Rapport de Recherche sur le Traité - Traité No. 5 (1875-1908)
par Kenneth S. Coates, William R. Morrison, Centre de la recherche historique et de l'étude des traités, Affaires indiennes et du Nord Canada
Les opinions présentés par l'auteur de ce rapport ne sont pas forcement ceux du Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.
Table des matières
Historique
Le traité no. 5 s'inscrit dans deux contextes historiques différents, très éloignés dans le temps, et les buts visés dans les deux cas étaient fort distincts. Bien que les Autochtones du nord du Manitoba soient assujettis au même traité que ceux du sud, les premiers y ont adhéré beaucoup plus tard et pour des motifs bien différents. Il importe donc de garder à l'esprit que la négociation du traité visant à régler la question des droits de propriété des aborigènes dans l'Ouest canadien s'est faite en deux étapes, et que la première a tenu compte des intérêts des Autochtones comme du gouvernement fédéral, alors que la deuxième a été dictée par les priorités du gouvernement. Toutes deux reposent sur des fondements juridiques canado-britanniques bien établis. Les premières démarches ont été entreprises lors de la Proclamation royale de 1763, lorsque le gouvernement britannique et son ministère des Colonies acceptèrent un titre de propriété non précisé sur une partie du territoire de l'Amérique du Nord britannique habité par les Autochtones. L'acceptation de ce principe supposait que les administrations subséquentes verraient à faire transférer ce titre de propriété des Autochtones au gouvernement avant d'autoriser la colonisation du territoire visé. Note de bas de page 1
Des traités officiels avaient été signés avec les peuples autochtones de la plupart des districts agricoles du Canada central avant la Confédération, en 1867. À peine quelques années après la Confédération, en 1870, l'achat de la terre de Rupert de la Compagnie de la baie d'Hudson souleva la question des droits de propriété des Autochtones dans les districts agricoles des territoires nouvellement acquis. Cette question revêtait assurément une certaine importance, car le Décret du conseil instituant officiellement le contrôle du gouvernement fédéral sur le Manitoba et les territoires non-organisés précisait expressément que "toutes les réclamations des Indiens en compensation des terres requises aux fins de la colonisation devront être réglées par le Gouvernement du Canada, de concert avec le gouvernement impérial." Note de bas de page 2
Le gouvernement fédéral s'était formellement engagé à négocier un traité mais n'y consacra d'abord guère de ressources ni d'énergie politique. L'élan initial vint plutôt des Autochtones mêmes. Aussi, bien avant et pendant la Rébellion de la rivière Rouge, en 1869-1870, Louis Riel, les Métis et le gouvernement provisoire n'eurent cesse de rappeler la nécessité de régler les réclamations territoriales des Autochtones et des Métis. Les autorités militaires et politiques des Métis firent en sorte qu'il soit impossible d'ignorer ces revendications. Aussi l'Acte du Manitoba donne-t-il aux "sangs mêlés" de la rivière Rouge l'assurance qu'ils recevront des parcelles de terre adéquates. Note de bas de page 3 Les Métis semblaient donc, du moins sur papier, avoir eu gain de cause. Restait à négocier un traité, en réponse aux demandes des Indiens.
Jusqu'à tout récemment, la plupart des historiens ont supposé que le gouvernement fédéral s'était inspiré d'un plan bien déterminé pour régler la question des titres de propriété des autochtones dans les districts agricoles des Prairies. L'intérêt évident que présentait pour le gouvernement un règlement rapide, et la transformation souhaitée de ce centre de traite des fourrures en empire agricole en ont mené plus d'un à conclure que la signature des traités avec les Autochtones des plaines, processus qui dura de 1871 à 1877, constituait un élément logique et cohérent de la politique fédérale. Cette analyse semblait sensée, puisque les traités retiraient aux Autochtones leurs derniers titres de propriété, les cantonnaient dans des réserves et prévoyaient d'importantes mesures pour faciliter leur adaptation au nouvel ordre économique. Le gouvernement donnait l'impression d'avoir traité les Autochtones de l'Ouest avec justice et humanité, mais d'un autre côté il semblait également que ces derniers n'avaient guère eu leur mot à dire dans tout le processus.
Depuis quelque temps toutefois, certains historiens ayant réexaminé les négociations se sont mis à contester cette opinion, alléguant que les Autochtones avaient joué un rôle crucial, sinon déterminant, dans le déroulement des pourparlers et la fixation des clauses des traités initiaux relatifs au territoire des plaines et que ce faisant, ils avaient arrêté les priorités et les conditions des accords subséquents, bien au-delà de ce que le gouvernement leur avait d'abord offert.
