Les traités Manitoulin
par Robert J. Surtees, Centre de la recherche historique et de l'étude des traités, Affaires indiennes et du Nord, 1986
Les opinions présentés par l'auteur de ce rapport ne sont pas forcement ceux du Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.
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Table des matières
Contexte Historique
Depuis les 1830, l'île Manitoulin, connue aussi sous le nom "d'île des Outaouais", occupe une grande place dans les affaires indiennes du Canada. C'est là que s'est déroulée l'une des expériences les plus ambitieuses de la politique indienne du Haut-Canada, au début du programme de civilisation de la province, et que se sont effectuées deux des cessions de terre les plus controversées du XIXe siècle.
L'île Manitoulin et les milliers de petites îles qui l'entourent sont situées près de la rive nord du lac Huron et forment un pont entre la pointe de la péninsule Bruce (aussi appelée péninsule Saugeen) et l'île St Joseph, à l'amont du lac. Les tribus outaouaises revendiquaient cette chaîne; mais les bandes ojibwas (aussi appelées les Saulteux) de la rive nord l'utilisaient elles-aussi. Les lieux que fréquentaient les Indiens, comme ceux de la terre ferme, étaient des lieux de rassemblement temporaires où l'on s'installait l'été ou dans lesquels on se réfugiait momentanément quand les conditions climatiques du chenal nord étaient trop rigoureuses. De vieux documents attestent ces faits. En 1837, par exemple, le capitaine T.G. Anderson, employé du département des Indiens, décrivit de la façon suivante les bandes établies sur la rive nord du lac Huron :
...Toutes ces tribus sont sauvages et sans culture; pendant une grande partie de l'année, elles chassent les animaux à fourrure pour la Compagnie de la baie d'Hudson. L'hiver, elles tirent leur subsistance principalement de la chasse aux lièvres et aux perdrix et il leur arrive aussi de chasser le renne, mais les résultats de leurs efforts sont toujours incertains et les animaux peu abondants; l'été, ils se nourrissent principalement de poissons; beaucoup d'Indiens portent des vêtements faits de pièces ou de peaux de lièvres liés par des morceaux d'écorce de tilleul. On ne peut sûrement pas dire que ces tribus, qui se rendent chaque année le long des limites du lac Huron, ont un lieu d'habitation fixe, car si beaucoup d'entre elles s'efforcent de cultiver du maïs et des pommes de terre sur de petits lopins, elles demeurent rarement plus de deux ou trois semaines dans le même campement, la faim les poussant à aller chercher leur nourriture ailleurs que dans leurs petits potagers...Note de bas de page 1
Les mêmes remarques pourraient s'appliquer aux Saulteux Ojibways du lac Simcoe avant 1830. C'est au cours de cette dernière année que le gouvernement britannique a approuvé officiellement l'adoption d'un programme destiné à civiliser et à christianiser graduellement les Indiens du Haut-Canada. Pour éprouver les qualités de ce programme, on le mit en oeuvre auprès de certains Indiens, dont les 500 Saulteux Ojibways de la région du lac Simcoe.Note de bas de page 2 Les trois groupes visés étaient dirigés par John Aisence, Snake et Yellowhead; ils étaient établis dans la réserve de Coldwater-Narrows, laquelle s'étendait entre les Narrows (où vivait la bande de Yellowhead) et Coldwater, quatorze milles plus loin, où vivaient la bande de Snake et celle de John Aisence.
Les trois bandes susmentionnées furent placées sous la supervision du capitaine T.G. Anderson, qui travaillait depuis longtemps pour le département des Indiens. Avec l'aide d'un enseignant, d'un missionnaire et de plusieurs commerçants, Anderson devait s'assurer que les enfants recevraient une instruction primaire de base et que les adultes pourraient acquérir des notions d'agriculture, d'hygiène, d'élevage et de commerce. Ce qu'on voulait, c'était rendre ces Indiens capables de s'occuper eux-mêmes de leurs affaires religieuses et profanes; une fois ce but atteint, les services gouvernementaux (c.-à-d. l'agent, le missionnaire, l'enseignant et les artisans) devaient aller s'installer dans un nouveau lieu et remplir leur mission auprès d'une autre bande.
Au bout de cinq ans, on jugea que les progrès réalisés avaient été considérables. Le lieutenant-gouverneur, Sir John Colbourne, était si encouragé qu'il décida de remettre la réserve entre les mains des bandes et de répéter l'expérience de Coldwater dans l'île Manitoulin.Note de bas de page 3 On chargea Anderson de commencer la planification de ce nouveau projet. Le rapport qu'il présenta à Colbourne était extrêmement optimiste et basé en grande partie sur ce que son auteur estimait être les succès remarquables de l'expérience de Coldwater-Narrows.Note de bas de page 4
Pendant qu'Anderson mettait au point le nouveau projet, et livrait le rapport optimiste mentionné ci-dessus, ses responsabilités furent assumées par l'enseignant de Narrows, Robertson. Ce dernier était beaucoup moins confiant qu'Anderson; il brossa un tableau très sombre de ce qui arriverait si jamais on laissait les Saulteux Ojibways compter uniquement sur leurs ressources.Note de bas de page 5 Robertson rappela que ces Indiens, en 1835, avaient la responsabilité du moulin à blé et de la scierie de la réserve. Ce moulin et cette scierie avaient été construits aux frais du département des Indiens et des Indiens eux-mêmes (à même leur rente annuelle). Comme il n'y en avait pas d'autres dans la région et que les colons les utilisaient, l'investissement s'était avéré excellent. Quand Anderson était leur administrateur, le moulin à blé et la scierie réalisèrent des profits qui servirent au financement des écoles de la réserve et à la fourniture de soins aux personnes âgées. Administrées par les Indiens, les deux installations cessèrent de générer des profits; les écoles en souffrirent et les personnes âgées reçurent moins de soins qu'auparavant. De plus, l'agriculture cessa de progresser parce que les Indiens vivaient de l'argent du moulin à blé et de la scierie plutôt que de cultiver la terre. Robertson prédit que les choses allaient continuer ainsi et que des chefs indiens irresponsables empêcheraient la réserve de progresser.
On ne tint pas compte de l'avertissement de Robertson. Juste avant de quitter la province, Colbourne pressa le Secrétaire aux colonies de ne pas abandonner la projet de l'île Manitoulin; il lui présenta le rapport d'Anderson, à l'appui de ce projet.
IL M'EST impossible de cesser d'occuper mes fonctions sans attirer l'attention de votre Seigneurie sur le projet d'établissement indien sur la rive nord du lac Huron, dans l'île Manitoulin, que j'ai autorisé et que l'on a déjà commencé d'exécuter.
Je prie votre Seigneurie de donner l'autorisation de continuer à mettre en oeuvre les mesures déjà adoptées, et d'accorder toute Sa protection à cette importante entreprise qui est si propre, j'ose espérer, à apporter de grands avantages aux indigènes de cette partie de la province.
J'ai ordonné qu'on remette aux Indiens les présents qui leur sont destinés, à l'avenir, non plus à Amherstburg, mais à la grande île Manitoulin, où les Indiens ont été invités à se rassembler l'été prochain pour les recevoir.
J'espère que cette mesure sera très profitable aux Indiens. Ces derniers ne seront pas amenés, comme ils l'étaient à Amherstburg et à Détroit, à vendre leurs présents, et un jour ils commenceront à épargner.
Le capitaine Anderson, surintendant affecté auprès des Indiens à Coldwater, un missionnaire et un enseignant, demeureront en permanence dans la station indienne de l'île Manitoulin; ils s'efforceront de civiliser les tribus auxquelles il pourrait sourire d'être placées sous leur responsabilité.
