Les Premières Nations au Canada

Table des matières

Introduction

Les Premières Nations au Canada consiste en une ressource éducationnelle conçue à l'intention des jeunes Canadiens, des éducateurs et des élèves du secondaire, des collectivités autochtones ainsi que de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire des Premières Nations. Grâce à ce document, les lecteurs auront une meilleure compréhension des grands événements qui ont touché les collectivités autochtones depuis la période précédant l'arrivée des Européens jusqu'à nos jours.

La première partie de ce texte, intitulée « Les Premières Nations d'antan », présente un aperçu des diverses cultures des Premières Nations d'origine, groupées selon les six principales régions géographiques au Canada. Cette partie porte un regard sur les principales différences entre ces six groupes en matière d'organisation sociale, de ressources alimentaires, d'habitation, de modes de transport, d'habillement, et de cérémonies et croyances spirituelles.

Dans la partie deux à six du texte, on fait état des relations entre les Autochtones et les nouveaux arrivants au Canada, depuis la première rencontre jusqu'aux excuses historiques présentées par le gouvernement en juin 2008 à tous les anciens élèves des pensionnats autochtones. Par ces excuses, le gouvernement du Canada a exprimé de profonds regrets pour la souffrance causée aux pensionnaires et à leur famille. Il a aussi reconnu le tort occasionné par ces pensionnats et les politiques d'assimilation à la culture, aux langues et au patrimoine des Premières Nations.

Aujourd'hui, le gouvernement du Canada travaille en partenariat avec les Premières Nations, en cette ère de réconciliation, pour renforcer les collectivités autochtones. Ce travail de collaboration essentiel a lieu partout au pays dans divers domaines relatifs aux Autochtones, tels que l'économie, l'éducation, la gouvernance, les services sociaux, les droits de la personne, la culture et le règlement des revendications territoriales en suspens.

Première partie – Les Premières Nations d'antan : les six principaux groupes géographiques

Avant l'arrivée des Européens, les Premières Nations habitant sur le territoire actuel du Canada étaient en mesure de répondre à l'ensemble de leurs besoins matériels et spirituels à l'aide des ressources de la nature environnante. Par conséquent, dans le but d'étudier les cultures traditionnelles des Premières Nations du Canada, des historiens ont pris soin de les grouper selon les six principales régions géographiques du pays tel qu'il existe aujourd'hui. Au sein de ces groupes, les Premières Nations partageaient une culture très similaire, qui avait été formée à partir d'un environnement commun.

Parmi ces six groupes, on comptait : les Premières Nations des régions boisées, qui occupaient la dense forêt boréale de l'est du pays; les Premières Nations iroquoises, habitant à l'extrême sud, sur des terres fertiles propices à la culture du maïs, des haricots et des courges; les Premières Nations des Plaines, situées dans les Prairies; les Premières Nations du Plateau, dont le territoire allait des espaces semi-désertiques au sud jusqu'aux hautes montagnes et aux denses forêts au nord; les Premières Nations de la côte du Pacifique, qui avaient accès aux abondantes ressources en saumon et en fruits de mer pour se nourrir et aux gigantesques cèdres rouges pour construire leurs habitations; et les Premières Nations des bassins des fleuves Mackenzie et Yukon, dont l'environnement hostile était composé de forêts sombres, de terres arides et d'une formation marécageuse appelée « muskeg ».

La présente partie met en évidence certaines des grandes différences entre les six groupes en matière d'organisation sociale, de ressources alimentaires, d'habitation, de modes de transport et d'habillement. On y présente aussi les croyances spirituelles communes à un grand nombre de Premières Nations d'antan.

Organisation sociale

La plupart des Premières Nations des régions boisées étaient composées de groupes indépendants qui possédaient leur propre territoire de chasse. Ces groupes comptaient habituellement moins de 400 personnes. En règle générale, un chef gagnait son titre après avoir démontré un grand courage ou de considérables habiletés en chasse. Les trappeurs et chasseurs autochtones des régions boisées possédaient des connaissances intimes des habitats et des migrations saisonnières des animaux dont dépendait leur survie.

À l'opposé, les Premières Nations iroquoises ne se déplaçaient pas pour trouver leur nourriture. Excellents agriculteurs, ces peuples du Sud cultivaient chaque année des récoltes de maïs, de haricots et de courges, qui comblaient amplement leurs besoins. Grâce à cette abondance de nourriture, les Premières Nations iroquoises (qu'on appelle maintenant les Haudenosaunee, ou peuple de la longue maison) ont pu fonder des collectivités permanentes, ce qui leur a permis de mettre au point des systèmes complexes de gouvernement, fondés sur des principes démocratiques.

Par exemple, les Hurons-Wendat employaient un système politique à trois niveaux, composé de conseils de village, de conseils tribaux et d'un conseil de confédération. Chaque conseil prenait ses décisions selon un consensus atteint après des discussions qui se poursuivaient parfois tard dans la nuit. Chez les Premières Nations des Plaines, les groupes migratoires, chacun représenté par un chef, se rassemblaient durant l'été pour organiser des cérémonies spirituelles, des danses, des fêtes et des parties de chasse en groupe. Même si chaque bande était fermement indépendante, les Premières Nations des Plaines possédaient des groupes militaires exerçant des fonctions telles que le maintien de l'ordre, la régulation de la vie dans les camps ou durant les déplacements, et la défense.

L'organisation sociale de plusieurs Premières Nations des Plaines a été influencée par celle de leurs voisins et partenaires commerciaux, les Premières Nations de la côte du Pacifique. C'est ainsi que les Dakelh-ne (Carrier), les Tahltan et les Tsilhqot'in (Chilcotin) ont adopté les systèmes sociaux stratifiés des Premières Nations de la côte du Pacifique, composés de nobles, de gens du peuple et d'esclaves.

En plus des trois couches sociales susmentionnées, les Premières Nations de la côte du Pacifique comptaient aussi une classe aristocratique bien définie, dont les membres étaient reconnus comme supérieurs à la naissance. L'unité sociale de base dans toutes les Premières Nations de cette partie du pays était la famille élargie (la lignée), dont les membres étaient tous descendants d'un même ancêtre. La plupart des lignées possédaient leurs propres emblèmes, représentés par un animal ou un être surnaturel perçu comme leur fondateur. Le mât totémique, conçu à partir des symboles ancestraux d'une lignée, est la méthode de dispositions des emblèmes la mieux connue.

Quant aux Premières Nations des bassins des fleuves Mackenzie et Yukon, leurs membres habitaient sur un vaste territoire caractérisé par une faible population de gibier, et de longs et rudes hivers. Comme la plupart des autres Premières Nations du pays, celles des bassins des fleuves Mackenzie et Yukon étaient principalement occupées à vaquer à leurs activités de survie quotidienne. À ce titre, ces Premières Nations étaient regroupées en plusieurs groupes indépendants, composés de diverses unités familiales qui collaboraient entre elles. Chaque groupe chassait sur un territoire distinct, dont les frontières étaient déterminées par la tradition et l'usage. Chaque groupe sélectionnait un chef en fonction de ses besoins particuliers du moment. Par exemple, durant la chasse au caribou, on choisissait le chasseur le plus habile pour diriger le groupe.

Ressources alimentaires

Les Premières Nations de tout le pays pratiquaient la chasse et la cueillette pour leurs besoins alimentaires et médicinaux. La véritable teneur en viande, en poisson et en végétaux du régime alimentaire de chaque Première nation variait selon les ressources disponibles dans l'environnement immédiat.

Les Premières Nations des régions boisées, ainsi que celles des régions nordiques, chassaient le gibier au moyen de lances et de flèches. Elles utilisaient aussi les pièges et les collets, des sortes de nœuds qui piégeaient les animaux par le cou ou les pattes. Pour leur part, les chasseurs du Nord, comme les Gwich'in, élaboraient des tracés clôturés à l'aide de poteaux et de broussailles afin de guider les animaux vers un enclos pour les piéger, après les avoir pourchassés. Ces peuples séchaient d'importantes quantités de viande, de poisson et de baies durant l'été, en prévision des périodes d'adversité. Pour garder la viande congelée hors de portée des animaux comme les carcajous durant l'hiver, certaines Premières Nations des bassins des fleuves Mackenzie et Yukon cachaient cette nourriture dans la partie supérieure de troncs d'arbres entaillés.

Bien qu'ils aient eu accès à une quantité abondante de viande, de poisson et de volaille dans la nature, les Haudenosaunee se nourrissaient principalement de leurs récoltes de maïs, de haricots et de courges, végétaux qu'ils nommaient « les trois sœurs ». Les hommes coupaient d'abord les arbres et les broussailles sur les terres choisies, puis les femmes se chargeaient de la plantation, de l'entretien et de la récolte des cultures. Lorsque le sol devenait trop appauvri après une dizaine d'années, le groupe se déplaçait ailleurs pour y défricher de nouvelles terres fertiles.

Les Premières Nations des Plaines, dont la culture de la chasse s'était raffinée au fil de milliers d'années, subvenaient à leurs besoins principalement par la chasse au bison. Les parties de chasse en groupe se déroulaient de juin à août, période pendant laquelle les bisons étaient bien gras, leur viande de première qualité, et leur fourrure bien garnie.

Un seul bison, dont les mâles pesaient en moyenne environ 700 kilogrammes, fournissait une grande quantité de viande. Lorsqu'elle était fraîche, la viande était grillée sur une broche ou bouillie dans un sac de cuir placé sur des pierres chaudes, technique par laquelle on obtenait une soupe riche et nourrissante. On avait aussi l'habitude de sécher la viande de bison pour en faire des charquis, qui pouvaient être conservées dans des sacs de cuir cru pendant une longue période. Les femmes préparaient aussi du pemmican, une composition riche en protéines faite à partir de viande séchée réduite en poudre, de graisse de bison fondue et de baies. Un chasseur pouvait facilement transporter ce précieux aliment dans un petit sac de cuir. Plus tard, le pemmican est devenu un aliment de base dans le régime alimentaire des commerçants de fourrures et des explorateurs.

Le saumon était la principale source de nourriture des Premières Nations du Plateau. Même les chasseurs tahltan du Nord se rassemblaient chaque printemps sur les sites de pêche pour attendre l'arrivée des premiers saumons. Ces peuples utilisaient des épuisettes et construisaient des déversoirs dans les rapides peu profonds afin de piéger des bancs de poissons. Des milliers de saumons attrapés chaque année, très peu étaient consommés tels quels. Les saumons restants étaient nettoyés, fumés et entreposés pour l'hiver dans des trous creusés dans le sol, puis entourés d'écorces de bouleau. Des fruits et légumes sauvages, principalement des racines et des baies, formaient aussi une partie importante du régime alimentaire des Premières Nations du Plateau, tout particulièrement celui des Salish des terres intérieures.