John Tobias est l'un des tenants de cette nouvelle interprétation. Ayant étudié les rapports entre les Autochtones et le gouvernement dans l'Ouest canadien, il a remis en question les idées généralement admises au sujet des intentions du gouvernement fédéral et des réactions des autochtones :
Ceux qui propagent ce mythe veulent nous faire croire que le Canada a entrepris la négociation de traités avec les Indiens de l'Ouest en 1871 dans le cadre d'un plan global d'exploitation du potentiel agricole de ce territoire, d'ouverture des terres à la construction du chemin de fer et d'établissement, entre les prairies et le Canada, d'un réseau de liens économiques et commerciaux. Même si ces assertions ne sont pas entièrement fausses, il reste qu'en 1871, le Canada n'avait aucune idée de la façon dont il traiterait avec les Indiens et que la négociation des traités ne fut pas entreprise à son initiative, mais plutôt sur les instances des Ojibways de l'Angle nord-ouest et des Saulteux de la petite province du Manitoba. Note de bas de page 4
En freinant la colonisation, les Autochtones ont forcé le gouvernement à agir plus rapidement que prévu. Les Ojibways habitant le pays situé entre le lac Supérieur et le Manitoba voulaient faire reconnaître leurs droits territoriaux et menacèrent d'empêcher les colons éventuels de traverser leur territoire si des pourparlers convenables n'étaient pas entamés. De même, les Saulteux de la bande de Plume Jaune posèrent des affiches avertissant les fermiers de ne pas aller s'installer à l'ouest de Portage-la-Prairie tant que leurs revendications territoriales n'auraient pas été acceptées. Le gouvernement avait déjà fait part de son intention de négocier des traités; les interventions des Autochtones accélérèrent toutefois considérablement le processus.
De plus, les Autochtones exigèrent du gouvernement beaucoup plus de terres, de paiements et de fournitures que les négociateurs fédéraux n'avaient prévu. En entamant les négociations, le gouvernement s'attendait à ce que les Autochtones se contentent de réserves et d'une petite subvention en argent. Il n'en fut rien. Les Autochtones exigèrent de l'équipement et une formation agricoles, des médicaments et d'autres droits - autant de revendications auxquelles le gouvernement donna droit de mauvaise grâce. Le gouvernement tira sa leçon de ces premières négociations et modifia rapidement sa tactique. Les dispositions qui n'avaient pas été prises en considération lors de la conclusion des premiers traités furent automatiquement incorporées dans les suivants. De plus, le gouvernement se rendit rapidement compte que les Autochtones tenaient à faire reconnaître leurs titres et à obtenir un règlement convenable leur fournissant les moyens de s'adapter aux nouvelles conditions économiques et sociales. Note de bas de page 5
Le traité no. 5 découla de ce processus initial, en dépit du fait que la moitié septentrionale du territoire qu'en fait maintenant partie n'était pas comprise dans l'accord original. Cette portion, ajoutée au traité original par voie d'adhésion en 1909-1910, avait été délibérément omise de la première étape des négociations avec les Autochtones de l'Ouest. Il fallut attendre le tournant du siècle et le changement de priorités du gouvernement fédéral pour que les zones non agricoles soient incorporées dans le traité. Si les motifs poussant les Autochtones des districts septentrionaux étaient les mêmes que ceux des Autochtones des plaines méridionales, le gouvernement fédéral n'en fit pas moins preuve à l'endroit des premiers d'une attitude radicalement différente et de beaucoup moins de précipitation.
Ne souhaitant pas consacrer d'autres crédits à l'égard de districts non agricoles, le gouvernement fit la sourde oreille aux démarches régulières des Autochtones du nord du Manitoba et des zones non cédées des Territoires du Nord-Ouest en vue d'ouvrir la négociation d'un traité. Simplement, le gouvernement fédéral ne croyait pas à l'utilité de traités dans le Nord. C'est uniquement lorsque les nouvelles priorités de développement y entraînèrent l'ouverture de débouchés commerciaux ou que les préoccupations politiques du Sud atteignirent le Nord que le gouvernement songea à s'occuper des revendications territoriales des Autochtones. Les problèmes et priorités qui avaient convaincu le gouvernement fédéral d'offrir des traités aux Autochtones des Prairies, notamment ouvrir la voie à l'agriculture, ne s'appliquaient tout simplement pas aux régions septentrionales.
Le ministère des Affaires indiennes avait une réponse toute faite pour justifier son hésitation à accéder aux demandes des Autochtones du nord désireux de conclure des traités. Ces derniers demeuraient pour la plupart des chasseurs et des trappeurs et se livraient à des activités qui n'étaient plus économiquement viables dans le Sud. Dans les régions non-agricoles, ce mode de vie demeurait l'un des seuls possibles et le gouvernement croyait peu probable que la situation change dans un avenir rapproché. Tant que les conditions économiques demeurèrent stables, le gouvernement continua d'ignorer les demandes d'aide des Autochtones. Il ne changea d'attitude que lorsque les entreprises des non-autochtones menacèrent de saper les bases économiques du Nord.
C'est à ce moment que fut déclenchée la deuxième série de négociations, non pas en réponse aux demandes des Autochtones, mais bien plutôt pour donner suite à une consigne du gouvernement. Puisque ses plans de développement national n'accordaient pas une place prépondérante au Nord, le gouvernement fédéral ignora régulièrement les demandes de négociation de traités formulées par les Autochtones. Autrement dit, c'est lui qui décida des modalités du processus. Voilà ce qui essentiellement distingue les négociations avec les Autochtones du Sud de celles qui furent menées avec leurs frères du Nord.