Si notre projet réussit, votre Seigneurie peut être assurée, malgré les débats tenus à la Chambre des communes au cours de la dernière session, que toutes les tribus du Canada seront rassemblées dans des villages, que des écoles seront créées à leur intention et qu'elles seront placées sous la responsabilité de personnes qui sauront veiller sur leur bien-être. Votre Seigneurie sera sans doute heureuse d'apprendre que les cas d'enivrement sont maintenant peu nombreux, sauf chez les Indiens étrangers qui viennent principalement des États-Unis et qui reçoivent chaque année leurs présents à Amherstburg, et que la mesure prévoyant la remise des présents à l'île Manitoulin aura probablement pour conséquence de rendre ces Indiens sombres.
Les documents ci-annexés permettront à votre Seigneurie de mesurer les progrès réalisés dans l'établissement indien placé sous la responsabilité du capitaine Anderson et de connaître la condition des Indiens sur la rive nord du lac Huron.Note de bas de page 6
Le successeur de Colbourne, Sir Francis BondHead, était beaucoup moins optimiste que ce dernier. C'est dans un mémoire adressé à Lord Glenelg, Secrétaire aux colonies, en novembre 1836, qui est souvent cité et que nous reproduisons ci-dessous, qu'il exprima sa vision de l'avenir des Indiens.
Rien n'est plus scandaleux, dans l'histoire de la race humaine, que la situation faite aux autochtones de l'Amérique, aux vrais propriétaires de la terre d'ici. Quand on pense aux douleurs que nous leur avons infligées, aux cruautés et aux injustices dont ils ont été victimes, nous ne pouvons qu'être grandement ébahis, habitués que nous sommes à nos vices, de ne trouver dans le coeur des Peaux-rouges aucune hostilité envers nous, aucun désir de vengeance. Au contraire, quand ils nous voient à l'entrée de leur humble wigwam, ils éprouvent une joie exceptionnelle; et si un homme blanc se perd dans la forêt, son cri de détresse suffit à faire revenir le plus passionné de leurs chasseurs; et ce n'est pas que par plaisir, c'est aussi pour des raisons de fierté, que chaque tribu s'efforce d'être la première à porter secours au disparu.
Tant que nous prenions possession de leurs terres par la violence armée, les résultats inévitables de cet affrontement allaient de soi; mais maintenant que nous avons réussi à les chasser tous de vastes régions, où, à part les ossements inaperçus de leurs ancêtres, il ne reste rien de leur présence passée, il semble inexplicable que les Indiens, même dans les lieux où ils parviennent à peine à subsister, doivent continuer à dépérir, à décliner et à disparaître sous nos yeux comme l'herbe dans la forêt en flamme. Les "Peaux-rouges, s'est écrié récemment un chef maimi Cacique célèbre, fondent comme neige au soleil!"
Qu'importe où et quand les deux races entrent en contact, il est certain que c'est aux Indiens que cette rencontre sera fatale. Qu'importe la bravoure avec laquelle ces derniers résistent pendant un court temps à nos baïonnettes et à nos fusils, tôt ou tard ils doivent se soumettre au Décret de la Mort; et quand nous leur tendons la main de l'amitié, l'eau-de-feu que nous leur offrons à boire se montre plus destructive que notre colère; enfin, quand nous essayons de les christianiser et que pour cette noble raison nous les rassemblons dans des villages, tous constitués de solides maisons de bois, il est indéniable, et je n'hésite pas à donner mon humble témoignage à ce sujet, que, même si l'idée semble merveilleuse, un grand nombre de chasseurs indiens, dès que commence la saison de la chasse, deviennent pulmonaires, parce qu'ils ont perdu leur robustesse à force de porter des vêtements chauds et de vivre dans des maisons chaudes, et périssent ou, plutôt, pourrissent; pour ce qui est des Indiennes, il est impossible, pour qui observe bien, de ne pas remarquer que la civilisation, malgré le zèle pur, honnête et inlassable des missionnaires, a rendu blanc, par un phénomène maudit, le visage de leurs bébés. Du reste, notre philanthropie, comme notre amitié, dessert; à cause d'elle, des Indiens sont morts poitrinaires; elle a plus que décimé ceux qu'elle devait servir; et en voulant libérer les Indiennes de leurs croyances païennes, notre philanthropie a fait pénétrer en elles les germes de la culpabilité chrétienne.
Comment expliquer que nous en soyons arrivés là? Personne ne saurait dire pourquoi les vertus simples des autochtones de l'Amérique doivent toujours s'effacer devant les vices et la cruauté de l'ancien monde; cette loi est aussi mystérieuse que son objet est impénétrable. Je me suis borné à décrire les faits parce que je pense qu'il est nécessaire, pour pouvoir étudier correctement la question des Indiens du Haut-Canada, de démontrer qu'il est faux de croire, comme on le fait généralement en Angleterre, que l'oeuvre de christianisation et de civilisation entreprise auprès des Indiens, est un succès; je suis fermement convaincu que tout habitant de ce pays, qui est sain d'esprit, qui n'a pas une part dans l'entreprise de conversion et qui connaît le caractère de la race indienne, est d'avis :
- que la tentative de faire des agriculteurs des Indiens a, dans l'ensemble, complètement échoué;
- que le nombre de nouveaux vices auxquels les Indiens s'adonnent depuis qu'on les a regroupés pour les civiliser est plus nombreux que celui des vices auxquels ils ont renoncé; et que, par conséquent,
- le plus grand service que nous pouvons rendre à ces Indiens, qui sont intelligents et simples, c'est de leur épargner le plus possible les contacts avec les Blancs.Note de bas de page 7
Deux raisons, dont l'une inavouée, ont poussé Sir Francis à envoyer son mémoire à Lord Glenelg. Sir Francis commence par présenter des arguments contre l'idée qu'il est possible que les Indiens puissent faire des progrès importants vers la civilisation; pour adoucir ce dur jugement, il suggère qu'on accorde aux Indiens des territoires où on assurerait leur protection et où ils pourraient continuer de vivre comme leurs ancêtres; et il ajouta, pour faire accepter encore mieux son argumentation, que si les territoires accordés aux Indiens étaient suffisamment éloignés et assez peu attrayants pour les colons européens (tout en convenant aux Indiens et en étant attrayants pour eux), les Indiens pourraient vivre en paix et garder leurs vertus et leur pureté. Toute cette argumentation visait clairement à convaincre le Secrétaire aux colonies d'approuver les deux ententes concernant des terres conclues pendant la visite de Bond Head à l'île Manitoulin, en août 1836.
La négociation du traité Manitoulin (1836)
Le lieutenant-gouverneur se rendit à l'île Manitoulin en août 1836 pour collecter des renseignements lui permettant de répondre à des questions posées par Lord Glenelg; il fit coïncider son voyage avec la distribution annuelle des présents aux Indiens. Arrivé dans l'île, Bond Head alla cependant plus loin. Il s'adressa aux 1 500 Indiens rassemblés, en particulier aux deux groupes suivants : les Outaouais et les Ojibways qui voulaient être reconnus propriétaires des îles Manitoulin, et les bandes ojibways qui occupaient la péninsule Bruce. Au premier groupe, il suggéra de céder ses terres à la Couronne à la condition que les îles soient réservées à l'usage des Indiens du Haut-Canada; au deuxième groupe, il suggéra d'aller s'établir au nord de la rivière Saugeen et d'accepter, en retour, que la Couronne lui accorde sa protection dans cette région et qu'elle l'aide à "devenir civilisé". Bond Head fit transcrire ses deux discours sous la forme d'un mémoire que signèrent les chefs des deux groupes susmentionnés.
