règlement soient traités justement. Nous avons besoin de programmes dynamiques et durables pour revitaliser nos langues qui ont été décimées par le régime des pensionnats indiens. Nous avons besoin du transfert de responsabilités dans le Nord et du partage des revenus des ressources pour assurer le bien-être économique et l'autonomie de nos collectivités à long terme. Nous avons besoin d'un programme d'enquête et du leadership du gouvernement pour mettre fin à l'horreur que sont les 600 femmes autochtones ou plus qui ont été assassinées ou qui sont disparues au Canada. Nous devons aider leurs familles. Nous avons besoin d'obtenir un financement équitable pour l'avenir de nos enfants. 

Comme je l'ai dit, nous devons assurer le bien-être à long terme pour les générations à venir dans nos collectivités.

Je suis reconnaissante pour l'installation de ce vitrail. Je sais que le vitrail, la Commission de vérité et réconciliation, les excuses et la Convention de règlement ont été des étapes positives. Le vitrail permettra de rappeler l'existence de tous les Autochtones qui ont survécu au pire et qui sont toujours ici. Nous devons à nos ancêtres et à tous les survivants des pensionnats indiens notre plus profonde gratitude pour leur force et leur résilience. En raison de leur force, nous sommes capables de dire que nous sommes fiers de notre culture, de nos langues et de notre spiritualité. Grâce à eux, nous sommes plus forts. Je vous remercie et ce fut pour moi un grand honneur d'avoir l'occasion de parler ici.

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