L'hésitation du gouvernement à conclure des accords formels avec les Autochtones des régions les plus septentrionales du Canada tenait à sa volonté de dépenser le moins possible à l'égard des Autochtones et au peu d'importance que revêtait à ses yeux la mise en valeur des régions non-agricoles éloignées. L'application de ces politiques retarda la conclusion de traités dans le Nord jusqu'au tournant du siècle. L'expansion vers le Nord commença en 1899 par la négociation du traité no. 8 avec les Autochtones du sud de la vallée du Mackenzie et se poursuivit par celle des traités nos. 9 (nord de l'Ontario), en 1905, 10 (nord de la Saskatchewan), en 1906, et 11 (nord de la vallée du Mackenzie) en 1921. En 1908, après avoir signé un traité avec les Autochtones de la région jouxtant le nord de la Saskatchewan, le gouvernement trouva logique d'étendre le traité au nord du Manitoba, seule région des Prairies à en être encore exclue.
Le traité no. 5 est donc le fruit de deux processus distincts, le premier largement influencé par les Autochtones, et le deuxième mis en branle par le gouvernement fédéral et servant ses intérêts. La description de ce traité doit tenir compte des différentes forces qui ont influé sur sa genèse; mais elle doit aussi expliquer en quoi le déroulement des négociations du traité initial et les adhésions subséquentes témoignent du changement de rapports intervenu entre les Autochtones et le gouvernement fédéral. Ce traité est unique dans les annales de l'Ouest, car il chevauche deux périodes distinctes de négociations des traités dans la région et combine très nettement les différentes influences, attitudes et attentes des Autochtones et du gouvernement.
Prélude des négociations
L'adoption du traité no. 5 est venue répondre à deux motifs profonds : le désir des peuples autochtones d'être visés par l'accord offert aux autres peuples aborigènes et celui du gouvernement de mettre en valeur un nouveau territoire. Selon les plans initiaux, les habitants de la région du lac Winnipeg auraient dû ratifier les traités nos. 1 ou 2, mais le grand éloignement de Fort Stone et de Manitoba House rendait pareil arrangement impraticable Cela ne signifiait pas pour autant que les Autochtones de la rivière Berens et des autres districts ne s'intéressaient aucunement aux traités.
Par l'intermédiaire de leur missionnaire, le révérend pasteur méthodiste E.R. Young, ils informèrent le gouvernement qu'en 1873, ils avaient attendu en vain la visite que leur avait promise le commissaire et avaient éprouvé des difficultés considérables, car leurs provisions de vivres s'étaient rapidement épuisées. Même si, au dire du révérend Young, "ils étaient un peu aigris et se seraient attendus à plus de droiture de la part des Grands Hommes qui accomplissent les volontés de leur Grand mère par-delà les mers," ils étaient tout de même vivement intéressés à conclure un traité. Note de bas de page 6 Les peuples autochtones de la rivière Berens exprimèrent par la suite le désir de recevoir en vertu du traité les mêmes sommes que les Indiens de leur entourage et soumirent une longue liste d'outils de construction qu'ils désiraient que le gouvernement leur fournisse. Note de bas de page 7
Le Lieutenant-gouverneur du Manitoba, des Territoires du Nord-Ouest et du Kee-wa-Tin, Alexander Morris, accéda aux demandes des Autochtones, croyant qu'un tel accord pourrait bien être de nature à servir les intérêts du gouvernement. Selon lui, le lac Winnipeg demeurait une importante voie de transport vers l'Ouest, surtout que les vapeurs étaient en train de remplacer les "York boats". Aussi estimait-il qu'un traité atteindrait deux objectifs louables : ouvrir le lac à la navigation, et les rives du lac à la colonisation. Note de bas de page 8 Il recommanda donc que les négociations débutent la saison suivante.
Avant que les négociateurs désignés puissent être dépêchés sur les lieux, les Indiens de Norway House injectèrent un nouvel élément dans le débat. Ceux-ci, au nombre de huit cents environ, suppliaient le gouvernement de prêter une attention spéciale et immédiate à leur sort. Cette communauté chrétienne souhaitait, selon les mots de son porte-parole, "échapper à la famine et au cannibalisme et adopter les moyens de l'homme blanc pour préserver la vie, en retournant le sol et en faisant pousser la nourriture." La terre de Norway House était toutefois impropre à l'agriculture, aussi les Indiens demandaient-ils de l'aide pour se reloger, si possible à Grassy Narrows, sur les rives du lac Winnipeg, ou encore dans le District de la Saskatchewan. Note de bas de page 9
La requête, d'abord adressée au rédacteur en chef du Manitoba Free Press, était envoyée par le chef Henry Prince (Mis-Koo-Ke-New), anciennement de Norway House, au Conseil des Territoires du Nord-Ouest pour qu'il l'étudie plus à fond. Note de bas de page 10 Les Autochtones de Norway House avaient autrefois trouvé du travail saisonnier sur les bateaux de la Compagnie de la baie d'Hudson, mais les changements apportés par celle-ci à son système d'approvisionnement avaient sapé leur position.
L'introduction des bateaux à vapeur sur la rivière Rouge avait permis à la compagnie d'abandonner presque entièrement la route reliant York Factory à Norway House pour l'approvisionnement du commerce intérieur. Les marchandises étaient désormais stockées au dépôt central de Winnipeg, puis expédiées par bateau à vapeur, vers le nord et vers l'ouest, sur le lac Winnipeg. Ce changement avait privé de leur travail près de 200 hommes de Norway House et bouleversé l'économie locale. Regroupés dans une région où ni le commerce des fourrures, ni l'agriculture n'étaient viables, les Autochtones désormais sans emploi étaient durement éprouvés.