Les vastes ressources alimentaires de l'océan telles que le saumon, les fruits de mer, le poulpe, le hareng, le crabe, la baleine et les algues, ont permis aux Premières Nations de la côte du Pacifique de s'établir sur des sites permanents. Contrairement aux Haudenosaunee, qui déménageaient après une dizaine d'années, les Premières Nations de la côte du Pacifique construisaient habituellement des villages permanents. Certains sites présentent des preuves indiquant une occupation des lieux depuis plus de 4000 ans. Tout comme celles du Plateau, les Premières Nations de la côte du Pacifique séchaient la plus grande partie de leurs stocks de saumon dans des fumoirs pour une consommation ultérieure. L'huile de poisson, qui jouait aussi un rôle important dans l'alimentation de ces peuples, servait de condiment au poisson séché durant l'hiver. L'eulakane, un type d'éperlan, était une source d'huile très prisée.

Le long de la côte, les Tsimshian, les Haida et les Nuu-chah-nulth se rendaient sur l'océan en pirogues pour chasser l'otarie à crinière et la loutre de mer à l'aide de harpons. Toutefois, la chasse maritime la plus spectaculaire était celle de la baleine, pratiquée par les Nuu-chah-nulth. Leurs embarcations pouvaient comprendre huit hommes, et le chasseur, armé d'un harpon en bois d'if de près de quatre mètres, s'assoyait directement derrière la proue.

Habitations

En raison de leur style de vie nomade, les Premières Nations des régions boisées, des Plaines et des bassins des fleuves Mackenzie et Yukon construisaient des habitations qu'ils pouvaient soit transporter, soit ériger à partir de matériaux à leur portée. L'habitation des peuples des régions boisées et du Nord consistait essentiellement en une charpente de perches recouverte d'écorces, de tapis de paille tressés ou de peaux de caribou qu'on appelle un tipi.

Les perches des tipis des Premières Nations des Plaines étaient habituellement faites de troncs de pins minces et longs. Ils étaient très précieux parce que l'on peinait à en trouver dans les Prairies. Le revêtement d'un tipi était composé en moyenne de 12 peaux de bisons cousues ensemble. Pour empêcher les courants d'air tout en permettant une ventilation intérieure, un mur intérieur de peaux mesurant environ deux mètres de haut était fixé à des perches. Ce sont les femmes qui construisaient et érigeaient les tipis, et elles en étaient les propriétaires.

Contrairement aux peuples nomades, les Haudenosaunee possédaient des villages relativement permanents. L'élément le plus frappant des villages Haudenosaunee était sans aucun doute la longue maison. Cette habitation en forme de « U » inversé était construite à partir de perches, que l'on recouvrait ensuite de dalles d'écorces. Les longues maisons, hautes de 10 mètres, mesuraient habituellement 10 mètres de large sur 25 mètres de long. Chaque longue maison était dirigée par une matriarche puissante, qui supervisait les affaires quotidiennes de la famille étendue.

Parmi les Premières Nations du Plateau, les habitations souterraines des Salish des terres intérieures ne ressemblaient à aucune autre construction autochtone au pays. Ce peuple creusait d'abord un trou de deux mètres de profond sur six à douze mètres de large dans un sol bien drainé, habituellement près d'une rivière. Ainsi, les habitants se trouvaient à proximité d'un moyen de transport et d'une source d'eau potable et de poissons. On recouvrait ensuite le trou d'une charpente de perches, puis on l'isolait au moyen de grandes branches d'épinette et de la terre retirée du sol. Une ouverture d'environ 1,25 mètre carré au sommet servait à la fois d'entrée et de cheminée. Les gens entraient dans l'habitation par des marches creusées dans un robuste rondin penché, dont la partie supérieure dépassait de l'ouverture de l'habitation.

Les imposantes forêts de cèdres rouges le long de la côte du Pacifique ont permis aux Premières Nations vivant dans cette partie du pays de construire de grandes habitations. Excellents menuisiers, ces peuples utilisaient des ciseaux faits de pierre ou de coquillages ainsi que des marteaux en pierre pour couper en larges planches ce bois mou à fil droit. Depuis la période préeuropéenne, l'une des plus grandes habitations traditionnelles répertoriées mesurait 170 mètres de long sur 20 mètres de large; elle était construite dans un village Salish de la côte. Étant donné la grandeur de ces maisons propres à la région de la côte du Pacifique, plusieurs familles y demeuraient, chacune d'entre elles possédant un âtre et une zone d'habitation distincte.

Modes de transport

Les Premières Nations des régions boisées construisaient des canoës faits d'écorces de bouleau; ces embarcations étaient à la fois légères, durables et adaptées à la navigation sur de nombreux cours d'eau et lacs de la région. Les constructeurs de canoës cousaient ensemble de grands morceaux d'écorce, puis les attachaient à une charpente de bois en utilisant le watup, des racines d'épinette ayant été coupées, pelées et trempées dans l'eau. Les coutures de l'embarcation étaient rendues imperméables grâce à un enduit de gomme d'épinette et de graisse.

Dans les basins des fleuves Mackenzie et Yukon, les bouleaux n'étaient pas aussi gros que ceux des régions sud du pays. Toutefois, bon nombre de Premières Nations du Nord étaient quand même en mesure de construire de longs canoës en utilisant de la gomme d'épinette pour sceller les coutures entre les petits morceaux d'écorce.

Certaines Haudenosaunee construisaient aussi des canoës d'écorce. Ces Premières Nations se déplaçaient toutefois principalement par voies terrestres. Coureurs exceptionnels, les Haudenosaunee pouvaient couvrir de très longues distances en bien peu de temps.

Lorsque les explorateurs européens ont introduit les chevaux dans les Plaines autour de 1700, les Premières Nations de cette région sont devenues très rapidement d'excellents cavaliers. Au cours des 100 années suivantes, le cheval est devenu un élément essentiel de la culture des Premières Nations des Plaines : il servait pour la chasse, la guerre, les déplacements et le transport de biens. Auparavant, le transport des biens et des possessions d'un ménage s'accomplissait principalement à l'aide d'un chien et d'un travois – une charpente grillagée destinée à y attacher les bagages et munie de deux longues perches que l'on fixait de chaque côté du chien.

Les Premières Nations de la côte du Pacifique se déplaçaient presque exclusivement par voies navigables en utilisant des pirogues faites de cèdre rouge. La taille de l'embarcation variait selon sa fonction. Par exemple, un petit canoë de chasse pour deux hommes pouvait mesurer environ cinq mètres de long. Pour leur part, les Haida construisaient de très grandes embarcations : certaines mesuraient plus de seize mètres de long sur deux mètres de large et pouvaient contenir quarante hommes et deux tonnes de marchandise.

Le processus de construction d'un canoë pouvait prendre de trois à quatre semaines et s'accompagnait de rituels qui lui étaient propres, dont une prière et l'abstinence sexuelle du constructeur. Ces hommes de talent formaient la coque du canoë en l'assouplissant par la vapeur, versaient de l'eau dans la cavité pour ensuite porter à ébullition cette eau au moyen de pierres chauffées. Des supports de bois étaient ensuite insérés avant de refroidir le canoë, afin de garder éloignés ses deux côtés.

Pour se déplacer en hiver, les Premières Nations fabriquaient toutes des raquettes, conçues à partir d'un support de bois et d'un grillage fait de bandelettes de cuir cru. Les raquettes variaient en forme et en taille en fonction du terrain à parcourir.

Habillement

À l'exception des peuples de la côte du Pacifique, toutes les Premières Nations du pays confectionnaient leurs habits – habituellement des tuniques, des jambières et des mocassins – à partir de peaux d'animal tannées. Tandis que les peuples des régions boisées et nordiques utilisaient des peaux d'orignal, de cerf et de caribou, ceux des Plaines faisaient appel à des peaux plus légères d'animaux comme le bison, l'antilope, le wapiti ou le cerf.

Les femmes travaillaient les peaux et faisaient appel à un processus de tannage par la fumée afin de les préserver. Pour coudre les vêtements, elles utilisaient des aiguilles faites à partir d'os et des ligaments des pattes de caribou, d'orignal et de cerf. En hiver, les gens revêtaient aussi des pardessus de fourrures pour se garder au chaud. Les peaux de caribou, dont la fourrure constituait un excellent isolant, étaient particulièrement prisées par les Premières Nations des bassins des fleuves Mackenzie et Yukon.

Lorsque la température le permettait, les hommes des Premières Nations de la côte du Pacifique demeuraient nus. Les femmes des Tsimshian de la côte portaient des jupes de daim, tandis que celles de la côte du Pacifique se vêtaient de jupes faites d'écorces de cèdre assouplies, puis tressées. Les hommes et les femmes des Premières Nations de la côte du Pacifique ne portaient pas de chaussures. Durant les jours pluvieux, ces peuples revêtaient des capes d'écorces tressées et des chapeaux à longs bords, faits de racines d'épinettes tressées. Les Nuu-chah-nulth et les Kwakwaka'wakw confectionnaient aussi de longs pardessus distincts tissés à partir d'écorces de cyprès jaune. Le tissu de certains de ces pardessus tressés comprenait aussi de la laine de chèvre de montagne, et les plus luxueux étaient ornés de fourrures de loutre de mer.

Les éléments décoratifs des vêtements provenaient tous de la nature. Bon nombre de Haudenosaunee ainsi que de Premières Nations des régions boisées et nordiques utilisaient des aiguillons séchés de porc-épic pour orner leurs vêtements et mocassins. Hommes et femmes coloraient aussi leurs habits au moyen de teintures rouges, jaunes, bleues et vertes, conçues à partir de fleurs, de fruits, de racines et de baies. En outre, les hommes des Premières Nations des Plaines s'appliquaient régulièrement de la peinture au visage; la teinture rouge dérivée de l'argile était l'une des plus fréquemment utilisées.

Croyances spirituelles

Les Premières Nations croyaient toutes que leurs valeurs et leurs traditions étaient des cadeaux du Créateur. L'un des enseignements les plus importants et les plus répandus de leurs croyances consistait à vivre en harmonie avec la nature.

Dans les récits et légendes transmis d'une génération à l'autre par les aînés, les enfants des Premières Nations autochtones apprenaient l'origine de ce monde dont ils étaient partie intégrante. Les Autochtones exprimaient leur gratitude envers tous les éléments de la nature, qui étaient essentiels à leur survie et à leur développement en tant qu'individus et membres de leur collectivité. Ils faisaient preuve d'un immense respect pour tous les éléments de leur environnement, qu'ils soient animés ou non.

Ce grand respect que cultivaient les Autochtones pour tous les éléments et tous les processus du monde naturel se traduisait dans leurs chansons, danses, festivals et cérémonies. Par exemple, les chasseurs de certaines Premières Nations des régions boisées parlaient aux ours, ou leur chantaient une chanson, avant de les abattre, afin de les remercier de leur fournir une nourriture dont leur famille et eux-mêmes avaient grandement besoin.

En harmonie avec leur culture agricole, les Haudenosaunee tenaient de six à huit festivals chaque année pour célébrer la culture du sol et le mûrissement des fruits et des baies. Par exemple, un festival de sept jours était organisé lorsque l'on semait le maïs, un deuxième lorsque les plants étaient verts, puis un troisième durant la récolte.

Les Premières Nations de la côte du Pacifique possédaient de nombreux rituels pour exprimer leur gratitude et célébrer la migration annuelle des saumons. Ces rituels comprenaient une cérémonie de bienvenue et des offrandes au premier saumon de l'année.