La forme de ces documents diffère grandement des ententes de cession de terre qui furent conclues avant et après cet événement. Sir Francis le reconnut lui-même,Note de bas de page 8 mais lorsqu'il les envoya au Secrétaire aux colonies - faisant savoir en passant qu'un échange de wampums avait aussi eu lieu et que "l'Église d'Angleterre, l'Église catholique et des pasteurs méthodistes, de même que plusieurs agents du gouvernement de Sa Majesté, étaient présents et avaient été témoins"Note de bas de page 9 de la conclusion des ententes - il souhaita, tout aussi clairement, que les deux accords soient considérés comme des cessions de terre légales. Nous reproduisons in extenso ci-après le texte des deux discours, qui ont acquis la nature de véritables traités.
(Sceau de Sir F.B. Head, et le Wampum)
Mes enfants,
Soixante-dix hivers se sont écoulés depuis le conseil que nous avons tenu à Crooked Place (Niagara), et au cours duquel votre Vénérable Père le Roi et les Indiens de l'Amérique du Nord ont uni leur destinée en s'échangeant le wampum de l'amitié.
Depuis cet événement, votre Vénérable Père le Roi a vu beaucoup de ses enfants indiens être séparés de lui à cause de circonstances diverses, et comme l'augmentation inévitable de la population blanche, ainsi que les progrès de l'agriculture, ont eu pour effet naturel d'appauvrir vos territoires de chasse, il est devenu nécessaire que de nouvelles ententes soient conclues afin de vous protéger contre les empiétements des Blancs.
Partout dans le monde, des agriculteurs cherchent des terres non cultivées avec autant d'ardeur que mes enfants indiens chassent dans leur grande forêt. Si vous cultiviez vos terres, elles seraient considérées comme étant votre propriété de la même façon que vous considérez que vos chiens appartiennent à ceux qui les élèvent; mais les terres non cultivées sont comme les animaux sauvages, et votre Vénérable Père le Roi, qui vous a protégés jusqu'ici, éprouve maintenant beaucoup de difficultés à réserver ces terres à votre usage, les Blancs désirant les cultiver.
En raison de ces circonstances, j'ai été obligé de me demander ce qui conviendrait le mieux à mes enfants indiens de la forêt. Je vous fais maintenant connaître mes pensées à ce sujet.
Il semble que les îles où nous tenons ce conseil, de même que toutes celles qui se trouvent près de la rive nord du lac Huron, soient également convoitées par les Anglais, les Outaouais et les Ojibways.
J'estime que ces îles, en raison des possibilités qu'elles offrent et de la présence autour d'elles d'innombrables îles propices aux activités de la pêche, sont des lieux de résidence des plus désirables pour beaucoup d'Indiens qui désirent être civilisés et être complètement séparés des Blancs; et je vous fais savoir maintenant que votre Vénérable Père le Roi renonce à tout droit sur ces îles, et les réserve à l'usage dont je viens de parler.
Acceptez-vous, vous les Outaouais et les Ojibways, de renoncer à vos droits sur ces îles et de considérer que ces dernières sont la propriété de tous les Indiens à qui votre Vénérable Père le Roi (sous le contrôle de qui elles seront placées) permettra de venir s'y établir? Dans l'affirmative, apposez votre marque sur ma proposition.
(Signature) F.B. Head
(Signatures)
J.B. ASSEKINACK.
MOKOMMINOCK.
WAWARPHACK.
KIMOWM.
KITCHEMOKOMOU.
PEGA ATA WICH.
PAIMAUSIGAI.
MAIMAWMUTTEBEMOSUWEKO.
KEWUCKANCE.
SHAWENAUSAWAY.
ESPANIOLE.
SNAKE.
PANTAUSEWAY.
PARMAUGUMESHCUM.
WAGAUMAUGUIN.Note de bas de page 10Manatowaning, le 9 août 1836.
Aux Saukings.
Mes enfants,
Vous avez entendu la proposition que je viens tout juste de faire aux Ojibways et aux Outaouais, et par laquelle ces derniers et votre Vénérable Père le Roi acceptent que ces îles (Manitoulin), où nous tenons ce conseil, deviennent la propriété de tous les Indiens à qui votre Vénérable Père le Roi (sous le contrôle de qui elles seront placées) permettra de venir s'y établir.
Je vous propose maintenant de céder à votre Vénérable Père le Roi le territoire sauking où vous vivez actuellement, et que vous vous établissiez soit sur cette île ou dans la partie de votre territoire qui se trouve au nord d'Owen Sound, où des maisons convenables seraient construites pour vous; de plus, vous recevriez l'aide nécessaire pour devenir civilisés et pour cultiver la terre, que votre Vénérable Père le Roi s'engage à jamais à protéger contre les empiétements des Blancs.
Acceptez-vous, vous les Indiens saukings, l'arrangement que je viens de vous proposer? Si vous l'acceptez, apposez votre marque sur ma proposition.
(Signature) F.B. Head
(Signatures)
KAGUTA.
MATIEWABE
ALESCANDRE.CRENEVIREM.
KONQUAWIS.
MATTAWAUSH.Témoins,
- J.G. ANDERSON, surintendant aux Affaires indiennes.
- JOSEPH STINSON, surintendant général de la Wesleyan Missionary Society.
- ADAM ELLIOT.
- JAMES EVANE.
- J.L. INGALL, lieutenant du 15e Régiment, commandant de détachement. H.W. FIELDS, D.A.C. General.
Manitowaning, le 9 août 1836.Note de bas de page 11
La raison inavouée du lieutenant-gouverneur était la suivante : acquérir des terres pour le gouvernement. Sir Francis croyait que le fait de rendre de nouvelles terres ouvertes à la colonisation enlèverait au Parti réformiste une grande partie de ses raisons de s'opposer au parti au pouvoir.Note de bas de page 12 C'est pour ouvrir des terres à la colonisation qu'il négocia la cession Saugeen (Péninsule Bruce, au sud de rivière Saugeen) et fit d'autres achats de terres à peu près à la même époque. Pouvoir convaincre la totalité ou la plupart des Indiens de la province de changer de lieu d'habitation, c'était accroître le nombre des bonnes terres disponibles.
Sir Francis parvint à arriver à ses fins, mais ce ne sont pas les raisons ou intentions qui le poussaient à agir qui expliquent sa réussite. À vrai dire, les conclusions de Head suscitèrent même une forte opposition de la part d'un comité du Conseil exécutif du Bas-Canada ayant trait au département des Indiens.
Le Comité ne peut accepter la croyance selon laquelle, en vertu d'un décret de la Providence, il y aurait des races humaines condamnées à ne point jouir des avantages du progrès social que les lumières de la connaissance et de la religion accordent également aux autres races. Ses membres ne voient rien dans la condition intellectuelle ou morale des Indiens, sauf quand elle a été modifiée par des influences accidentelles, qui peut les rendre incapables de s'élever au niveau de leurs frères de l'Europe.
Les influences qui ont été néfastes aux Indiens n'ont pu exister qu'en raison d'une longue et fatale négligence de la part de ceux qui auraient dû veiller à l'amélioration du sort de ces Indiens, utiliser les moyens appropriés pour leur faire atteindre un degré de civilisation plus élevé; ou plutôt, les Indiens ont été les victimes d'un système dépravé qui avait sûrement été conçu pour les accabler et les faire dégénérer.