Leur volonté manifeste d'aller s'établir dans une autre localité, plutôt inhabituelle pour des Autochtones du Nord, et l'appui qu'ils accordaient aux missionnaires, fournit au gouvernement une solution bienvenue. Quelques mois auparavant, Morris avait demandé l'autorisation de conclure un traité avec les habitants de la rivière Berens; il envoya un nouvelle demande dans laquelle il incluait également les habitants de Norway House. Note de bas de page 11 Il reçut l'appui d'autres employés de l'État, même si l'un d'eux signala que : "l'on pourrait profiter de l'occasion pour obtenir la cession des terres restantes à l'est du lac Winnipeg jusqu'à la hauteur des terres et plus au nord, disons, jusqu'à une ligne droit vers l'est à partir du pied du lac Play Green." Note de bas de page 12 Le gouvernement, soudainement pressé d'éteindre rapidement les réclamations territoriales des Autochtones, se devait de ne pas laisser échapper pareilles occasions.
Les plans initiaux étaient plutôt modestes. Tout en acceptant l'idée générale de Morris, le ministre de l'Intérieur, David Laird, proposa que la bande de la rivière Berens signe une adhésion au traité no. 1. Note de bas de page 13 Morris refusa cette proposition encore plus modeste. L'expansion de la navigation à vapeur, la découverte probable de minerai, le début de l'exploitation forestière et la migration proposée de la bande de Norway House nécessitaient un accord plus vaste. "Il était essentiel, écrivait-il, de conclure avec les Indiens du lac Winnipeg des accords pour la cession du territoire non couvert par les précédents traités." Note de bas de page 14 Il s'attendait à ce que moins de deux cent familles soient visées par le nouvel accord. Laird accepta la proposition révisée et sollicita l'autorisation formelle d'envoyer le Lieutenant-gouverneur Morris et James McKay, membre du conseil exécutif du Manitoba et conseiller du gouverneur Archibald lors des négociations des traités un et deux, rencontrer les bandes autochtones intéressées. Note de bas de page 15
Instructions fournies aux commissaires
L'acceptation formelle de la proposition Morris-Laird ne tarda pas à arriver. Le cabinet arrêta, le 2 juillet 1875, qu'un traité devrait être signé avec les Autochtones dans la région:
s'étendant au nord des territoires compris dans les traités nos. 3, 2 et 4, et au sud d'une ligne partant de l'angle nord-ouest des limites du traité no. 3 vers le nord-est, jusqu'au lac Jack, puis suivant la rivière Jack et comprenant le lac Play Green, puis de là, partant vers l'ouest jusqu'au lac Red Deer, étant entendu que dans tous les cas où des lacs constituent les limites du traité, dix milles sur l'étendue de ces lacs seront embrassés par le traité et que toutes les îles du lac Winnipeg ou de tout autre lac inclus dans le territoire seront expressément couvertes par le traité. Note de bas de page 16
En vertu du traité no. 5, chaque famille de cinq reçut 160 acres, le gouvernement se réservant le droit de vendre ou de louer les terres de la réserve après avoir obtenu le consentement des Indiens, et de s'approprier toute étendue requise pour ses fins, moyennant compensation. Le gouvernement consentie à maintenir des écoles dans les réserves selon qu'il le jugerait à propos. Le peuple autochtone conserva le droit de se livrer à la chasse, à la pêche et au piégeage sur les terres du traité, conformément à des règlements qui pourraient être adoptés de temps à autre, sauf sur les étendues qui pourraient être requises pour la colonisation, les mines ou la coupe du bois. Le gouvernement promit de contrôler le trafic de l'alcool et s'engagea à verser chaque année cinq dollars à chaque personne, quinze dollars à chaque officier subordonné et vingt-cinq dollars à chaque chef. Cinq cent dollars devaient être consacrés chaque année à l'achat de munitions et de ficelles à rets et les chefs et leurs officiers subordonnés devaient recevoir tous les trois ans un habillement complet. Enfin, le gouvernement devait faire aux Autochtones un don unique de cinq dollars par personne, ainsi que de fournitures agricoles, d'outils, d'équipements, de drapeaux et de médailles.
Mais ce traité ne devait pas ressembler à ceux qui avaient été négociés au cours des quatre années précédentes. Ces derniers avaient assuré au gouvernement la propriété des terres de la ceinture agricole et partant, constituaient la base de ses plans de colonisation dans l'Ouest. Tout en se rendant aux arguments de Morris, selon lequel la région du lac Winnipeg était appelée à jouer un rôle important, du moins à court terme, le gouvernement savait que l'agriculture n'y serait jamais florissante. Aussi ne fallait-il pas traiter les Autochtones habitant ce territoire qui deviendrait celui du traité no. 5 avec autant de générosité que ceux des plaines. Laird dit à Morris :
étant donné l'étendue comparativement faible du territoire qu'il est proposé de céder et le fait que le gouvernement du Dominion n'en n'a pas immédiatement besoin, ni pour le chemin de fer, ni pour d'autres travaux publics, il est à espérer qu'on ne jugera pas nécessaire d'offrir aux Indiens, en présent ou comme indemnité annuelle un montant supérieur aux cinq dollars versés aux Indiens des traités numéros 1 et 2 récemment conclus. Note de bas de page 17
Il se garda de mentionner que les signataires des traités numéros trois et quatre avaient reçu des gratifications de douze dollars par tête. De plus, Morris reçut l'ordre de n'offrir que 160 acres à chaque famille, soit le quart des terres concédées aux Indiens des traités numéros trois et quatre, mais l'équivalent des parcelles accordées à ceux des traités numéros un et deux. Une autre clause mérite également d'être signalée. Pour accélérer les choses et assigner rapidement les réserves, conformément aux souhaits des Autochtones, Laird donna à Morris les instructions suivantes : "Il est très important que les réserves soient choisies si possible cette année, après la conclusion du traité, et que nous n'attendions pas à l'année prochaine, ainsi que nous l'avons fait précédemment." De toute évidence, il importait au plus haut point d'agir rapidement.