Pour régir leurs activités quotidiennes, bon nombre de Premières Nations partageaient des systèmes de valeurs semblables aux sept enseignements ancestraux des Anishnaabe : la sagesse, l'amour, le respect, le courage, l'honnêteté, l'humilité et la vérité. Ces valeurs cherchaient à promouvoir un style de vie en harmonie avec tous les autres éléments de la création.

Deuxième partie – Historique des relations entre les Premières Nations et les nouveaux arrivants

Premières rencontres : Alliances militaires et commerciales
(depuis les premiers contacts jusqu'en 1763)

Au 11e siècle, les populations autochtones de l'Amérique du Nord occupaient le continent depuis des milliers d'années déjà lorsque les explorateurs européens ont fait leur apparition sur la côte Est du continent. En effet, les explorateurs et les pionniers norses, qui s'étaient déplacés vers l'ouest depuis la Scandinavie pour ainsi rejoindre l'Islande, le Groenland, et par la suite, l'île de Terre-Neuve, ont fondé la première colonie européenne en Amérique du Nord à l'Anse aux Meadows. Bien qu'elle ait été de courte durée, cette première colonie a marqué le début de l'exploration et de la migration européenne qui allaient transformer radicalement la vie des peuples autochtones de l'Amérique du Nord.

Établissements coloniaux européens et traite des fourrures

Les Européens sont revenus sur la côte Est de l'Amérique du Nord au 16e siècle afin de s'y établir, après avoir été mis au fait de l'abondance des ressources du Nouveau Monde. En effet, des pêcheurs originaires du Pays Basque, de Bretagne et d'ailleurs en France, d'Espagne, du Portugal, d'Irlande et d'Angleterre, attirés par les eaux regorgeant de morues des Grands Bancs, avaient déjà commencé à établir des contacts et à troquer avec les Mi'kmaq, les Malécites et les Passamaquoddy de la côte Est. Ces pêcheurs, qui revenaient chaque été dans la région pour y pêcher et y saler à sec leurs prises, ont mis en place un commerce officieux de fourrures et de marchandises européennes avec les Premières Nations.

Rapidement, un réseau de colonies concurrentielles a vu le jour un peu partout dans les Amériques, à mesure que les diverses puissances européennes tentaient d'accroître leur richesse et leur influence dans ce Nouveau Monde. En Amérique du Nord, les Britanniques et les Français se sont rapidement imposés comme des puissances dominantes. Au début du 17e siècle, les Britanniques, qui comptaient déjà plusieurs colonies, ont entrepris un processus de colonisation à grande échelle. Parallèlement, les colonies de l'Acadie, dans les Maritimes, et de la Nouvelle-France, dans la vallée du Saint-Laurent, étaient devenues les bases de la présence française en Amérique du Nord.

Peu après la fondation de ces colonies, les deux puissances, qui veillaient à leurs intérêts commerciaux, ont conclu des alliances avec les peuples des Premières Nations pour l'obtention des fourrures. Ainsi, les Britanniques se sont alliés à la Confédération iroquoise (qu'on appelle maintenant les Haudenosaunee, ou peuple de la longue maison; ce groupe était composé des Premières Nations Mohawk, Oneida, Onondaga, Cayuga et Sénéca), et aux Premières Nations de la chaîne des Alleghenys, tandis que les Français ont conclu des ententes avec les Premières Nations situées au nord du fleuve Saint-Laurent, soit les Hurons, les Algonquins, les Odawa et les Montagnais, ainsi qu'avec les peuples d'Acadie, notamment les Mi'kmaq, les Malécites et les Passamaquoddy. Grâce aux voies commerciales autochtones des terres intérieures en place depuis fort longtemps, les Anglais et les Français ont établi, avec leurs alliés autochtones, un important commerce de fourrures centré sur les peaux de castor dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Ce commerce a eu pour effet de stimuler les explorations européennes dans tout le bassin des Grands Lacs, dans les Prairies et sur le fleuve Mississippi.

Alliances militaires et conflits

Les explorateurs français et britanniques, les commerçants de fourrures et les soldats ont emprunté les voies commerciales pour pénétrer dans les terres et y ont installé un réseau de forts et de postes afin d'approvisionner leurs partenaires commerciaux des Premières Nations et d'affermir leur présence. Les Premières Nations se sont rapidement adaptées à ce nouveau commerce, qui leur permettait de tirer avantage des marchandises européennes, comme les articles en fer et les armes à feu. La traite des fourrures, qui s'est avérée très rentable et importante, de pair avec les différents intérêts des Européens et des Premières Nations en cause, a rapidement suscité une suite d'affrontements violents au cours des 16e et 17e siècles. La concurrence entre divers groupes, notamment entre les Haudenosaunee et les Hurons, a donné lieu à une guerre totale. Au milieu du 17e siècle, les Hurons ont dû quitter leurs territoires traditionnels situés autour de la baie Georgienne.

Cette période tumultueuse a pris fin en 1701, lorsque la France et quarante Premières Nations ont signé le traité de la Grande Paix à Montréal. Par cet accord, les diverses Premières Nations du bassin des Grands Lacs se sont engagés à mettre fin aux conflits violents et à se partager les terres à l'image d'un « plat avec deux cuillères ». De plus, juste avant la conférence de Montréal, des chefs Haudenosaunee avaient accepté de vendre aux Britanniques toutes les terres des Grands Lacs en échange de leur protection et du maintien de leur droit de chasse et de pêche sur l'ensemble du territoire. Ainsi, les Haudenosaunee s'assuraient non seulement d'une paix stable avec les Français et leurs alliés, mais aussi de la protection de leurs terres et de leurs intérêts par les Britanniques.

À mesure que les colonies françaises et britanniques gagnaient l'intérieur des terres, la concurrence pour le contrôle des riches régions intérieures de l'Amérique du Nord a provoqué de nouvelles guerres et de nombreuses luttes de pouvoir entre les Nations européennes. Par ces luttes, particulièrement chez les Britanniques et les Français, les alliances commerciales sont devenues des alliances militaires cruciales qui ont fourni aux deux camps un soutien vital. Ayant désespérément besoin d'une aide militaire au cours de la guerre de Sept ans (1756–1763) — qui allait être le dernier conflit franco-britannique en Amérique du Nord —, les administrateurs britanniques ont créé le premier Département des Indiens en 1755, afin de mieux coordonner les alliances avec les puissants Haudenosaunee. Le nouveau Département a aussi tenté de résoudre les problèmes de fraude au sein de la colonie et de mauvais traitements contre les Premières Nations et leurs terres le long de la frontière de la colonie.

En 1760, la chute de Montréal, qui représentait le dernier bastion français sur le Saint-Laurent, a mis un terme aux visées coloniales de la France dans ce qui allait devenir le Canada. La victoire des Britanniques a mené à une transformation des alliances avec les Premières Nations, en vigueur depuis plus de 150 ans. Dans les anciennes colonies de la Nouvelle-France et de l'Acadie, les Britanniques ont conclu divers traités afin de garantir la neutralité des Premières Nations et d'établir des rapports pacifiques. Dans les Maritimes, région dont les terres suscitaient la convoitise depuis le début du 18e siècle, les Britanniques ont conclu des dizaines de « traités de paix et d'amitié » avec les Micmacs, les Malécites et les Passamaquoddy. En 1760, les alliés autochtones de la Nouvelle-France demandent aux Britanniques de reconnaitre leur neutralité dans la Guerre de sept-ans; deux traités sont conclus, le traité de Swegatchie et le traité Murray.

Après avoir déployé des efforts concertés pour améliorer les relations avec les anciens alliés des Français – désormais sceptiques –, sir William Johnson, surintendant du Département des Indiens, n'est pas arrivé à obtenir le succès escompté. Peu après la chute de Montréal, Pontiac, le chef des Odawas, qui doutait des intentions et des motivations des Britanniques, a mené une série d'attaques contre leurs camps militaires dans toute la région des Grands Lacs. En conjuguant missions militaires et diplomatiques, William Johnson et le Département des Indiens ont néanmoins réussi à établir des relations pacifiques, bien qu'un peu tendues, avec les différentes Premières Nations des terres intérieures.

Proclamation royale de 1763

En 1763, la signature du Traité de Paris a mis fin à plus de 150 ans de concurrence européenne et de conflits. En vertu de cet accord, la France a cédé ses territoires coloniaux dans l'Amérique du Nord, dont l'Acadie, la Nouvelle-France et les terres intérieures des Grands Lacs, ainsi que les vallées de l'Ohio et du Mississippi. La Grande-Bretagne était alors devenue la principale puissance européenne dans la majeure partie de l'Amérique du Nord et contrôlait l'ensemble du lucratif commerce de la fourrure. Malgré cette domination, les Britanniques ne contrôlaient pas entièrement le continent. Les administrateurs britanniques ont alors compris que le succès des colonies britanniques en Amérique du Nord reposait sur des relations stables et pacifiques avec les peuples des Premières Nations. Pour y arriver, le roi George III publia une proclamation royale en 1763 dictant la façon dont les colonies seraient administrées. Ce document de grande portée délimitait une frontière occidentale précise pour les colonies. Une fois cette frontière définie, toutes les terres à l'ouest sont devenues des « territoires indiens », où aucune colonie ne pouvait être implantée et aucun commerce ne pouvait avoir lieu sans l'autorisation du Département des Indiens.

La Proclamation prévoyait des protocoles très rigoureux pour toutes les négociations avec les Premières Nations. À partir de 1763, le Département des Indiens est devenu le principal point de contact entre les Premières Nations et les colonies. De plus, seule la Couronne était autorisée à acheter des terres appartenant aux Autochtones par l'entremise de représentants officiellement sanctionnés, qui transigeraient avec les Premières Nations intéressées au cours d'assemblées publiques. Toute autre acquisition de terres serait invalidée et rejetée.

À l'origine, la Proclamation royale cherchait d'abord à ralentir l'expansion débridée des colonies vers l'ouest et à contrôler rigoureusement les relations entre les Premières Nations et les colons; toutefois, son importance réside dans le fait qu'elle est devenue la première reconnaissance publique des droits des Premières Nations en matière de terres et de titre.

Troisième partie - Des rapports changeants : D'alliés à pupilles
(1763-1862)

Jusqu'à la fin du 18e siècle, les rapports entre les Premières Nations et la Couronne britannique sont demeurés en grande partie dictés par les intérêts commerciaux et militaires. À cette époque, le principal objectif du Département des Indiens consistait à ce que l'administration britannique maintienne la paix entre le faible nombre de soldats et de négociants britanniques dispersés dans les postes de traite et les nombreuses Premières Nations bien armées autour du bassin des Grands Lacs. Sous la direction de sir William Johnson, le Département des Indiens a agi à titre d'intermédiaire entre l'armée et les chefs des Premières Nations, obtenant des terres pour la construction de forts, favorisant l'accès au commerce, aux fourrures et aux biens, offrant annuellement des cadeaux, et organisant des conférences de paix. Comme l'a écrit William Johnson dans une lettre au gouvernement britannique, les intérêts commerciaux britanniques à l'intérieur des terres ne pourraient prospérer que si la Couronne prenait des mesures formelles pour assurer la protection des intérêts des Premières Nations, en raison de la position prédominante de ces derniers.