Les imperfections attribuées aux Indiens à la suite des tentatives faites pour les civiliser ont été observées ailleurs, même chez les groupes humains les plus sauvages et les moins cultivés. Mais malgré tous les désavantages dont ils sont affligés, les Indiens ont démontré à plusieurs reprises qu'ils sont capables d'exercer les activités ordinaires de l'existence, et qu'ils sont prêts à les exercer quand on leur en donne l'occasion et qu'on les encourage à le faire.Note de bas de page 13
Les missionnaires, en particulier les Méthodistes, ont aussi rejeté les conclusions de Bond Head.Note de bas de page 14 Ils auraient cependant eu tort de s'inquiéter puisque Lord Glenelg était lui aussi d'avis qu'il était souhaitable de mettre sur pied un programme de civilisation et qu'une telle entreprise pourrait être un succès (dans le cadre de ce programme, on aurait formé des agglomérations indiennes plus importantes, on aurait christianisé les Indiens, on leur aurait donné une formation agricole et une instruction de base).Note de bas de page 15 Lord Glenelg pensait aussi qu'il serait bon pour les Indiens de rester isolés pendant un certain temps étant donné que cela leur permettrait d'avancer à leur propre rythme sur la route de la civilisation, sur laquelle ils ne se heurteraient pas aux influences retardatrices des Blancs.
C'est pour ces raisons que Lord Glenelg recommanda - et que le Trésor britannique approuva - les arrangements concernant les terres de l'île Manitoulin, de la péninsule Saugeen et de petites étendues de terre de la réserve Huron, de Coldwater-Narrows et de Moraviantown, conclus par Bond Head.Note de bas de page 16 C'est ainsi que les mémoires préparés par le lieutenant-gouverneur sur l'île devinrent des documents officiels de cession de terre. Pendant plusieurs années, plusieurs des chefs touchés par les arrangements de Saugeen (Newash, Wahwahnosh, Wahbahdick, etc.) contestèrent lesdits arrangements. Ils prétendirent n'avoir pas signé le mémoire et n'être pas liés par une entente. Ils prétendirent même que les arrangements n'étaient pas valides parce que Sir Francis avait forcé les autres chefs à les signer en les avertissant que s'ils ne le faisaient pas, les Blancs prendraient quand même leurs terres.Note de bas de page 17
Le destin est ironique : Bond Head reçut l'appui des personnes qui s'étaient élevées contre ses propos selon lesquels la race indienne était une "race perdue". Les deux accords allaient avoir pour effet, si les Indiens acceptaient d'aller s'établir dans l'île ou dans la partie nord de la péninsule Bruce de créer une agglomération indienne comptant un nombre important de personnes. Étant donné qu'il était considéré qu'il s'agissait là du premier pas que devaient franchir les Indiens pour avancer sur la route de la civilisation, les missionnaires et tous ceux qui désiraient améliorer la condition des Indiens du Canada ne pouvaient que s'en réjouir. Les accords furent donc approuvés. Bond Head obtint les terres qu'il convoitait. Mais l'acquisition de ces terres n'eut pas l'effet souhaité; la rébellion de 1837-1838 démontra que l'insatisfaction à l'égard du gouvernement était plus grande que Bond Head l'avait pensé et qu'il n'était pas suffisant d'ouvrir quelques nouvelles terres à la colonisation dans la péninsule Bruce pour la faire disparaître.
L'accord conclu en 1836 par Bond Head et les Indiens n'eut pas pour effet d'enlever à ces derniers les terres de l'île Manitoulin et des îles voisines. On peut même avancer que cet accord renforça la possession desdites îles par les Indiens puisque ces derniers détenaient maintenant, grâce à lui, une garantie écrite du lieutenant-gouverneur lui-même concernant leur droit de propriété sur ces îles. La définition du propriétaire fut toutefois élargie; les îles allaient désormais être "la propriété (placée sous le contrôle de votre Vénérable Père le Roi) de tous les Indiens à qui il donnera l'autorisation de s'y établir". Bien sûr, on ignorait combien d'Indiens allaient accepter l'invitation du gouvernement d'aller vivre dans l'île. Les agents affectés auprès des Indiens reçurent toutefois l'ordre de favoriser le succès de cette entreprise chaque fois qu'ils le pouvaient; de plus, le projet mis de l'avant par Colbourne, et dont la réalisation avait été temporairement retardée, fut approuvé par le Secrétaire aux colonies.
Intermède 1836-1862
L'action colonisatrice du gouvernement fut entreprise à Manitowaning, en 1838.Note de bas de page 18 Un agent gouvernemental, T.G. Anderson, un prêtre, un enseignant et plusieurs artisans furent chargés de construire l'établissement, ainsi que de transmettre aux Indiens des notions de religion, de bonne gestion et d'agriculture et de leur donner une instruction de base. On espérait qu'un nombre important d'Indiens vivant ailleurs dans la province, en particulier ceux de Saugeen et de la rive nord du lac Huron, s'établiraient près de Manitowaning afin de recevoir l'aide du département des Indiens. Ces Indiens serviraient d'exemples aux autres bandes qui, croyait-on, allaient désirer réaliser les mêmes progrès qu'eux.
L'optimisme dont on faisait preuve au début du projet commença rapidement à se dissiper; l'établissement de Manitowaning dura plus de vingt ans, mais aucun progrès important n'a pu y être réalisé. Plusieurs raisons expliquent cet échec.Note de bas de page 19 La terre n'était pas aussi fertile qu'on l'avait supposé; l'éloignement même de l'île incita les Indiens à continuer d'employer leurs moyens de subsistance plus traditionnels (et qui donnaient de meilleurs résultats), en particulier la pêche. Les présents annuels qu'ils recevaient du gouvernement et le peu de succès que connaissait l'agriculture contribuèrent à inciter les Indiens à céder à leurs penchants naturels.
Toute aussi grave fut la rivalité religieuse qui se manifesta dès le début du projet. Manitowaning étant un établissement gouvernemental, on devait y promouvoir la religion anglicane; mais on s'aperçut rapidement que celle-ci devait faire face à de la concurrence. En 1836, les Jésuites commencèrent à visiter l'île; à l'automne 1838, le père J.B. Proulx s'établit en permanence à Wikwemikong. L'année suivante, il rapporta avoir baptisé 78 Indiens, dont 49 adultes.Note de bas de page 20 Par le nombre des conversions qu'on y faisait et par la croissance du peuplement indien, Wikwemikong dépassa son rival situé de l'autre côté de la baie Manitowaning. En 1850, il comptait plus de 500 habitants, soit environ cinq fois plus que Manitowaning. La division religieuse accentua les rivalités tribales naturelles entre les Outaouais, les Potéouatamies et les Ojibways rassemblés dans l'île Manitoulin.Note de bas de page 21
En plus des deux établissements susmentionnés, on entreprit de construire plusieurs villages plus petits en divers endroits de l'île, principalement sur la rive nord qui offrait de meilleurs abris. En 1860, il y avait douze villages permanents dans lesquels diverses bandes s'installaient pendant au moins une partie de l'année. La population totale de l'île s'élevait à environ 1 200 habitants, ce qui était cinq fois plus qu'en 1836; la déception était grande chez ceux qui espéraient qu'elle serait plus importante.Note de bas de page 22 Contrairement à ce qui avait été prévu, les Indiens de Saugeen et de Garden River (à Sault Ste-Marie) n'émigrèrent pas. Le nombre des Indiens qui voulurent bien aller s'établir dans l'île ne fut pas aussi élevé que le gouvernement le souhaitait ou le prévoyait. L'échec de l'établissement de Manitowaning fut particulièrement décevant. En 1856, une commission spéciale chargée d'enquêter sur les affaires indiennes au Canada émit la déclaration suivante :
Le village de Manitowaning ne ressemble pas à ce qu'il était il y a douze ans. Plusieurs de ses habitants l'ont quitté, certains se sont joints à la bande de Newash, d'autres ont décidé de s'établir seuls à Garden River, un petit nombre d'entre eux ont fondé le village de Wiabejiwong. Aujourd'hui, Manitowaning ne renferme pas plus que 22 maisons, selon les rapports du surintendant, et au nombre de ces maisons se trouvent probablement celles des agents responsables de l'établissement, de même que l'école; on peut considérer qu'il n'y a pas plus que 22 constructions encore debout. Il y a aussi deux granges, six étables et quatre autres bâtiments; toutes les constructions sont en bois; plusieurs d'entre elles sont abandonnées et en ruine; l'école est délabrée et inutilisable; les ateliers, où on ne trouve plus d'artisans, sont dépourvus d'outils et ont été abandonnés par les Indiens qui, autrefois, y travaillaient; ces ateliers sont dans un état avancé de délabrement. L'église pourrait encore être réparée, mais nous n'avons pas vu d'Indiens y assister à des offices religieux.