Morris et McKay avaient reçu leurs nominations officielles. Le gouvernement fédéral leur avait envoyé 5 000$ pour leur usage et il était question qu'ils aillent visiter les bandes du lac Winnipeg au cours de l'année pour obtenir leur adhésion au traité. Il est clair que les Autochtones de la rivière Berens et de Norway House, et peut-être d'autres de la région également, souhaitaient conclure un traité et obtenir des avantages et des paiements comparables à ceux qu'avaient reçu leurs voisins. Il est également évident que le gouvernement profita de cette première manifestation d'intérêt (ou de désespoir comme c'était le cas de la bande de Norway House) pour conformer à ses besoins les revendications des Autochtones.
Plutôt que de se contenter d'une adhésion simple et limitée, qui aurait satisfait les Autochtones concernés, Laird et Morris entreprirent de négocier un traité beaucoup plus vaste, assurant au gouvernement la propriété de toutes les terres entourant le lac Winnipeg, exception faite du nord du territoire qui ne présentait pour le gouvernement aucun intérêt immédiat, ni même à long terme, et où il voulait par conséquent n'assumer aucune obligation.
Négociations du traité : Les clauses
Les clauses générales du traité no. 5 ayant été fixées par Laird et Morris avant même le début des négociations, il était évident que les Autochtones n'auraient guère leur mot à dire. Néanmoins, les commissaires prirent la peine de leur expliquer les clauses, de solliciter leurs suggestions et de veiller à ce qu'ils acceptent le tout. Il reste qu'il y eut peu de négociations sur les questions de fond; l'élection du chef et le choix de l'emplacement des réserves furent les seules sur lesquelles les Autochtones purent véritablement se prononcer.
Les commissaires Morris et McKay quittèrent Fort Garry à bord du vapeur Colville de la Compagnie de la baie d'Hudson le 17 septembre 1875. Ils se rendirent à la rivière Berens, où ils obtinrent rapidement de la bande l'acceptation des clauses du traité. De là, ils gagnèrent aussitôt Norway House, où de nombreuses personnes avaient déjà exprimé le désir d'aller établir dans le sud une colonie agricole. Lors de la signature du traité, les commissaires convinrent que tous ceux qui quitteraient le territoire se verraient concéder une réserve dans la nouvelle localité. Certains d'entre eux s'établirent par la suite aux abords de la rivière Fisher.
Les membres de l'expédition poussèrent ensuite jusqu'à Grands Rapides, sur la rivière Saskatchewan. Morris et McKay se rendirent compte qu'en respectant strictement les limites du traité, la bande habitant au Pas, ou Wahpahpuha, serait exclue du traité no. 5, alors que la logique exigeait qu'elle en fasse partie. On repoussa donc ces limites pour que ce groupe soit inclus. Le traité fut signé à Grands Rapides, mais certaines questions furent laissées en suspens. Les Autochtones de l'endroit vivaient en bas du chemin de fer de Grands Rapides, secteur clef pour l'expansion du transport dans la région. Les commissaires invitèrent les habitants à accepter une nouvelle réserve de l'autre côté de la rivière. Ceux-ci acceptèrent, à condition qu'une somme de 500 $ leur soit versée, codicille que les commissaires acceptèrent provisoirement, le paiement devant être effectué l'année suivante. Cette tâche terminée, les membres de l'expédition retournèrent à Winnipeg. Note de bas de page 18
Morris reconnut immédiatement que le travail n'était pas terminé. Certaines bandes n'avaient pas encore signé le traité et le choix de l'emplacement de plusieurs réserves restait encore à négocier. Par conséquent, Morris reçut en 1876 l'ordre de poursuivre le travail entrepris l'année précédente. Il assigna cette tâche à Thomas Howard et à J. Lestock Reid. À l'été de 1876, ils devaient verser les indemnités annuelles aux bandes signataires du traité et rencontrer les Autochtones de la Pointe de la Tête-de-Chien, sur les îles du lac Winnipeg, des rapides de la rivière Berens et du Pas. À ce dernier endroit, ils étaient chargés de veiller à ce que le territoire des réserves n'empiète sur aucun site possible d'expansion des transports. Ils furent aussi mandatés d'acquitter la dette de 500 $ contractée envers les Indiens de la bande des Grands Rapides. Le cas de la bande de Norway House n'étant pas encore réglé, les commissaires furent priés de s'enquérir des projets de cette dernière.