Les traités dans une colonie en croissance

Le déclenchement de la guerre d'Indépendance américaine, suivi de la reconnaissance des États-Unis d'Amérique par la Grande-Bretagne en 1783, a eu de profondes répercussions sur le rapport entre la Couronne britannique et les membres des Premières Nations alliées. La perte des colonies américaines a entraîné l'arrivée de quelque 30 000 loyalistes de l'Empire-Uni, qui se sont réfugiés dans les colonies britanniques restantes d'Amérique du Nord. Formant un puissant groupe de personnes qui avaient tout perdu en raison de leur allégeance à la cause britannique, ces loyalistes ont demandé aux administrateurs des colonies de nouvelles terres.

Le groupe de réfugiés fuyant les États-Unis nouvellement indépendants ne comptait pas que des colons; les Premières Nations qui s'étaient battues aux côtés des Britanniques, notamment les Six Nations de la Confédération iroquoise (ce groupe était composé de la Confédération des Cinq-Nations, plus la Première nation Tuscarora), avaient également été dépossédées par la guerre. Leurs terres ayant été unilatéralement cédées aux Américains en vertu du Traité de Versailles de 1783, les « loyaux alliés de Sa Majesté » de la Confédération iroquoise se sont réfugiés à Montréal et ont demandé un dédommagement pour leur sacrifice envers la Couronne. En réaction à ces demandes, les représentants du Département des Indiens ont négocié une série de traités visant la cession de terres avec les différents peuples Anishinaabeg (les Odawas, les Ojibway et les Algonquins) qui occupaient les terres le long du fleuve Saint-Laurent et autour des Grands Lacs. Comme la plupart de ces cessions ont eu lieu avant l'arrivée des colons dans cette région, elles ont permis d'implanter une colonie agricole de façon remarquablement pacifique. La Couronne britannique a aussi mis de côté deux parcelles de terre à titre de réserves pour les Six Nations – l'une dans la baie de Quinte et l'autre le long de la rivière Grande – afin d'indemniser les alliés autochtones pour les pertes qu'ils avaient subies pendant la guerre contre les Américains.

Au cours des dernières décennies du 18e siècle, il était très important pour les chefs militaires britanniques et le Département des Indiens de maintenir de fortes alliances militaires avec les peuples des Premières Nations. Craignant un futur conflit avec le nouvel État américain au sud, les Britanniques voyaient le grand nombre de guerriers autochtones comme un élément essentiel de la défense de la colonie. Le Département des Indiens cherchait à consolider les alliances fragilisées en tentant de négocier des accords équitables en matière de cession et en protégeant les terres des Premières Nations. Pour y arriver, il offrait aussi des cadeaux et des armes tous les ans au cours d'assemblées et de conférences avec les chefs et dirigeants autochtones, y compris ceux des territoires américains. Ces alliances ont été éprouvées et se sont révélées solides lorsque la guerre a fini par éclater entre la Grande-Bretagne et ses anciennes colonies des États-Unis. Pendant la guerre de 1812, les Premières Nations se sont battues aux côtés des Britanniques et des Canadiens afin de repousser l'invasion américaine dans ce qui constitue aujourd'hui le sud de l'Ontario.

Des relations changeantes

Une fois la paix revenue en Amérique du Nord, de nouveaux immigrants et colons sont venus peupler le territoire. Moins de 50 ans après que les premières cessions de terres eurent attiré des colons dans le Haut-Canada, les colons étaient devenus plus nombreux que la population des Premières Nations dans le bassin des Grands Lacs. Afin d'octroyer aux nouveaux colons des terres pour l'agriculture, le rythme des cessions de terres s'est accéléré. En tout, quelque 35 ventes ont été conclues dans l'ensemble du Haut-Canada, depuis les terres agricoles fertiles du Sud jusqu'aux terres riches en ressources naturelles du lac Supérieur et de la baie Georgienne.

Les colons ont commencé à exercer des pressions sur l'administration de la colonie afin d'obtenir les terres appartenant aux Premières Nations, à mesure que leurs besoins en matière de propriété s'accroissaient. Autrefois considérée comme un bastion de la défense coloniale, la population des Premières Nations de la colonie constituait désormais, pour les Britanniques, un obstacle à sa croissance et à sa prospérité. Non seulement la fin de la guerre de 1812 a estompé les menaces militaires qui pesaient sur les colonies, mais elle a aussi permis à la milice coloniale de s'appuyer sur la population grandissante des colons pour assurer la défense de la colonie. Au cours des décennies qui ont suivi cette guerre, la perception des administrateurs britanniques envers les Premières Nations s'est modifiée : autrefois vus comme des alliés, les Autochtones étaient maintenant considérés comme des personnes à charge.

Vers 1830, alors que l'on cédait de plus en plus de terres pour les colonies, il ne restait que quelques parcelles de terre non cédées appartenant aux Premières Nations dans le Haut-Canada. Dans la plupart des cas, les traités de cession ne permettaient pas la création de réserves un tant soit peu étendues pour les signataires des Premières Nations. Ceux-ci ont alors graduellement perdu l'accès à leurs territoires de chasse, et ils sont devenus un peuple dépossédé de ce qui avait été leurs terres. En 1836, un traité négocié par sir Francis Bond Head, lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, a établi sur l'île Manitoulin, dans la baie Georgienne, une réserve pour les Premières Nations dépossédées. Dépouillée de ses terres, cette population a été encouragée à s'établir sur l'île, où elle serait à l'écart des aspects les plus nocifs de la société coloniale, à savoir l'alcool et la prostitution, et s'adapterait à la nouvelle réalité à un rythme contrôlé. Toutefois, les groupes des Premières Nations ont été peu nombreux à s'installer sur l'île Manitoulin. La plupart ont continué à vivre sur de petites parcelles de terre réservées en vertu des traités ou sur les terres des missions religieuses qui tentaient de les convertir au christianisme, alors que d'autres ont squatté les terres de la Couronne, où ils ont vécu dans une grande pauvreté. Pendant ce temps, la Couronne a continué de négocier des traités de cession avec les Premières Nations jusqu'en 1862.

À mesure que les terres se remplissaient dans les colonies, l'attention s'est tournée pour la première fois vers les régions du Nord, où des minerais avaient été découverts sur les berges du lac Supérieur et du lac Huron. Ainsi, les traités Robinson-Huron et Robinson-Supérieur ont été négociés au cours des années 1850 avec les divers peuples Anishinaabeg habitant la région. Contrairement aux autres traités négociés précédemment, ceux-ci allaient établir un modèle pour les futurs traités avec les Premières Nations dans l'Ouest. Plus précisément, les Premières Nations concernées par ces deux traités ont cédé à la Couronne leurs terres et leurs droits en échange de réserves, d'annuités et du maintien de leur droit de chasse et de pêche sur les terres publiques inoccupées. Cette façon de conclure des accords avec de nombreuses bandes pour de vastes pans de terre allait devenir le modèle pour les traités numérotés conclus après la Confédération.

La Compagnie de la Baie d'Hudson

Pendant que la Grande-Bretagne établissait sa nouvelle colonie le long du Saint-Laurent, la Compagnie des aventuriers, mieux connue sous le nom de Compagnie de la Baie d'Hudson (CBH), continuait de faire du commerce comme elle l'avait fait depuis 1670. Grâce à un monopole et à une charte incluant toutes les terres du bassin hydrologique de la baie d'Hudson, la CBH a commercé avec les Premières Nations de la région constituant aujourd'hui le Nord du Québec, de l'Ontario et du Manitoba. Dans l'optique de se prévaloir des énormes stocks de fourrures destinés au marché européen, cette zone commerciale a été prolongée aux côtes de la baie d'Hudson et de la baie James. La CBH, qui n'avait été touchée que marginalement par les conflits coloniaux presque sans interruption entre la France et la Grande-Bretagne, a été en mesure d'établir un chapelet de postes sur les berges des principales rivières stratégiques. Ces premiers postes, notamment ceux de Fort Albany et de York Factory, ont formé le noyau d'une alliance commerciale d'envergure conclue avec les Cris. En échange d'un large éventail de marchandises, par exemple des couteaux, des marmites, des perles de verre, des aiguilles et des couvertures, les Cris ont fourni d'énormes quantités de fourrures qui provenaient des terres intérieures. Dans ce commerce de plus en plus lucratif, les Cris ont fait office d'intermédiaire entre la CBH et les groupes des terres intérieures. Ils se rendaient dans ces régions pour recueillir les fourrures et les peaux amassées par les chasseurs d'autres Premières Nations, qu'ils transportaient ensuite jusqu'aux postes de la CBH sur la côte. En raison du monopole de la CBH sur tout le commerce effectué sur les terres dont les rivières se déversent dans la baie d'Hudson, cette relation commerciale s'est avérée très avantageuse pour les deux parties.

Les gens n'étaient toutefois pas tous ravis du monopole de la CBH sur certains des riches territoires de fourrures de l'Amérique du Nord. Après que la Nouvelle-France eut passé à la Couronne britannique, les commerçants français de Montréal se sont mis à la recherche de nouveaux fournisseurs de fourrures. Ainsi, de nouvelles compagnies se sont mises à concurrencer la CBH, la plus efficace d'entre elles étant la Compagnie du Nord- Ouest. À l'aide du réseau de postes de traite intérieurs et de voies établis par les Français avant 1763, les « Nor'Wester », comme on les appelait, ont exploité les terres de la région supérieure des Grands Lacs en se déplaçant eux-mêmes pour commercer et prendre possession des fourrures. La Compagnie du Nord-Ouest, avec l'aide des voyageurs canadiens-français, métis et des Premières Nations qui avaient de solides aptitudes en maniement de la pagaie et en transport, s'est rendue directement aux fournisseurs des fourrures, ce qui lui a ainsi permis de détourner une grande quantité de fourrures des intermédiaires cris et des postes de la CBH situés loin au nord. En empruntant la rivière des Outaouais depuis Montréal jusqu'au lac Nippissing, puis au lac Supérieur, la Compagnie du Nord-Ouest dirigeait la majeure partie de la traite des fourrures destinées à Montréal et à toute l'Europe. Depuis le poste principal de leur compagnie à Fort William (situé près de la ville actuelle de Thunder Bay), les « Nor'Wester » ont pu rejoindre les vastes Prairies de l'Amérique du Nord.