Selon les rapports, l'école serait fréquentée par vingt enfants. Durant le dernier trimestre, cependant, l'élève qui s'est présenté à l'école le plus souvent n'y est allé que quatorze jours; il semble que dix des enfants aient été absents pendant tout le trimestre. Les livres qui seraient mis à la disposition des élèves sont le catéchisme de l'Église d'Angleterre, les premier, deuxième et troisième livres de leçons d'instruction publique, pour le Haut-Canada - des notions élémentaires de géographie sont aussi données aux élèves - mais les rapports ne nous portent pas à penser que le catéchisme est enseigné.
Au moment de notre visite, aucun élève indien n'était présent, et nous avons appris que l'enseignant était obligé depuis un certain temps, à cause de l'état de délabrement de l'école, de donner son enseignement dans sa propre maison.
Le Rév. Dr. O'Meara avoue que l'école est depuis longtemps inutile aux Indiens; il ajoute cependant que le besoin créé par cet état de chose a été satisfait dans une certaine mesure par le zèle du Rév. Jacobs, missionnaire résident, qui a créé une école du soir qui reçoit entre 10 et 25 élèves. Le nombre d'enfants protestants d'âge scolaire est si peu élevé dans le village qu'il n'est plus nécessaire d'employer un enseignant.
L'état des fermes situées près de l'établissement est semblable à celui du village : champs non entourés de clôtures, jardins non cultivés, tout y respire la négligence et l'indifférence.Note de bas de page 23
La négociation des traités Manitoulin (1862)
Si les Indiens ne voulaient pas aller s'établir dans l'île Manitoulin, d'autres personnes, vers 1860, étaient prêtes à le faire;Note de bas de page 24 elles étaient même pressées de le faire. Les bonnes terres arables étaient insuffisantes dans la province, et même si le sol de Manitoulin n'était pas aussi bon que celui d'autres régions de la province, il y avait des agriculteurs qui étaient désireux de le mettre en valeur. Des gens d'affaires encouragèrent ce mouvement : la création d'établissements allait ouvrir de nouveaux marchés aux industries grandissantes de Toronto et de Montréal.Note de bas de page 25 Face à ces pressions, le Commissaire des Terres de la Couronne recommanda, en août 1861, qu'on ouvre la voie à la colonisation de Manitoulin en y faisant des travaux d'arpentage destinés à diviser l'île en townships. Moins de deux semaines plus tard, le gouverneur général signait le règlement d'exécution requis.Note de bas de page 26 Le Commissaire des Terres de la Couronne, n'ignorant pas la présence d'Indiens dans l'île, suggéra que chaque famille autochtone reçoive 25 acres de terre; il ne semble pas toutefois, si on en juge par la façon sommaire avec laquelle il procéda, qu'il considérait qu'on allait grandement empiéter sur les droits d'occupation des Indiens.
Les Indiens pensaient autrement. Même avant le décret de 1861, les Indiens de l'île Manitoulin avaient eu affaire à des pêcheurs blancs qui furent les premiers Blancs à franchir la frontière de Manitoulin. Environ quinze ans plus tôt, le gouvernement du Canada s'était heurté à des difficultés quand il avait accordé des permis à des compagnies minières voulant exploiter les ressources minérales de la rive nord du lac Huron et du lac Supérieur. Plusieurs de ces permis avaient été accordés avant que les traités Robinson de 1850 n'abolissent les droits des Indiens sur les terres cédées aux compagnies minières.Note de bas de page 27 La même erreur fut commise dans le cas des îles Manitoulin; cette fois-ci cependant, la ressource naturelle recherchée était le poisson, et un certain nombre de permis de pêche furent délivrés aux entreprises commerciales de la région de Manitoulin.Note de bas de page 28 En accordant ces permis, on violait clairement les droits des Indiens; ces derniers exprimèrent leur insatisfaction en harcelant les pêcheurs.
L'insatisfaction des Indiens s'accrût quand le commissaire provincial aux Pêcheries, Gibbard, visita le village de Wikwemikong, en juillet 1859. Gibbard informa les Indiens que s'ils voulaient pêcher dans les eaux de Manitoulin, ils seraient tenus d'acheter "aux enchères les territoires de pêche qu'ils désireront réserver à leur usage".Note de bas de page 29 Dans son journal, le prêtre qui résidait à Wikwemikong nota que les chefs indiens protestèrent "contre cette violation de leurs droits, mais le surintendant ne voulut pas les écouter".Note de bas de page 30 Il n'est donc pas surprenant que les chefs de Wikwemikong décidèrent d'organiser une résistance quand l'achat de l'île leur fut proposé.
Lors d'une assemblée générale des Indiens de Wikwemikong tenue le 4 février 1861, il fut résolu de "s'opposer à toute tentative du gouvernement d'ouvrir l'île Manitoulin aux Blancs".Note de bas de page 31 Cette décision fut renforcée le10juin, lors d'une autre assemblée tenue à West Bay, quand deux chefs qui s'y opposaient durent démissionner. La pensée des Indiens n'avait pas changé quand ils se présentèrent à la réunion tenue à Wanitowaning, le 5 octobre 1861, à la demande des deux commissaire chargés de négocier avec eux un traité préliminaire. Lors de cette réunion, on leur demanda de céder leurs terres; en retour, on leur offrait des réserves à raison de 25 acres par famille. On leur rappela qu'on avait prévu que 9 000 Indiens, à la suite de la conclusion du traité de 1836, allaient venir s'établir dans l'île. Le nombre des Indiens s'étant établis dans l'île n'ayant pas été aussi élevé, les Indiens n'avaient donc pas "exécuté leurs obligations découlant du contrat" et, par conséquent, celui-ci n'était plus valable.Note de bas de page 32 L'interprétation des commissaires était inhabituelle et indubitablement destinée à effrayer les Indiens. Ce but ne fut toutefois pas atteint : les Indiens refusèrent de céder leurs terres et deux jours plus tard, au cours d'une autre réunion, ils refusèrent d'accepter l'exécution de travaux d'arpentage dans l'île. On leur déclara cependant que l'arpentage aurait lieu quand même, sous la protection de gardes.Note de bas de page 33
Ce sont ces travaux d'arpentage, exécutés sous la direction de John Stoughton Dennis en novembre, qui permirent au gouvernement d'obtenir des données sur les ressources et les possibilités qu'offrait la chaîne d'îles Manitoulin. Si on voulait exploiter ces ressources et permettre la colonisation de l'endroit par des Blancs, il fallait obligatoirement qu'une cession officielle des terres ait lieu.Note de bas de page 34 William McDougall, surintendant général des Affaires indiennes, fut nommé commissaire et chargé de négocier l'achat des terres. Le nouveau surintendant adjoint, William Prosperous Spragge, allait l'accompagner pour l'aider.Note de bas de page 35 À l'automne1862, les deux commissaires convoquèrent une réunion à Manitowaning en vue de la négociation d'un traité.