Howard et Reid constituaient la deuxième équipe de négociation du traité no. 5 et l'on s'attendait à ce qu'ils rencontrent sur leur chemin un certain nombre d'Autochtones n'ayant pas encore touché l'indemnité à laquelle ils étaient admissibles l'année précédente. Morris leur dit : "En cas de nouvelles adhésions au traité, qui en fait constituent autant de nouveaux traités, le montant de l'indemnité n'est que de 5 $, mais les personnes appartenant à des bandes qui ont signé le traité l'année dernière doivent recevoir les montants auxquels ils auraient alors eu droit s'ils avaient été présents. Note de bas de page 19
Les deux hommes se rendirent ensemble à la Pointe Tête-de-Chien où ils rencontrèrent les membres des bandes de la Tête-de-Chien, de la rivière à la Veine-du-Sang, de la Grosse Île, de Jack-Fish Head et de Sandy Bar. Après des négociations prolongées, mais finalement fructueuses, les commissaires poursuivirent leur route jusqu'à la rivière Berens, où ils versèrent à la bande de l'endroit ses indemnités annuelles et expliquèrent à la population des Grands Rapides les clauses du traité. À partir de là, Howard et Reid se séparèrent. Howard se rendit aux Grands Rapides, où il conclut les négociations avec la bande de l'endroit, puis il se dirigea vers le Pas, où les bandes du Pas, du lac à l'Orignal et de Cumberland acceptèrent toutes les termes du traité. Lestock Reid quitta pour sa part la rivière Berens en direction de Norway House où il versa les indemnités annuelles dues à la bande de cette localité et à celle du lac Cross. Pendant qu'il s'y trouvait, il reçut la visite d'une délégation de Oxford House, qui demanda à être partie au traité, étant donné que "la contrée dans laquelle vivait cette bande était totalement impropre à l'agriculture, de sorte qu'elle éprouvait les plus grandes difficultés à assurer sa subsistance." Ayant terminé son travail, Reid rentra à Winnipeg. Note de bas de page 20
Grâce aux efforts concertés de Morris, McKay, Howard et Reid, la plupart des bandes autochtones habitant dans les limites initiales du traité numéro cinq avaient adhéré à celui-ci. En 1878, par exemple, la bande de la rivière Noire, habitant sur la rive est du lac Winnipeg, l'accepta officiellement. Note de bas de page 21 Bon nombre de personnes n'avaient pas été partie aux négociations, parce qu'elles étaient à la pêche ou à la chasse, ou parce qu'elles travaillaient pour la Compagnie de la baie d'Hudson lors de la visite des commissaires. Elles étaient néanmoins tenues de respecter l'accord conclu par les membres de leur bande.
L'apparente facilité avec laquelle se déroulèrent les négociations de 1875 et 1876 masqua les conflits internes et les difficultés occasionnés par le traité. Les discussions mêmes s'avérèrent au départ une source de problèmes, car les commissaires n'acceptaient de négocier qu'avec un chef dûment élu. Dans les grandes communautés stables et isolées, il était facile de répondre à cette condition, et une élection rapide venait confirmer l'autorité de l'un ou l'autre des chefs de la bande. Dans d'autres cas, plusieurs bandes furent réunies pour les besoins des négociations. À la rivière Berens, en 1876 Howard et Reid convainquirent la bande des Grands Rapides d'accepter la direction du chef de la bande de la rivière Berens et la désignation de son dirigeant au nombre des conseillers dudit chef. Le gouvernement en tirait un avantage évident : il évitait ainsi d'avoir à payer les indemnités supplémentaires qu'aurait entraîné la nomination d'un autre chef et d'une autre série de conseillers. Pour les Indiens, ce qui semblait être un arrangement à court terme menaça l'ordre hiérarchique local.
Les répercussions négatives du plan gouvernemental ne passèrent généralement pas inaperçues aux yeux des Autochtones. En 1875, un homme dénommé Thickfoot avait accepté, après discussion avec Alexander Morris, les clauses du traité no. 5 au nom d'une partie de la population de l'Île. Le commissaire lui demanda d'avertir les autres peuples autochtones que les négociateurs du traité reviendraient l'année suivante. L'agitation commença lorsque les cinq bandes se rassemblèrent à la Pointe Tête-de-Chien. Thickfoot, qui croyait être devenu le chef du fait qu'il avait accepté le traité l'année précédente, se plaignit que les autres "proféraient à son endroit de violentes menaces parce qu'il se disait le chef." Les négociations durèrent deux longues journées. Thickfoot refusa d'y participer tant qu'il ne serait pas assuré d'être chef. Un autre notable, Ka-tuk-e-pin-ois, formula une exigence semblable.