En pénétrant dans les terres et en traitant directement avec les chasseurs des Premières Nations, la Compagnie du Nord-Ouest a ébranlé les rapports de longue date entre la CBH et ses intermédiaires cris. Confrontés à une baisse soudaine de leurs stocks de fourrures, les gouverneurs londoniens de la CBH ont adopté la tactique de leurs rivaux, délaissant ainsi leurs intermédiaires des Premières Nations. Pendant les 20 premières années du 19e siècle, la CBH et la Compagnie du Nord-Ouest se sont aventurées de plus en plus loin sur les rivières Saskatchewan-Nord et Saskatchewan-Sud ainsi que les rivières Assiniboine et Athabasca, entre autres, dans le but d'être les premiers à prendre contact avec les chasseurs des Premières Nations et à se prévaloir de leurs stocks de fourrures. En plus d'avoir dressé les commerçants les uns contre les autres, cette concurrence a incité différents groupes des Premières Nations à se joindre à la lutte afin d'obtenir les meilleurs prix et les meilleures marchandises possible en échange de leurs fourrures. En 1821, après 10 ans de conflits violents et sanglants dans les Prairies, les deux compagnies ont fusionné pour former la nouvelle CBH. Les activités de cette nouvelle compagnie s'effectuaient désormais dans l'ensemble du Nord du continent; la société avait le quasi-monopole du commerce, de la côte du Pacifique à la baie d'Hudson, de même qu'au sud jusqu'à Montréal.

La longue histoire de traite, de commerce et de concurrence a entraîné des changements majeurs pour les populations des Premières Nations des plaines du Nord. En particulier, l'intérêt des Européens pour les fourrures de l'Amérique du Nord a entraîné une transformation radicale des économies autochtones. Plutôt que de s'employer à une chasse à la fourrure de petite envergure, les Premières Nations consacraient de plus en plus de temps et de ressources pour répondre à la demande de fourrures et de peaux des Européens, qui semblait insatiable. La demande de la CBH pour les peaux de bison et le pemmican, une viande de bison nourrissante qui se conservait longtemps, a transformé la façon dont les Premières Nations des Plaines chassaient cet animal : ce n'était désormais plus une activité de subsistance, mais plutôt une exploitation commerciale à grande échelle. Les activités commerciales se sont alors concentrées dans les postes de la CBH au nord, puis dans les postes de traite des terres intérieures, répartis un peu partout dans les Prairies. Les négociants qui devaient transporter les marchandises sur les rivières jusqu'aux entrepôts centraux, comme celui de Fort William, ont alors eu recours à des hommes des Premières Nations qui agissaient comme ouvriers et porteurs. Toutes ces activités ont contribué à la propagation à grande échelle des marchandises européennes, surtout les articles en fer, les couteaux et les armes, ainsi qu'à la dépendance des Premières Nations pour ces objets.

De plus, l'accroissement de la traite des fourrures a propagé les contacts entre les membres des Premières Nations, les commerçants et les colons, ce qui a entraîné des conséquences dramatiques à long terme pour ces premiers. Les postes de traite épars et isolés sont devenus des lieux de rassemblement pour de nombreux groupes, qui non seulement venaient traiter avec la CBH, mais également entre eux. Cette proximité avec les négociants a fait augmenter la consommation d'alcool, ce qui a exacerbé les effets dévastateurs sur les Premières Nations.

Puis, en 1812, le gouverneur de la CBH, le comte de Selkirk, a fondé un établissement colonial au confluent de la rivière Rouge et de la rivière Assiniboine. En raison d'une piètre planification et des répercussions du conflit permanent entre la CBH et la Compagnie du Nord-Ouest, cette première tentative d'installation d'une colonie dans les terres intérieures s'est avérée un échec. Toutefois, quelques colons et des hommes de la Compagnie sont demeurés sur place pour y résider l'année durant. Peu à peu, ces gens ont contribué à former une collectivité bien établie le long de la rivière Rouge. Pendant des décennies, on a assisté à des mariages entre des voyageurs et des négociants de la CBH et des femmes des Premières Nations, ce qui a entraîné l'apparition d'un nouveau groupe autochtone distinct, les Métis, concentré près du point de rencontre des rivières Rouge et Assiniboine. Cette collectivité étroitement unie s'est rassemblée et a adopté les coutumes et les modes de vie des Européens et des Premières Nations afin de satisfaire aux exigences de cet établissement pionnier en pleine croissance.

Quatrième partie - Lois et assimilation : Élaboration de la Loi sur les Indiens
(1820-1927)

« Civiliser l'Indien »

Alors que le rôle militaire des Premières Nations déclinait au sein de la colonie, les administrateurs britanniques ont commencé à étudier de nouvelles stratégies à l'égard de leurs relations avec les Autochtones. En fait, un nouveau point de vue sur le rôle de la Grande-Bretagne à l'égard des différents groupes indigènes dans le monde était apparu dans l'ensemble de l'Empire britannique. Convaincus de la supériorité des idéaux et de la société britanniques et nourris par une ferveur missionnaire, les Britanniques ont créé des initiatives visant à « civiliser » les peuples indigènes dans tout l'Empire. Le Département des Indiens est alors devenu le vecteur de mise en œuvre du nouveau plan de « civilisation » dans les colonies du Haut et du Bas-Canada. S'appuyant sur la conviction qu'il était du devoir des Britanniques de convertir les peuples des Premières Nations au christianisme et à l'agriculture, les agents des Indiens ont commencé à convaincre les Premières Nations d'abandonner leurs modes de vie traditionnels et d'adopter un mode de vie sédentaire et axé sur l'agriculture, comme celui des Britanniques. De cette façon, ces politiques visaient à assimiler les Premières Nations dans la société britannique agraire et chrétienne.

À partir des années 1820, les administrateurs de la colonie ont entrepris de nombreuses initiatives dans le but de « civiliser » les Autochtones. L'une des premières expériences en matière d'assimilation a été menée à Coldwater-Narrows, près du lac Simcoe, dans le Haut-Canada. Un groupe d'Anishinaabe a alors été incité à s'établir dans un village de style colonial typique où ils recevraient une formation en agriculture et seraient encouragés à adopter le christianisme ainsi qu'à abandonner la chasse et la pêche comme moyens de subsistance. L'expérience menée à Coldwater-Narrows s'est toutefois soldée par un lamentable échec peu de temps après en raison de la mauvaise gestion du Département des Indiens, du sous-financement chronique, du manque de compréhension généralisé de la culture et des valeurs autochtones ainsi que de la rivalité entre les adeptes de différentes confessions religieuses.

Mesures législatives relatives aux Indiens

Malgré les problèmes du début, le programme de « civilisation » est demeuré l'un des éléments centraux des politiques et des mesures législatives relatives aux Indiens durant les 150 années suivantes. En 1839, on promulguait l'une des premières lois à cet égard, la Loi sur la protection des terres de la Couronne, pour faire du gouvernement le gardien de toutes les terres publiques, y compris les terres des réserves indiennes. Par cette loi, le gouvernement cherchait à encadrer la colonisation, qui se faisait à un rythme plus rapide que prévu au cours des années 1830. À cette époque, des squatteurs s'établissaient sur des terres inoccupées, tant sur des terres publiques que dans des réserves indiennes. Cette loi a été la première à désigner les terres indiennes comme des terres publiques devant être protégées par la Couronne; elle servait aussi à défendre les intérêts des Premières Nations en restreignant l'accès des pionniers aux terres des réserves. En 1850, on édictait une autre loi afin de protéger les intérêts des Premières Nations et de restreindre les intrusions et l'empiétement sur les terres de réserves. Cette loi donnait en outre une définition de l'appellation « Indien », exonérait d'impôt les membres des Premières Nations et les protégeait contre les créanciers. En 1857, l'administration britannique a adopté la Loi sur la civilisation graduelle. Cette loi offrait des propriétés de 50 acres et des incitatifs financiers aux membres des Premières Nations alphabètes qui n'avaient pas de dettes, afin qu'ils renoncent à leur mode de vie traditionnel et adoptent plutôt des habitudes de vie « civilisées » en qualité de « citoyens ».

En 1860, la Loi sur la gestion des terres et des propriétés indiennes (Loi sur les terres indiennes) a entraîné un autre changement radical dans les relations entre les Premières Nations et l'État. Cette loi transférait la responsabilité des affaires indiennes aux colonies, permettant ainsi à la Couronne britannique de se désister de ses dernières responsabilités envers ses anciens alliés. Toutefois, la responsabilité des colonies concernant de la gestion « des Indiens et des terres réservées aux Indiens » a rapidement été confiée au gouvernement fédéral, à la suite de la création du Dominion du Canada en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Poursuivant avec l'approche centralisatrice des affaires indiennes amorcée par le régime britannique, le nouveau pays a aussi entrepris, en 1869, l'expansion de son influence sur les peuples des Premières Nations par l'achat de la Terre de Rupert, appartenant auparavant à la CBH. Grâce à cette acquisition, le nouveau Dominion était désormais responsable des besoins et des revendications des Premières Nations de l'Atlantique jusqu'aux montagnes Rocheuses.

Politique relative aux Indiens de la Colombie-Britannique

Sur la côte Ouest, les rapports entre les colons européens et les Premières Nations de la région se sont développés de façon bien différente de ceux entre les colons et les Premières Nations dans le bassin des Grands Lacs. Pendant près de 50 ans, la colonisation de l'Ouest avait été éclipsée par les aspirations commerciales de la CBH. Détentrice du monopole du commerce pour toute la portion britannique du territoire de l'Oregon, la CBH se contentait de limiter ses rapports diplomatiques avec les Premières Nations de la côte Ouest aux seules questions relatives au commerce de la fourrure.

En 1849, la CBH s'est vue confier un nouveau mandat pour l'établissement d'une colonie sur l'île de Vancouver. Avant de devenir gouverneur de la colonie en 1954, James Douglas, alors commandant de la CBH, a conclu 14 traités avec diverses tribus des Salish du littoral, sur l'île de Vancouver, de 1850 à 1854. En vertu de ces traités, les Premières Nations cédaient les terres nécessaires à la colonie autour de divers postes de la CBH, en échange de versements forfaitaires d'argent et de biens, ainsi que du maintien du droit de chasser et de pêcher. La fondation de la colonie de Colombie-Britannique en 1859, de pair avec l'accroissement du contrôle local de l'administration de la colonie, a eu une incidence profonde et de longue durée sur les Premières Nations de la région. Sous la direction de l'arpenteur colonial Joseph Trutch, devenu par la suite lieutenant-gouverneur, l'assemblée coloniale s'est peu à peu distancée des politiques établies par Douglas durant les années 1850. On n'a conclu aucun traité après 1854 en raison de la réticence de la Colombie-Britannique à reconnaître les droits fonciers des Premières Nations, contrairement à toutes les autres autorités coloniales britanniques. Ce refus de reconnaître le titre foncier ancestral, qui allait pourtant à l'encontre de la position du Dominion dans les autres régions du pays, a persisté même après l'entrée de la Colombie-Britannique au sein de la Confédération.