Entre-temps, l'agent local, George Ironside, avait poursuivi les pourparlers avec plusieurs bandes de l'île, sur l'ordre de Spragge. Il est douteux qu'il ait connu beaucoup de succès. Selon le "journal de Wikwemikong" tenu par le prêtre qui y résidait, les Indiens étaient plus résolus que jamais à résister après un Conseil tenu le 25 juin à West Bay.Note de bas de page 36 En août, les efforts de Spragge pour gagner les chefs à sa cause, l'un après l'autre, en leur promettant de l'argent et l'établissement de réserves de 100 acres par famille, échouèrent également.
Les Jésuites de Wikwemikong sympathisaient avec les chefs récalcitrants; ils leur accordaient probablement leur appui. Mais il est certain que ce sont surtout les établissements de Wikwemikong qui poussèrent les chefs à résister. D'autre part, Ironside, lors de ses pourparlers avec chacun des chefs, eut l'impression de réaliser des progrès lorsqu'il signalait que la création de nouvelles réserves allait permettre de former des territoires indiens assez grands pour protéger les autochtones contre les colonisateurs blancs.Note de bas de page 37 Ironside avait aussi l'appui du chef Assiginack qui, selon le Ministère, exerçait une influence considérable sur les Indiens de l'île. Il semble que les rapports soumis par Ironside à Spragge étaient suffisamment optimistes pour inciter les commissaires à se rendre à Manitowaning. Ironside avait peut-être constaté des failles dans l'unité des Indiens; des divisions se manifestèrent en effet chez les Indiens après le début des négociations, le 5 octobre.
La première réponse des Indiens ne fut pas encourageante pour McDougall. Après avoir expliqué que le gouvernement voulait l'île pour ouvrir ses terres à la colonisation, après avoir expliqué quelles conditions le gouvernement proposait aux Indiens (rentes annuelles et réserves), McDougall fut quelque peu ébranlé d'entendre le principal porte-parole des Indiens refuser sur-le-champ son offre. Sans hésiter, "et sans prendre le temps d'étudier" la proposition du gouvernement, "il déclara que les Indiens étaient déterminés à rejeter cette proposition sans réserve".Note de bas de page 38 Après s'être remis du choc, McDougall expliqua à nouveau les conditions proposées par le gouvernement, puis il suspendit les délibérations. C'est pendant la période de suspension que des divisions se manifestèrent clairement chez les Indiens. Une minorité d'entre eux semblaient vouloir conclure un traité; mais on les empêchait de parler librement "en les intimidant et en les menaçant de violence".Note de bas de page 39 McDougall remarqua que l'opposition venait principalement de la bande de Wikwemikong, laquelle avait généralement été hostile au gouvernement dès les premiers jours de l'établissement du Manitoulin. C'est cette bande qui avait organisé la résistance à West Bay et à Manitowaning, l'année précédente, et il était évident que c'était elle qui contrôlait la participation des Indiens au conseil.Note de bas de page 40 Même les appels urgents du vieux chef guerrier Assiginack ne parvinrent pas à percer le front solide qui s'était formé lors de la première réunion.Note de bas de page 41 La domination de la bande de Wikwemikong empêchait la conclusion de tout traité.
Les bandes de Wikwemikong ne furent donc pas visées par le nouveau traité.Note de bas de page 42 Le gouvernement promit de défendre les droits de propriété des bandes de Wikwemikong sur la péninsule est de l'île, et deux des chefs de ces bandes signèrent le traité et donnèrent ainsi leur approbation générale aux clauses de ce dernier.Note de bas de page 43 Les autres bandes acceptèrent de vendre au gouvernement leurs terres et les îles adjacentes. Des réserves allaient être créées; 100 acres de terre allaient être accordés aux chefs de famille, 50 aux adultes célibataires, 100 aux familles d'orphelins et 50 aux orphelins vivant seuls. Les Indiens allaient eux-mêmes choisir leurs terres (pour les orphelins, le choix allait être fait par des amis ou des parents); les étendues de terre choisies devaient toutefois être contiguës afin que les établissements indiens de l'île soient aussi compacts et faciles à gérer que possible.Note de bas de page 44 On s'attendait à ce que les bandes choisissent des secteurs où des villages avaient déjà été formés; c'est ce qui arriva dans la plupart des cas. Le gouvernement avait le droit de s'approprier toute étendue de terre des réserves qu'il jugerait préférable d'utiliser à des fins publiques (pour y construire un quai, un port, un moulin, etc.); les Indiens déplacés choisiraient une autre étendue de terre et recevraient une compensation pour les améliorations apportées aux lieux acquis par le gouvernement. Six réserves furent créées; à celles-ci s'ajoutait la péninsule de Wikwemikong, non cédée.
Au moment de la signature du traité, les bandes qui acceptèrent d'être visées par ce dernier, reçurent 700$; mais ce n'était là qu'une avance. Les terres exclues des réserves devaient être arpentées et vendues par le gouvernement à des colons. Les revenus provenant de ces ventes devaient servir à créer un fonds d'investissement; les intérêts générés par ce fonds devaient être répartis chaque année entre les Indiens (la part des chefs devait être double). Le traité prévoyait aussi que le gouvernement aurait la possibilité de payer une partie du traitement du surintendant résident à même le fonds d'investissement à partir du moment où le nombre d'acres vendus atteindrait 100000. L'article 6 du traité accordait aux Indiens le droit de pêcher dans les eaux de l'île ou le long des rivages adjacents; ce droit était égal à celui des Blancs. Il est évident que la disposition prévoyant la cession des îles adjacentes avait non seulement pour but de permettre l'acquisition de ces terres, mais aussi de protéger les diverses stations de pêche qui entouraient l'île principale. Il s'agissait là d'une précaution raisonnable; cependant, la péninsule de Wikwemikong était exclue de l'entente et rien n'était prévu au sujet de l'utilisation des îles et des stations de pêche entourant cette péninsule. C'était là une lacune que McDougall avait ou n'avait peut-être pas prévue; à cause d'elle, plusieurs incidents graves se produiront.
McDougall ne pouvait pas prévoir l'incident triste et malheureux qui devait se produire un an plus tard, au cours duquel le commissaire aux Pêcheries, Gibbard, fut assassiné. Il est possible que McDougall ait cru que les bandes de Wikwemikong allaient s'aligner sur les autres bandes de l'Île et accepter de vendre leur territoire de la péninsule. Le traité prévoyait cette possibilité; en effet, l'article 8 stipulait que les bandes de Wikwemikong pourraient commencer à participer au traité dès que la majorité de leurs chefs le voudrait. Mais McDougall s'était trompé : les bandes de Wikwemikong ne se prévalurent jamais dudit article 8 et la péninsule de Wikwemikong demeure l'une des deux étendues de terre non cédées de l'Ontario.Note de bas de page 45 Il est indéniable que les missionnaires aidèrent les Indiens récalcitrants à opposer une résistance victorieuse au gouvernement; le fait que ces Indiens aient su se doter d'une bonne organisation et présenter une opposition raisonnablement unie au commissaire du gouvernement les aida encore plus..Annexe A : Rapport de T.G. Anderson concernant l'établissement de Coldwater (Voir n. 4)
Plaise à Votre Excellence, Coldwater, 24 septembre 1835. À l'appui des démarches que j'ai faites récemment auprès de Votre Excellence en vue d'obtenir de l'aide additionnelle pour les Indiens, en particulier pour les Indiens heathens vivant sur la rive nord du lac Huron, j'ai l'honneur de vous soumettre les observations suivantes sur les établissements indiens confiés à mes soins.