On réussit à surmonter'impasse lorsque les commissaires proposèrent, par la voix du révérend Henry Cockrane, "qu'il faudrait choisir un conseiller dans chacune des bandes, mise à part celle du chef." La proposition eut l'air de satisfaire Thickfoot, qui semblait assuré de conserver la direction de sa bande, mais le débat orageux qui suivit eut tôt fait de faire comprendre à tous qu'il serait difficile de s'entendre. Cockrane retourna voir les Autochtones et proposa de régler le différend par voie de scrutin. Sa-ha-cha-way-ass, de la rivière à la Veine-du-Sang, ne fut élu chef qu'après plusieurs tours de scrutin. Il s'agissait là d'une désignation artificielle obtenue à point nommé au moyen d'un processus tout aussi artificiellement "démocratique". Cependant, le revenu supplémentaire commandé par le poste et le prestige qui s'y rattachait, symbolisé par la médaille que seul le chef possédait, lui conférèrent rapidement plus d'autorité. En définitive, le processus de négociation des traités imposa aux bandes du traité no. 5 une forme nouvelle et étrangère de direction, éminemment satisfaisante pour le gouvernement fédéral, mais d'une validité douteuse pour les Autochtones. Note de bas de page 22
D'autres difficultés surgirent encore. La bande de Norway House n'arrivait pas à s'entendre sur l'emplacement de sa réserve. Certains de ses membres, dont le chef, avaient l'intention d'aller s'établir dans une localité agricole, plus au sud, de sorte que l'emplacement de la réserve du nord les laissait indifférents. Le choix d'un emplacement convenable s'avéra difficile. L'arpenteur fédéral Duncan Sinclair écrivait, en 1877 :
En ce qui concerne la réserve située à cet endroit, j'ignore encore ce qu'il en adviendra. L'endroit semble couvert de rochers et de marécages. J'ai eu une entrevue avec les chefs jeudi au sujet de l'emplacement de leur réserve, mais ceux-ci n'ont encore pris aucune décision. Les amis des Indiens croient que de choisir une réserve à cet endroit ne serait pas une bonne décision. Note de bas de page 23
Lorsque Thomas Howard atteignit Grands Rapides, il se retrouva au milieu d'un autre imbroglio. Le chef l'informa que les membres de sa bande et lui-même croyaient que les négociations de l'année précédente avec le lieutenant-gouverneur Morris constituaient uniquement des préliminaires et qu'ils s'attendaient à entamer les véritables négociations en 1876. Aussi déposèrent-ils sur la table des exigences que Thomas qualifia pour sa part de "tout à fait déraisonnables." Naturellement, le commissaire n'était pas mandaté à rouvrir les discussions et en informa les dirigeants autochtones. Il ne parvint à les convaincre qu'un traité avait déjà été signé qu'après de longues discussions. Ses problèmes ne faisaient que commencer.
L'année précédente, Morris avait convaincu les Autochtones de céder leur territoire, sous prétexte qu'il constituait un excellent emplacement pour une ville et qu'il fallait le réserver aux colons Blancs. Ils avaient accepté de mauvais gré, et uniquement contre la promesse d'une compensation de 500$ faite par Morris. En 1876, Thomas arriva avec la somme. Les Autochtones avaient vidé les lieux, ainsi qu'il avait été convenu, mais se querellaient maintenant au sujet de la répartition de l'argent. Les négociations s'avérèrent ardues et, selon Thomas, épuisantes. Réfléchissant plus tard à son expérience avec la bande de Grands Rapides, il écrivait : "Cette bande doit être surveillée de près. Comme elle vit sur les rives d'une rivière navigable, connaissant un constant va-et-vient, elle pourrait causer énormément de problèmes et d'ennuis ce pourquoi elle semble malheureusement être encline." Note de bas de page 24
Les difficultés rencontrées à Grands Rapides et au Pas, où les dirigeants autochtones demandèrent à signer un nouveau traité plutôt qu'à adhérer au traité no. 5 furent sans doute attribuables à la récente signature du traité no. 5 à Fort Carleton. Les signataires de ce traité avaient obtenu une allocation plus généreuse - 640 acres de terre par famille, au lieu de 160 octroyées en vertu du traité no. 5, ainsi que davantage de fournitures agricoles. On comprendra que les bandes réunies au Pas, qui étaient au courant de l'accord précédent passé avec les bandes de l'Ouest, se demandaient pour quelles raisons le gouvernement fédéral n'avait pas fait preuve à leur endroit de pareille générosité. Thomas réussit "finalement à leur faire comprendre la différence entre leur position et celle des Indiens des plaines, en leur faisant remarquer que les terres qu'ils abandonnaient n'étaient d'aucune utilité pour la Reine, alors que les terres cédées par les Indiens des Plaines lui permettraient de construire des maisons pour ses enfants blancs." Note de bas de page 25
La première étape du traité no. 5 était terminée. Selon un premier recensement, quelque 2 500 Autochtones étaient visés par les négociations de 1875 et 1876, bien que les organisations autochtones prétendirent plus tard que bien des personnes ne figuraient pas sur les relevés établis aux fins du versement des indemnités annuelles. Beaucoup de travail et de nombreuses controverses devaient découler de ces traités, car Autochtones et fonctionnaires s'employèrent à faire de ces papiers laissés par les commissaires un système administratif utilisable.