Les traités numérotés

De 1871 à 1921, le Canada a conclu une série de traités prévoyant des cessions de terres dans l'ensemble des nouveaux territoires. Ces traités avaient pour objectifs de satisfaire aux exigences imposées par le transfert, de protéger la souveraineté du Canada, de préparer les terres au peuplement et à l'exploitation et d'éviter les éventuels conflits entre les Premières Nations et les colons. En adoptant la méthode établie par les traités Robinson de 1850, la Couronne a négocié 11 nouveaux accords sur l'ensemble des terres du Nord de l'Ontario, des Prairies et du fleuve Mackenzie jusqu'à l'Arctique. Tout comme les traités Robinson, ces traités numérotés désignaient des terres de réserve des Premières Nations et prévoyaient des annuités ainsi que le maintien des droits de chasse et de pêche sur les terres publiques non occupées, en échange du titre foncier autochtone. De plus, ces nouveaux traités prévoyaient des écoles et des enseignants pour éduquer les enfants des réserves, des instruments aratoires, du matériel de chasse et de pêche et des éléments cérémoniaux et symboliques, par exemple des médailles, des drapeaux et des vêtements pour les chefs. Les groupes autochtones n'étaient pas opposés à ce processus et, dans bien des cas, ont exercé des pressions pour que le Canada négocie des traités dans des secteurs alors qu'il n'était pas prêt à le faire. Les signataires des Premières Nations avaient leurs propres raisons de conclure des traités avec la Couronne. Dans l'ensemble, ils s'attendaient à ce que la Couronne leur vienne en aide au cours de cette période de bouleversements profonds dans leur vie. Voyant leur peuple frappé par les épidémies et la famine, les chefs des Premières Nations souhaitaient que le gouvernement contribue à prendre soin de leurs membres en détresse et les aide à s'adapter au contexte économique changeant, car les troupeaux de bisons avaient presque disparu et la CBH déplaçait ses activités vers le Nord.

Pendant toute la durée des négociations et dans le texte des traités numérotés, les signataires autochtones ont été encouragés à s'établir dans des collectivités sédentaires dans les réserves, à devenir agriculteurs et à fréquenter l'école. Les commissaires responsables des traités ont expliqué que les réserves visaient à aider les Premières Nations à s'adapter à la vie sans la chasse aux bisons et que le gouvernement les aiderait dans leur transition vers l'agriculture. Tout de même, ces 11 traités constituaient des actes de cession de terres à une très grande échelle. Les traités numérotés peuvent être répartis en deux groupes : ceux qui portent sur la colonisation au sud, et ceux qui portent sur l'accès aux ressources naturelles au nord. Conclus entre 1871 et 1877, les traités numéros 1 à 7 ont pavé la voie pour l'ouverture des Territoires du Nord-Ouest à la colonisation des agriculteurs et pour la construction d'un chemin de fer reliant la Colombie-Britannique à l'Ontario. Ces traités ont aussi permis d'affirmer la souveraineté du Canada sur les terres au nord de la frontière avec les États-Unis. Après une interruption de 22 ans, les négociations de traités ont repris entre 1899 et 1921 afin d'assurer et de faciliter l'accès aux abondantes ressources naturelles du Nord canadien.

La Loi sur les Indiens

En 1876, le gouvernement a promulgué une nouvelle loi qui aurait des répercussions profondes et durables sur les Premières Nations dans tout le Canada. Les lois existantes concernant les Premières Nations au Canada ont été fusionnées pour former l'Acte des Sauvages de 1876 (maintenant appelée Loi sur les Indiens). Cette loi conférait un pouvoir accru au ministère fédéral des Affaires indiennes en lui donnant le droit d'intervenir dans une vaste gamme de questions internes relatives aux bandes et de prendre des décisions stratégiques de grande portée, telles que l'établissement des critères servant à déterminer qui est un Indien. En vertu de cette loi, le ministère était responsable de la gestion des terres, des ressources et de l'argent des Indiens, du contrôle de l'accès aux substances intoxicantes et de la promotion de la « civilisation ». La Loi sur les Indiens était fondée sur la prémisse selon laquelle il incombait à la Couronne de s'occuper des Premières Nations et de veiller à leurs intérêts en agissant comme « tuteur » tant et aussi longtemps que ces dernières ne s'intégreraient pas pleinement à la société canadienne.

La Loi sur les Indiens est l'une des lois ayant le plus souvent fait l'objet de modifications dans l'histoire parlementaire canadienne. En effet, la Loi a été modifiée presque chaque année entre 1876 et 1927. Ces modifications, portant en grande partie sur l'assimilation et la « civilisation » des Premières Nations, sont devenues de plus en plus restrictives et ont imposé des contrôles plus stricts sur la vie des peuples autochtones. Au cours des années 1880, le gouvernement a imposé de nouvelles règles de fonctionnement des conseils de bande et de gouvernance, selon lesquelles la décision finale revenait à l'agent des Indiens. La Loi a continué à prôner un abandon à très grande échelle des modes de vie traditionnels et a interdit les cérémonies spirituelles et religieuses, telles que le potlatch et la danse du soleil.

Le concept de l'émancipation (acte par lequel une personne acquiert les droits liés à la citoyenneté, en particulier le droit de vote) est aussi demeuré un élément central de la politique du gouvernement pour les décennies à venir. Étant donné que très peu de membres des Premières Nations ont choisi l'émancipation, le gouvernement a apporté des modifications à la Loi afin de rendre l'émancipation automatique. Ainsi, selon une modification de 1880, tout Indien qui obtenait un grade universitaire était automatiquement émancipé. Une modification de 1933, quant à elle, donnait au gouvernement le droit d'ordonner l'émancipation de membres des Premières Nations qui répondaient aux critères de la Loi, même sans que ces personnes en aient fait la demande. En 1927, une nouvelle restriction a été décrétée. En réaction à la revendication territoriale de la Nation nisga'a en Colombie-Britannique, le gouvernement a adopté une modification qui interdisait aux Premières Nations de recueillir des fonds aux fins d'une revendication territoriale sans l'autorisation expresse du Département des Affaires indiennes. Cette modification a eu pour effet d'empêcher les Premières Nations de présenter des revendications territoriales de quelque sorte que ce soit.

Éducation des Indiens et pensionnats

En 1883, la politique sur les affaires indiennes touchant l'éducation des Premières Nations accordait la priorité aux pensionnats comme principale méthode de « civilisation » et d'assimilation. Dans ces écoles, on devait fournir aux enfants des Premières Nations un enseignement des mêmes matières et semblable à celui destiné aux enfants canadiens (lecture, écriture, arithmétique et anglais ou français). Parallèlement, les écoles devaient forcer ces enfants à renoncer à leurs langues, à leurs tenues, à leur religion et à leurs modes de vie traditionnels. Pour y arriver, on a mis en place, partout au Canada, un réseau de 132 pensionnats de confessions catholique, unie, anglicane et presbytérienne en collaboration avec le gouvernement fédéral. De 1857 à 1996, plus de 150 000 enfants autochtones ont fréquenté les pensionnats.

Cinquième partie - Nouvelles perspectives : Les Premières Nations dans la société canadienne
(1914-1982)

Malgré des décennies vécues dans des conditions de vie difficiles et pénibles selon les règlements restrictifs des diverses versions de la Loi sur les Indiens, de nombreux membres des Premières Nations ont répondu à l'appel aux armes des deux guerres mondiales et de la guerre de Corée. Environ 6 000 d'entre eux ont servi durant la Première Guerre mondiale seulement. À la fin des années 1940, des changements sociaux et politiques se sont opérés et ont marqué le début d'une ère nouvelle pour les Premières Nations du Canada. Plusieurs chefs des Premières Nations se sont alors démarqués, et un grand nombre d'entre eux ont insisté sur le fait que des milliers des leurs avaient servi leur pays durant les deux guerres mondiales. Partout au pays, les Premières Nations ont commencé à mettre en place des organisations provinciales qui exprimaient avec vigueur la volonté de leurs peuples de jouir d'une position égale à celle des autres Canadiens, tout en conservant leur patrimoine culturel.

Recul du paternalisme

En 1946, un comité parlementaire mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes a entrepris un vaste examen de la gestion des affaires indiennes et des politiques du Canada à ce sujet. Pendant trois ans, le comité a reçu des mémoires et des représentations des Premières Nations, de missionnaires, d'enseignants et de fonctionnaires fédéraux. Ces audiences ont permis de mettre au jour les répercussions réelles des politiques d'assimilation du Canada sur la vie et le bien-être des Premières Nations. Les audiences du comité ont constitué, pour les chefs et les aînés des Premières Nations, une des premières occasions de s'adresser directement aux parlementaires plutôt que par l'entremise du ministère des Affaires indiennes. Dans l'ensemble, les Premières Nations ont rejeté le concept d'assimilation culturelle dans la société canadienne. Plus précisément, ils se sont exprimés contre les dispositions sur l'émancipation promulguées dans la Loi sur les Indiens et l'étendue des pouvoirs exercés par le gouvernement dans leur quotidien. De nombreux groupes ont demandé que ces pouvoirs « étendus et discrétionnaires » soient conférés aux chefs et aux conseillers des Premières Nations dans les réserves afin qu'ils puissent déterminer eux-mêmes les critères relatifs à l'appartenance à la bande et gérer leurs propres fonds et terres de réserve. Bien qu'il ne soit pas allé jusqu'à recommander l'abolition de la Loi sur les Indiens et de ses politiques d'assimilation, le comité mixte a recommandé que certains éléments obligatoires et unilatéraux de la Loi soient revus, ou leur portée réduite. De plus, le comité a recommandé qu'une commission de règlement des revendications soit mise sur pied pour entendre les problèmes qui découlaient de l'application des traités.

Malgré le rapport du comité, les modifications de 1951 à la Loi n'ont pas entraîné de changements de fond à la politique sur les Indiens du gouvernement, et la nouvelle loi n'était pas très différente des lois précédentes. On avait en effet abrogé divers aspects contestés comme la clause sur l'émancipation involontaire, ainsi que les dispositions qui déterminaient le statut d'Indien. Les modifications apportées ont toutefois eu un certain effet. Ainsi, les dispositions qui interdisaient le potlatch et d'autres cérémonies, de même que celles sur l'interdiction de réunir des fonds afin de présenter des revendications, ont été abrogées. De plus, on a accordé aux bandes un plus grand contrôle sur l'administration de leurs propres collectivités et l'utilisation des fonds et des recettes des bandes. Des prestations de pension nationales et d'autres prestations de santé et de services sociaux étaient désormais offertes aux Premières Nations. Même si la Loi de 1951 restreignait quelque peu les pouvoirs dont disposait le ministre des Affaires indiennes et du Nord quant aux affaires des différentes bandes, les pouvoirs du gouvernement sur la vie des Premières Nations demeuraient considérables.

Malgré le fait que la Loi sur les Indiens continuait de restreindre le contrôle des Premières Nations sur leurs propres affaires, leurs conditions sociales et économiques ont commencé à s'améliorer à partir de 1960. Cette année-là, le gouvernement accordait enfin aux membres des Premières Nations le droit de vote aux élections fédérales; il s'agissait d'une autre recommandation du comité mixte de 1946. Ce sont les anciens combattants des Premières Nations qui sont à l'origine de cet important avancement : alors qu'ils s'étaient battus pour le Canada lors des deux guerres mondiales, on leur refusait le droit de vote, ce qu'ils dénonçaient. Au milieu des années 1950, les Premières Nations ont aussi eu droit à la prestation de services de santé de meilleure qualité, entraînant ainsi une croissance rapide de la population d'Indiens inscrits. En outre, de nombreux enfants des Premières Nations pouvaient recevoir une éducation, notamment aux niveaux secondaire et postsecondaire. En règle générale, cependant, les conditions de vie des Premières Nations étaient encore bien inférieures à celles des autres Canadiens.