Il y a cinq ans, conformément aux ordres de Votre Excellence, j'ai entrepris d'initier à la colonisation et de civiliser trois tribus d'Indiens établies à Coldwater et à Narrows (lac Simcoe), et comptant environ 500 habitants. La tribu du chef John Aisance et celle des Indiens potaganasus dirigée par le chef Ashawgashel (Snake), étaient installées à Coldwater; la tribu du chef Yellowhead occupait Narrows.
Il est nécessaire de jeter un coup d'oeil sur la situation passée de ces Indiens et de la comparer à leur condition présente. De nombreux amis inquiets des Indiens se disent parfois déçus de constater que les Indiens n'aient pas pu réaliser des progrès plus importants; et chacun doit regretter que des individus se rendent parfois coupables d'une mauvaise conduite et jettent ainsi le doute sur le bien-fondé des actions destinées à changer la condition des Indiens.
Pour évaluer les avantages et les désavantages des mesures prises pour civiliser les Indiens, il faut donc ne pas perdre de vue la condition qui était la leur avant la mise en oeuvre de ces mesures. Je dois aussi souligner avec insistance qu'il ne faut pas oublier que la nécessité de laisser se côtoyer différentes religions a toujours eu pour conséquence de faire naître beaucoup de résistance.
Avant 1830, le fait d'avoir habité longtemps près d'établissements blancs avait beaucoup dépravé les tribus dont il est question ici.
Les Indiens avaient pris l'habitude de boire des quantités excessives d'alcool; aucun ne savait lire ni écrire; leur connaissance de la religion était presque nulle.
Les ressources de leurs territoires de chasse étaient épuisées, ils échangeaient les présents du gouvernement contre du whisky, ils avaient contracté des dettes auprès de tous les négociants, on refusait de leur faire crédit davantage, ils étaient donc constamment en danger de manquer de nourriture.
Leurs souffrances et leur misère se reflétaient d'une façon très marquée dans leur apparence personnelle et dans l'état de leurs wigwams; ces derniers, construits imparfaitement et très insuffisamment approvisionnés en combustible, pouvaient à peine être considérés comme des abris pour les Indiens âgés déguenillés et décharnés, et l'aspect extérieur des enfants, qui avaient l'air malades à faire pitié, témoignaient encore plus éloquemment de l'alcoolisme et du manque de nourriture des parents.
Leur condition était si misérable qu'on pourrait difficilement croire qu'ils étaient si dégradés et que leur nonchalance et leur léthargie étaient si grandes, qu'il fallut faire preuve d'une grande persuasion pour obtenir qu'ils acceptent l'aide généreuse du gouvernement.
Grâce à l'étude attentive de leurs usages et de leurs préventions, on put enfin les amener peu à peu à coopérer; il en est résulté que chaque Indien ayant une famille a maintenant une petite ferme et qu'il cultive non seulement des pommes de terre et du maïs, mais aussi du blé, de l'avoine, des pois, etc.; son wigwam a fait place à une maison de bois rond; beaucoup d'Indiens ont renoncé complètement à la chasse et aucun d'entre eux, contrairement à ce qui existait autrefois, ne semble faire de la chasse son seul moyen de subsistance.
L'habitude de s'enivrer s'est perdue, on observe parfaitement le Jour du Seigneur, on assiste sérieusement aux offices religieux, presque tous les jeunes ont appris à lire et à écrire et ont acquis une connaissance raisonnable de l'arithmétique.
Je vais maintenant m'attarder sur une autre des conséquences heureuses de la création de l'établissement, au sujet de laquelle je suis resté muet jusqu'ici parce qu'elle est reliée à une question plus grande et, selon moi, plus importante. Jusqu'ici, les mesures du gouvernement ont été mises en oeuvre pour civiliser les Indiens du territoire colonisé.
Au cours des dernières années, la distribution des présents à Penetanguishene a amené dans la région de Coldwater un bon nombre des tribus plus éloignées, et leurs visites à l'établissement se sont faites fréquentes; elles se sont rendues compte des avantages dont jouissent leurs frères civilisés, et il est arrivé fréquemment qu'il soit demandé que la même aide leur soit accordée.
Voyons maintenant quelle est la situation de ces Indiens.
La Nation britannique considère depuis longtemps que les Indiens de l'Amérique du Nord sont ses enfants et les traite comme tels. Cette attitude a clairement valu aux Indiens qu'on agisse envers eux selon la justice et qu'on leur accorde d'autres avantages; la situation des Indiens était précisément celle de l'enfant ayant besoin d'un tuteur, et les avantages qui leur ont été accordés ont été proportionnels à l'honnêteté de leur tuteur.
Pendant la Guerre, les Indiens furent appelés à jouer un rôle; par leur fidélité et leurs efforts, ils méritèrent la récompense que leur avait promise le commandant en chef au nom du gouvernement.
Après la Guerre, plusieurs des tribus qui avaient combattu au côté des Britanniques furent obligées de regagner leurs terres aux États-Unis, mais elles continuèrent à venir au Canada chaque année pour recevoir leurs présents et manifester leur loyauté.
Des présents leur ont été distribués annuellement conformément à la promesse du commandant en chef, et le gouvernement est probablement resté convaincu qu'il suffisait de leur demander quelque chose pour qu'ils nous l'accordent.
Des changements très importants étaient survenus depuis la Guerre dans la colonie britannique et aux États-Unis; on avait empiété sur les terres des Indiens, en leur donnant de l'argent en contrepartie, il est vrai, mais on s'était conduit envers eux comme des personnes attachées aux biens de ce monde, circonspectes et prudentes, qui concluaient des affaires avec des gaspilleurs imprévoyants.
Aux États-Unis, on a agi avec moins de délicatesse. Il y était dit que les Indiens formaient un troupeau d'animaux sauvages, et on avouait ouvertement que la politique du gouvernement prévoyait de les obliger à se déplacer vers l'ouest du Mississipi.
Mais au Canada comme aux États-Unis, on n'a pas agi tout à fait selon la justice. La seule excuse que peuvent offrir les Britanniques, c'est leur ignorance de la situation de leurs sujets et alliés; cette ignorance était si énorme qu'en Angleterre, je crois, on ne savait pas si le pays des Indiens comprenait des milliers ou des millions de Britanniques.
J'attache une grande importance au fait que les Indiens ont perdu l'habitude de s'enivrer. Au début, il fut nécessaire d'interdire d'entrer de l'alcool à l'intérieur de l'établissement; l'arrivée à proximité de cet établissement de colons blancs a rendu impossible l'application de cette interdiction; malgré cela, il est rare de voir un Indien ivre; il y a même de nombreux Indiens qui s'abstiennent totalement de consommer des liqueurs fortes.
Les habitations de bois des Indiens ont été construites par le gouvernement. Les maisons en bois du surintendant et des deux chefs (Aisance et Yellowhead), de même que les écoles de Coldwater et des Narrows, ont aussi été construites au début de la mise sur pied de l'établissement. Une scierie et un moulin à blé ont été construits plus tard à Coldwater; on construit actuellement une scierie aux Narrows. Environ 500 acres de terre ont été défrichées et sont cultivées, et il est très encourageant de constater cette année que plusieurs Indiens ont entrepris, de leur propre chef et sans recevoir d'aide, de construire des granges et des étables en bois rond.
La tenue vestimentaire des Indiens s'est aussi grandement améliorée. Les Indiens qui vivent ici sont bien habillés, comparés à ceux qui vivent à l'état sauvage; la plupart ont abandonné leurs vêtements indiens et adopté ceux de leurs voisins blancs. Les Indiens sont aussi devenus désireux de posséder des meubles, et certains ont mis à profit leur ingéniosité et se sont fabriqué des meubles. Tous les Indiens savent maintenant quelle est la différence entre le troc et la vente au comptant, qui est le principal moyen utilisé par les négociants; et ils comprennent qu'il est avantageux pour eux de continuer à pêcher l'automne non seulement pour se nourrir, mais aussi pour en tirer des revenus. Pour pouvoir accroître l'importance de ces revenus, les Indiens se sont construit deux bateaux pouvant contenir chacun quarante ou cinquante barils de poisson.
Il ne faudrait pas que j'oublie de dire que les Indiens, qui sont souvent obligés de subir les traitements irritants et extrêmement injustes que leur réservent leurs voisins blancs, n'ont jamais fait l'objet, pendant toute la période où j'ai rempli les fonctions de surintendant, d'une plainte concernant la violation d'une loi, si j'excepte le cas de l'un d'entre eux qui, uniquement par ignorance, a enlevé une partie d'une clôture; c'est tout à l'honneur des Indiens.
Tous les Indiens de l'établissement ont la possibilité, s'ils travaillent modérément, de se procurer une grande quantité de nourriture et de vêtements; ils ont tous acquis une connaissance suffisante du savoir-faire des peuples civilisés pour profiter de ces avantages; l'instruction a ouvert l'esprit des Indiens les plus jeunes, et la religion s'impose à l'attention de tous les Indiens.
Peut-on dire, parce que quelques personnes continuent de chasser l'hiver, parce que d'autres sont oisives et n'ont pas fait beaucoup d'efforts pour défricher davantage leur terre ou parce que quelques-uns cèdent encore à la tentation de s'enivrer, que rien n'a été fait?
Loin de là : les perspectives d'avenir sont plutôt très réjouissantes, et si l'on tient compte des obstacles innombrables que doit surmonter l'établissement, il est incontestable qu'il apparaîtra que l'expérience démontre que les Indiens, lorsqu'ils sont traités comme il convient, peuvent être détournés de leur vie sauvage et peuvent devenir, par la grâce du Tout-Puissant, de bons membres de l'Église du Christ et des sujets respectueux et loyaux.
Les Indiens du Canada et du territoire de la baie d'Hudson sont indubitablement des sujets de Sa Majesté.
Au cours des dernières années, les nombreux efforts déployés par les autorités au Canada ont contribué beaucoup à améliorer la condition des Indiens vivant dans les régions colonisées du pays. D'autres efforts doivent maintenant être faits. Des tribus de nos alliés indiens sont chassées du territoire américain et réclament notre protection. Sur le territoire britannique, quelques Indiens endurent la faim dans les territoires de chasse; et les efforts de ceux qui se sont mêlés aux Blancs donnent moins de bons résultats qu'ils le pourraient en raison des jalousies et des colères qu'ils suscitent. Il est normal que le propriétaire original de la terre trouve infamant d'être obligé de s'astreindre à un travail qu'il trouve dur parce qu'il n'y est pas habitué; le contact avec les colons blancs ne peut qu'exaspérer ce sentiment. De plus, les Blancs continuent de se servir de l'alcool pour entraîner les Indiens ignorants à troquer des biens qui sont nécessaires à eux-mêmes et à leur famille, et même à se priver des vêtements que le gouvernement leur donne et dont ils ont absolument besoin pour se protéger contre les rigueurs du climat; les négociants abusent de plus en plus des Indiens de cette façon depuis qu'ils se rendent compte que leurs affaires baissent en raison de l'augmentation des connaissances chez les Indiens.
Concentrés dans des agglomérations et civilisés, les Indiens seraient des sujets utiles et loyaux en temps de paix; en temps de guerre, ils pourraient fournir un appui important au gouvernement. Nos alliés indiens qui arrivent des États-Unis et demandent notre protection, de même que les Indiens britanniques qui ont perdu les ressources qui leur permettaient de subsister, ont le droit de faire appel à notre humanité; le moyen le plus facile de leur venir en aide, ce serait de créer un établissement important permettant de les amener à exercer les activités des peuples civilisés.
La Manatoulin, une île qui se trouve près de la rive nord du lac Huron et qui fait environ 100 milles sur 30 milles, semble être l'endroit où il conviendrait le mieux de créer cet établissement. Le fait qu'elle est située très près des terres qu'utilisent actuellement les Indiens permettrait à ces derniers de s'adapter au changement sans difficulté. La terre est bonne, elle est bien arrosée par des rivières et des lacs intérieurs, ses nombreuses baies abondent en poissons. Tous ces facteurs sont importants, car on ne peut s'attendre à ce que les Indiens modifient leur façon de vivre du jour au lendemain. Cette modification, pour toute nation, ne peut se faire que lentement. Nous pouvons facilement nous imaginer combien de temps il faudrait aux Blancs pour s'adapter au mode de vie des Indiens, pour apprendre à construire des canots et des wigwams, à pêcher et à chasser et, par-dessus tout, à supporter l'absence de nourriture, un danger qui menace constamment le chasseur. Les difficultés contre lesquelles l'Indien doit lutter sont encore plus grandes, si la chose est possible. Autrefois, il n'avait qu'à sortir de son wigwam pour se procurer la nourriture dont il avait besoin; pour devenir agriculteur, il doit travailler beaucoup pour cultiver sa terre et semer ses graines, puis attendre six mois pour voir les résultats de son travail.
Il faut donc civiliser graduellement les Indiens, et leur permettre de continuer à pêcher pendant quelques années. La situation, à cet égard, est importante.
Partout, les Indiens cherchent à se renseigner sur la religion. En tant que chrétiens, nous avons le grave devoir d'entretenir ce désir.
Votre Excellence le sait, j'ai vécu longtemps parmi les Indiens et peu de personnes ont eu plus souvent l'occasion d'observer leur caractère. Voilà pourquoi j'aime à croire qu'on ne me trouvera pas impertinent si j'émets l'avis que la race indienne n'est pas une race dépravée; toutes les grandes qualités de l'homme se trouvent en elle; leur intelligence est grande, leur imagination très fertile, leurs moeurs purs.
L'Indien veut qu'on l'instruise. Il ne méconnaît pas la supériorité du Blanc qui sait lire et écrire. Il nous supplie avec ardeur de lui faire bénéficier des avantages que procure l'éducation.
Ayant les faits susmentionnés constamment en tête, et pénétré de l'idée qu'il est nécessaire de prendre immédiatement quelques mesures en vue de civiliser les Indiens aussi bien que d'empêcher l'extinction totale de leur race, j'ai été amené à suggérer un plan destiné à créer un établissement complet pour les Indiens dans l'île Manatoulin, ce qui pourrait se faire moyennant une dépense annuelle peu élevée.
J'espère sincèrement que les efforts bienveillants que Votre Excellence a déployés jusqu'ici pour le bien des pauvres Indiens seront renouvelés, et que le gouvernement de la mère patrie se laissera convaincre de vous donner les moyens de les renouveler.
(Signature) T.G. Anderson
Surintendant des Affaires indiennes
Bibliographie
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