Le Livre blanc

En 1969, le gouvernement a entrepris l'examen d'une approche entièrement nouvelle à sa politique en matière d'affaires indiennes, qui se fondait sur un concept voulant que tous les Canadiens aient les mêmes droits, sans égard à leur origine ethnique, leur langue ou leur histoire. S'inspirant du principe selon lequel le « statut spécial » des Premières Nations et des Inuits leur nuisait et qu'on devait les intégrer pleinement à la société afin qu'ils jouissent des mêmes avantages que les autres Canadiens, le gouvernement a présenté un document d'orientation appelé « Livre blanc ». Ce document demandait l'abrogation de la Loi sur les Indiens, ce qui mettrait un terme à la responsabilité du gouvernement fédéral envers les Premières Nations et éliminerait le statut spécial de celles-ci. Cette proposition suggérait aussi de décentraliser les affaires indiennes en faveur des gouvernements provinciaux, qui auraient alors administré les services pour les Premières Nations. Le Livre blanc recommandait enfin de mettre un terme aux traités de manière équitable. De cette façon, le gouvernement souhaitait abolir ce qu'il estimait être une fausse démarcation entre les Premières Nations et les autres groupes de la société canadienne.

Les Premières Nations ont rejeté le Livre blanc dans une très grande proportion. La principale critique portait sur l'absence d'une quelconque consultation avec les Premières Nations, directement touchées par la politique. On a donc conclu que même si bon nombre de gens estimaient que la Loi sur les Indiens était paternaliste et coercitive, elle protégeait cependant le statut autochtone spécial au sein de la Confédération et, par conséquent, leurs droits particuliers, notamment les droits ancestraux et les droits issus de traités. En raison de cette forte réaction négative, non seulement de la part des Premières Nations, mais également du public en général, le Livre blanc a été tabletté en 1971. La tentative du gouvernement de modifier ses rapports avec les Premières Nations a donné naissance à un nouveau type de nationalisme autochtone. En effet, les chefs des Premières Nations de tout le pays se sont unis au sein de nouvelles associations et organisations destinées à protéger les droits et les intérêts des Autochtones et à faire la promotion de ces droits et intérêts. Ces organisations ont proposé leurs propres politiques : par exemple, l'Association des Indiens de l'Alberta avançait, dans le document « Citizens Plus », que les Autochtones avaient des droits et des avantages dont les autres Canadiens ne jouissent pas. En adoptant ce concept, les Premières Nations affirmaient avoir droit à tous les avantages de la citoyenneté canadienne, en plus de leurs droits spéciaux qui découlaient des droits qu'ils détenaient déjà et de leur relation unique et historique avec la Couronne.

Peu à peu, le gouvernement fédéral a commencé à modifier ses méthodes et à atténuer son attitude paternaliste envers les Premières Nations, notamment en retirant les agents des Indiens des réserves de tout le pays. En outre, le gouvernement a commencé à financer les organisations politiques autochtones, leur permettant ainsi de se concentrer sur la reconnaissance intégrale de leurs droits ancestraux et sur la renégociation des traités.

Revendications territoriales globales

À mesure que les organisations et associations des Premières Nations, telles que la Fraternité des Indiens du Canada (devenu plus tard l'Assemblée des Premières Nations), contestaient la politique du Canada sur les Indiens, les tribunaux canadiens ont aussi emboîté le pas. Au début des années 1970, trois arrêts clés ont entraîné une évolution dans la reconnaissance des droits des Premières Nations au Canada. Dans le Nord du Québec, un projet hydroélectrique proposé dans la région de la baie James, dont l'annonce a été faite en 1971, est devenu le point de convergence des protestations des Cris et des Inuit du Nord du Québec. Ces derniers affirmaient qu'étant donné qu'aucun traité n'avait été signé quant aux terres dans le Nord du Québec, ils possédaient toujours des droits ancestraux sur ces terres. Ils se sont donc tournés vers les tribunaux afin de réclamer une injonction jusqu'à ce que leurs droits et titres soient établis. Dans un arrêt sans précédent en droit canadien, la Cour supérieure du Québec a statué en 1973 qu'il restait une obligation non remplie de régler les titres ancestraux dans le Nord du Québec.

La même année, une autre affaire judiciaire a ramené la question des revendications des Premières Nations sur la place publique. Après avoir persévéré pendant des décennies, le peuple nisga'a de la Colombie-Britannique a réussi à porter son affaire devant la Cour suprême du Canada. Mené par Frank Calder, les Nisga'a cherchaient à faire reconnaître le fondement juridique de leur titre autochtone. Dans le jugement prononcé en 1973 dans l'affaire Calder, six des sept juges ont énoncé que le titre autochtone existait bel et bien en droit canadien. Dans un troisième jugement rendu en 1973, la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a rendu l'arrêt Paulette Caveat décrétant que le Canada n'avait pas rempli ses obligations en vertu des traités numéros 8 et 11 dans les Territoires et que, pour cette raison, les droits et le titre autochtones n'avaient jamais été entièrement cédés à la Couronne.

Un examen de ces décisions judiciaires cruciales a amené le ministère des Affairs autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) à annoncer sa volonté de négocier des revendications territoriales dans les cas de terres faisant l'objet de revendications non réglées. La nouvelle politique ministérielle, connue sous le nom de Politique sur les revendications globales, dont l'objectif consistait à régler les revendications territoriales par un processus de négociations, a été annoncée en août 1973. Dans le cadre de cette politique, les droits et titres autochtones seraient alors cédés à la Couronne en vertu d'une entente de règlement garantissant des droits et des avantages définis pour les signataires, tels que le titre foncier, des droits de pêche et de piégeage, une compensation financière, et d'autres avantages sociaux et économiques. La première entente dans le cadre de cette nouvelle politique a été conclue avec les Cris et les Inuit du Nord du Québec. Peu après l'arrêt de 1972 sur la baie James, les Cris, le gouvernement fédéral et celui du Québec ont entrepris des négociations pour tenter de régler les revendications autochtones et permettre la reprise du développement hydroélectrique. En vertu de l'accord définitif signé en novembre 1975, les Cris et les Inuit ont cédé leur titre ancestral sur des terres représentant quelque 981 610 kilomètres carrés dans la région de la baie James et de la baie d'Ungava, dans le Nord du Québec. En échange, ils ont reçu 225 millions de dollars sur une période de 20 ans. On leur a donné des parcelles de terre avec des droits exclusifs de chasse et de pêche sur de vastes territoires, de nouvelles administrations locales afin de gouverner les réserves ainsi qu'un droit de regard en matière d'éducation et de santé. Cette entente prévoyait également des mesures relatives au maintien de l'ordre et à l'administration de la justice, au maintien des avantages fédéraux et provinciaux, ainsi que des mesures particulières de développement économique et social.

Depuis 1975, la Politique sur les revendications globales a été modifiée en réaction aux préoccupations et aux positions autochtones, notamment en 1986, lorsque de nouvelles possibilités relativement au transfert de droits et de titres ont été intégrées (et qu'une portée plus grande a été donnée aux droits et à d'autres questions). En 1991, la limite sur le nombre de négociations en cours a été levée.

La négociation de revendications globales constitue un processus long et laborieux qui dure de nombreuses années. De 1975 à 2009, 22 ententes sur des revendications territoriales globales, appelées « traités modernes », ont été conclues dans le Nord du Québec, les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et en Colombie-Britannique. Deux des plus importants accords conclus sont les accords du Nunavut et de Nisga'a. Signé en 1993, l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut fut le premier traité conclu avec les Inuits au Canada et a préparé le terrain pour la création du Territoire du Nunavut, le 1er avril 1999. À l'issue d'un siècle de revendications et de 24 années de négociation, les Nisga'a, le Canada et la Colombie-Britannique ratifient l'Accord définitif Nisga'a – premier traité moderne en Colombie-Britannique.

Politique sur les revendications particulières

Dans le cadre d'un vaste examen de la façon dont le Canada traite les revendications des Premières Nations, AADNCa élaboré une politique complémentaire à celle concernant les revendications globales afin de traiter les revendications particulières. Bien que l'idée de traiter les revendications particulières des Premières Nations ait été proposée pour la première fois dans le rapport du comité mixte en 1948, ce n'est qu'en 1973 qu'elle a été mise en pratique. Tandis que la Politique sur les revendications globales allait traiter les questions découlant de revendications concernant les titres autochtones, la Politique sur les revendications particulières traiterait les revendications relatives au non-respect des « obligations juridiques » découlant de la Loi sur les Indiens ou de traités. En complément à cette politique, le Bureau des revendications des Autochtones a été créé afin de faciliter le traitement de ces revendications. Ce processus s'est toutefois révélé difficile et laborieux, et de nombreuses Premières Nations se sont plaintes de son manque d'efficacité. Après avoir modifié la Politique au milieu des années 1980, puis au début des années 1990, le gouvernement fédéral a mis sur pied la Commission des revendications particulières des Indiens, chargée d'examiner les décisions prises par AADNC en matière de revendications autochtones et de formule des recommandations à cet effet.

Bien que les modifications apportées à la Politique aient permis le traitement d'un plus grand nombre de revendications, la complexité, le nombre et la diversité des revendications ont compliqué leur gestion, entraînant souvent des retards prolongés. En 2006, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a recommandé que le gouvernement crée un fonds consacré aux règlements des revendications particulières et établisse une nouvelle entité indépendante du gouvernement ayant le mandat et les pouvoirs nécessaires pour régler des revendications particulières. AADNC a par la suite invité les organisations des Premières Nations à participer directement à l'élaboration de la nouvelle Politique sur les revendications particulières. C'est ainsi que la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, adoptée en 2008, a permis la création d'un tribunal indépendant pouvant rendre des décisions exécutoires relatives à la validité des revendications et aux indemnités.

« Droits existants ancestraux et issus de traités »

Le gouvernement fédéral a entrepris une série de pourparlers constitutionnels avec les premiers ministres provinciaux entre 1977 et 1981 sur la réforme et le rapatriement de la Constitution canadienne. Souhaitant participer à ce processus, les organisations politiques autochtones se sont toutefois vu refuser l'accès à la table des négociations. En 1981, lorsque le gouvernement a présenté une proposition constitutionnelle comprenant la Charte des droits et libertés, les droits ancestraux et issus de traités en étaient exclus. Toutefois, après plusieurs mois de lobbying intensif, les organisations des Premières Nations, des Inuit et des Métis ont réussi à faire intégrer deux clauses à l'article 35 de Loi constitutionnelle reconnaissant « les droits existants ancestraux ou issus de traités » ainsi qu'une définition des Autochtones visant ces trois groupes. De 1983 à 1987, des conférences ont été organisées pour tenter de définir ce qu'étaient les « droits existants ancestraux ou issus de traités ». Toutefois, un consensus n'a pu être dégagé pour définir ces droits, en raison de désaccords entre les provinces, le Canada et les groupes autochtones.

En l'absence d'un consensus sur une définition claire de ce qui constitue les « droits existants ancestraux ou issus de traités », ce sont les tribunaux qui ont dû non seulement définir la portée et l'étendue de ces droits, mais également orienter les politiques et les programmes gouvernementaux de façon à respecter ces droits et à en prévenir la violation.

Sixième partie - Mise en place d'une nouvelle relation
(de 1982 à 2008)

Projet de loi C-31

Depuis le milieu du 19e siècle, la politique gouvernementale relative aux affaires indiennes stipulait que les femmes des Premières Nations perdaient d'office leur « statut » d'Indienne lorsqu'elles épousaient un homme non autochtone. Cette émancipation automatique a été inscrite successivement dans les lois pendant plus d'un siècle. Durant des décennies, plusieurs membres des Premières Nations, tout particulièrement des femmes, ont dénoncé le fait que cet article de la Loi sur les Indiens constituait une discrimination flagrante. Puis, dans les années 1980, cet article a fait l'objet de critiques dans l'ensemble de la société canadienne. Incité par différentes contestations judiciaires qui s'en prenaient à la suppression du statut d'Indienne des femmes des Premières Nations, AADNC a consulté les chefs des Premières Nations de tout le pays pour déterminer la meilleure façon de modifier la loi en vigueur.

Le Parlement du Canada a promulgué, en 1985, le projet de loi C-31. Les modifications apportées à la Loi sur les Indiens éliminaient les dispositions discriminatoires, abolissaient l'incidence du mariage sur le statut, offraient aux différentes bandes un pouvoir accru sur leur effectif et précisaient deux nouvelles catégories de statut. À la suite de ces modifications, environ 60 000 personnes ont recouvré leur statut d'Indien. En outre, le projet de loi C-31 faisait la distinction entre l'appartenance à une bande et le statut d'Indien. Ainsi, le gouvernement allait continuer à régir le statut, mais les bandes avaient tous les pouvoirs sur leur effectif.

Crise d'Oka et Commission royale sur les peuples autochtones

La nécessité de régler le problème des griefs de longue date des Premières Nations est devenue une urgence à la suite des événements qui sont survenus à Oka, au Québec, à l'été 1990. Retenant presque immédiatement l'attention de tout le pays, ce conflit s'est enflammé le 11 juillet de cette année lorsque la Sûreté du Québec a tenté de démanteler un barrage routier mis en place aux abords de Montréal à la mi-mars par un groupe de Mohawks de Kanesatake. Cette Première nation avait érigé un barrage routier afin d'empêcher la municipalité d'Oka, située à proximité, d'élargir un terrain de golf sur des terres que les Mohawks estimaient être sacrées. Un policier a été tué durant ce coup de force. Pendant 78 jours, des guerriers mohawks armés ont fait face aux agents de la Sûreté du Québec et, par la suite, à des membres des Forces canadiennes. Les Mohawks se sont ensuite retirés de leur plein gré de la barricade après qu'une entente a été conclue entre toutes les parties.

À la suite de la crise d'Oka, les chefs des Premières Nations et les commentateurs politiques de tout le Canada ont débattu de l'incidence de cet affrontement. Les partisans de la société des guerriers mohawks avançaient que la crise avait rehaussé l'importance des questions autochtones comme aucun chef autochtone n'avait été en mesure de le faire par le passé. Toutefois, d'autres chefs des Premières Nations ont signalé que les avantages obtenus étaient annulés par les répercussions négatives élevées : augmentation du racisme envers les peuples autochtones, diminution de la crédibilité du mouvement pour les droits des Autochtones, et hausse de l'activisme chez des jeunes Autochtones mécontents.

Dans le but de répondre aux préoccupations des dirigeants des Premières Nations, le gouvernement du Canada a annoncé, quelques jours avant la fin de la crise d'Oka, un nouveau plan destiné à améliorer ses relations avec les Premières Nations. Ces nouvelles mesures comprenaient notamment l'accélération du règlement des revendications territoriales, la mise sur pied d'une Commission sur les revendications particulières des Indiens, l'amélioration des conditions de vie et des relations entre le gouvernement fédéral et les Autochtones, ainsi que l'examen du rôle des Autochtones dans la société canadienne. Quelques mois plus tard, en 1991, le gouvernement a mis en place la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA). Cette commission avait comme mandat de proposer des solutions précises aux problèmes nuisant depuis longtemps aux relations entre les Autochtones, le gouvernement du Canada et la société canadienne dans son ensemble.

En 1996, la Commission rendait public son rapport final et formulait 440 recommandations qui portaient sur un large éventail de questions touchant les Autochtones. D'une grande importance, le rapport de la Commission a servi à maintes reprises pour éclairer le débat public et l'élaboration des politiques.

Autonomie gouvernementale

En 1983, la Chambre des communes a mis sur pied un comité parlementaire (le Comité Penner) pour qu'il fasse enquête sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones, en réaction aux demandes des Premières Nations à ce sujet. Une fois son étude terminée, le Comité a précisé dans son rapport qu'il s'agissait d'un droit inhérent à toutes les Premières Nations que l'on devait enchâsser dans la Constitution, de pair avec les droits ancestraux et issus de traités.

C'est ainsi que le gouvernement du Canada a mis en marche en 1995 un nouveau processus, appelé Politique sur le droit inhérent, afin de négocier des ententes pratiques avec les groupes autochtones de façon à assurer le retour de l'autonomie gouvernementale. Ce processus comportait de nombreuses consultations avec des chefs autochtones, aux niveaux local, régional et national, et il se fondait sur le principe voulant que le droit inhérent des Autochtones à l'autonomie gouvernementale soit déjà précisé dans la Constitution. Les accords sur l'autonomie gouvernementale permettraient alors d'établir de nouveaux partenariats entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral pour la mise en application de ce droit. La Politique reconnaissait également qu'aucune forme unique de gouvernement ne pourrait convenir à toutes les collectivités autochtones. Les accords sur l'autonomie gouvernementale pourraient donc prendre de nombreuses formes selon les contextes historique, culturel, politique et économique particuliers des groupes autochtones respectifs. Depuis l'adoption de cette politique, 17 accords sur l'autonomie gouvernementale ont été conclus, dont bon nombre font partie d'ententes relatives aux revendications territoriales globales.

Journée nationale des Autochtones

La reconnaissance des droits autochtones a mené à une demande d'une plus grande reconnaissance du rôle et des contributions des peuples autochtones dans la société canadienne. Suite à l'enchâssement des droits autochtones et de traités dans la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, la Fraternité des Indiens au Canada, le groupe principal représentant les Premières Nations au Canada, a demandé que le 21 juin soit reconnu comme la journée nationale de la solidarité autochtone. Dans les années qui ont suivi et surtout après la Crise d'Oka en 1990, on a continué de demander la création d'une journée nationale de reconnaissance autochtone afin de faciliter un rapprochement entre les Canadiens autochtones et non autochtones. Dans son rapport final en 1995, la Commission royale sur les peuples autochtones a soutenu que la création d'une Journée nationale des Premiers peuples permettrait de souligner l'histoire, les exploits et la contribution des peuples autochtones au Canada. Cet appel fut répété la même année lors de l'Assemblée spirituelle, conférence nationale d'Autochtones et de non-Autochtones et présidée par Elijah Harper, quand on a proposé la création d'une fête nationale pour souligner la contribution des peuples autochtones. Le 13 juin 1996, suite à des consultations avec les organisations autochtones, le gouverneur général Roméo Leblanc a déclaré le 21 juin comme Journée nationale des Autochtones.

Depuis le 21 juin 1996, la Journée nationale des Autochtones fait partie des festivités nationales appelées Le Canada en fête! qui se tiennent annuellement entre le 21 juin et le 1 er juillet. Il a été convenu que la date idéale pour célébrer la Journée nationale des Autochtones était le 21 juin, compte tenu de l'importance culturelle du solstice d'été (la première journée de l'été et la journée la plus longue de l'année). De plus, de nombreux groupes autochtones célébraient déjà leur héritage à cette date. Proclamer une journée en l'honneur des peuples autochtones s'insère dans un processus plus grand visant à reconnaître l'importance de la place qu'occupent ces derniers au sein de la nation canadienne et la contribution continue des Premières Nations, des Inuit et des Métis à la société canadienne.

Excuses concernant les pensionnats indiens

À mesure que le gouvernement transférait la direction des affaires locales aux diverses Premières Nations, on commençait également à décentraliser l'éducation. Après l'apparition de nouvelles politiques en matière d'éducation dans les années 1970, certaines Premières Nations ont élaboré des systèmes d'éducation qui comprenaient à la fois les éléments de base du programme moderne et des aspects de leurs traditions, leurs langues et leurs cultures. Les subventions consenties pour la formation des enseignants des Premières Nations, les cours sur les langues traditionnelles et les leçons sur l'histoire et les cultures des Premières Nations ont contribué à renforcer ces nouveaux systèmes d'éducation. Parallèlement, le réseau des pensionnats perdait en popularité et a graduellement été démantelé : en 1996, on fermait la dernière école de ce genre, laquelle était située en Saskatchewan.

Pendant que les Premières Nations commençaient à assumer la direction de leur éducation, on faisait graduellement la lumière sur le véritable héritage du système des pensionnats. Ainsi, de plus en plus de récits d'abus et de mauvais traitements de la part des administrateurs et des enseignants des pensionnats ont été rendus publics. En 1990, le chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba, Phil Fontaine, a demandé au gouvernement et aux églises responsables des pensionnats de reconnaître les abus et les mauvais traitements qui avaient été infligés pendant des décennies dans ces établissements et d'agir en conséquence. Dans son rapport final, la Commission royale sur les peuples autochtones notait les répercussions négatives, profondes et persistantes de cette politique, non seulement sur les élèves des pensionnats, mais également sur leurs familles, leurs collectivités et leur culture. Comme le nombre de revendications et les procédures intentées contre le gouvernement fédéral et les églises ne cessait d'augmenter, les premières mesures de réconciliation ont été prises durant les années 1990. Les églises ont d'abord présenté leurs excuses aux anciens pensionnaires, puis en 1998, le gouvernement a reconnu son rôle dans les abus et les mauvais traitements infligés aux pensionnaires autochtones.

Après des discussions et des négociations qui ont duré près d'une décennie, le gouvernement a annoncé, en 2007, un fonds d'indemnisation historique de près de deux milliards de dollars appelé « Paiement d'expérience commune » pour les survivants des pensionnats indiens. Le règlement comprenait un paiement d'expérience commune, un processus d'évaluation indépendante, des activités de commémoration, des mesures destinées à favoriser la guérison et la mise sur pied de la Commission de témoignage et de réconciliation relative aux pensionnats indiens. Organe indépendant, la Commission offre un lieu apte sur le plan culturel dont les anciens pensionnaires et les autres personnes qui ont été touchées par le système des pensionnats peuvent se servir pour partager leurs expériences.

Le 11 juin 2008, le gouvernement du Canada a présenté des excuses officielles et historiques aux anciens élèves des pensionnats indiens, leur demandant pardon pour les souffrances qu'ils ont subies ainsi que pour les répercussions de ces écoles sur la culture, le patrimoine et les langues autochtones. Ces excuses visaient aussi à confirmer l'engagement du gouvernement à prendre en main ce dossier par la mise en œuvre de mesures continues, entre autres par les travaux de la Commission de témoignage et de réconciliation.

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