Premiers temps de l'application du traité no. 5
Les commissaires ayant négocié le traité no. 5 avec précipitation, il était inévitable que des malentendus surgissent. Après 1876, l'emplacement et les dimensions des réserves, le choix des chefs et le paiement des sommes promises suscitèrent bien des conflits. Tous ces problèmes amenèrent les autorités à se demander sérieusement jusqu'à quel point les Autochtones avaient compris tout le processus. La réaction de la bande de Grands Rapides lors de la visite de Howard en 1876 se releva symptomatique d'un problème beaucoup plus vaste. Les Autochtones ne cessaient de se plaindre que le gouvernement n'honorait pas ses engagements, ce à quoi les agents fédéraux répondaient que les Autochtones ne saisissaient tout simplement pas les subtilités juridiques de l'accord. Duncan Sinclair, l'arpenteur fédéral envoyé arpenter certaines des réserves fixées par le traité no. 5 à ce sujet un commentaire révélateur, bien qu'empreint du paternalisme propre à la bureaucratie du dix-neuvième siècle : "Il faut faire preuve, écrivait-il, d'une grande indulgence envers ces pauvres créatures, car elles connaissent très mal notre langue et comprennent très lentement les marchés que nous faisons avec eux, même si nous veillons à leur expliquer très clairement les choses." Note de bas de page 26
Les réserves et la répartition des bandes se trouvaient au coeur du problème. Des accords avaient été conclus sur ces questions au cours des négociations, mais il devint très clair les années suivantes que des révisions s'imposaient. L'initiative ne vint toutefois pas du gouvernement, car les nombreuses exigences que représentaient la délimitation de nouvelles réserves, le respect des engagements contractés en vertu des traités et le répartition officielle des bandes entraînaient pour lui une plus grande dépense de temps et d'argent.
La délimitation des réserves ne commença véritablement qu'en 1877, avec l'arpentage de neuf d'entre elles. Note de bas de page 27 Les Autochtones se rendirent rapidement compte que certaines des divisions et des réunions de bandes convenues lors des négociations n'étaient pas pratiques. Des groupes prièrent le gouvernement de leur attribuer de plus petites réserves reflétant plus précisément la répartition et l'allégeance des bandes. Le Sous-ministre de l'Intérieur conseilla la prudence : "Il ne convient pas, de toute évidence, que les Indiens soient encouragés à se disperser en de très nombreuses petites bandes, aussi la mesure dans laquelle la chose sera autorisée devra-t-elle être déterminée cas par cas." Note de bas de page 28
La lutte livrée par les membres de la bande du lac à l'Orignal, habitant à Che-mse-wo-wor, en vue d'obtenir une réserve distincte, illustre particulièrement bien le problème. Le gouvernement avait essayé de placer ces Indiens sous la tutelle de la bande de Cumberland House, mais ils s'étaient plaints qu'on tentait de les déloger de force. Ils demandèrent qu'on leur concède une réserve située dans une localité :
qu' ils avaient habitée plusieurs années, prétendant qu'ils refusaient de quitter leurs maisons et améliorations pour aller s'installer à un autre endroit où le capitaine Howard... avait cherché à les conduire et que l'année précédente, l'agent des Indiens avait passé outre leur décision et refusait de leur verser l'argent du traité ou de leur donner quoi que ce soit tant qu'ils n'auraient pas vidé les lieux."
Les indemnités et effets prévus au traité fournissaient au gouvernement un puissant instrument de négociation, surtout que les Autochtones menaient une vie précaire, mais ces derniers refusèrent de bouger. Note de bas de page 29 Le gouvernement dut leur concéder partiellement le point et leur donner une réserve distincte, mais il leur refusa le statut de bande indépendante. Note de bas de page 30
La situation à Norway House était encore plus embrouillée. Le désir de nombreux membres de la bande d'aller s'établir dans les terres agricoles plus fertiles de la rivière Fisher fut souvent mentionné comme le point de départ des négociations du traité no. 5. Certains partirent effectivement après 1876, mais laissèrent dans leur sillage bien des problèmes. Les deux branches de la bande furent laissées ensemble ce qui, en 1880, amena les derniers résidents de Norway House à solliciter du gouvernement le statut de bande distincte. Note de bas de page 31 En acceptant la proposition, le gouvernement aurait naturellement dû payer les indemnités plus élevées prévues pour le nouveau chef et ses deux conseillers. Le surintendant général adjoint des Affaires des Indiens eut pour résoudre cette situation insoutenable une réponse prévisible :
Attendu que le traité ne prévoit aucun paiement advenant l'élection d'un chef et de conseillers supplémentaires, le Ministère ne semble pas habilité à autoriser le paiement de salaires à leur égard, mais je ne verrais personnellement aucune objection à ce qu 'il soit recommandé... de permettre aux Indiens de Norway-House d'élire un chef et des conseillers, étant entendu que le gouvernement ne leur versera comme tel aucun salaire. Note de bas de page 32
La détermination inflexible du gouvernement à limiter ses obligations financières était presque chaque fois manifeste. La bande du Pas ne cessait de se plaindre que le ministère des Affaires indiennes ne respectait pas les promesses faites lors de la conclusion du traité. Ainsi, en 1879, ils se plaignirent "d'avoir été maltraités et négligés et de n'avoir pratiquement rien reçu de ce qui devait leur être distribué." Note de bas de page 33ft3333 Une enquête interne confirma leurs dires et ils reçurent, un peu tard, les effets, semences et têtes de bétail promis lors des négociations de 1875-1876. Note de bas de page 34
Les premières années de l'application du traité no. 5, les réserves demeurèrent le principal point litigieux. L'une après l'autre, les bandes demandaient, soit l'agrandissement de leur réserve, soit l'attribution d'une nouvelle parcelle de terre. Ainsi, la bande de Norway House fit appel en 1901 en vue d'obtenir d'autres terres arables. Elle rappela au gouvernement que :
lorsque cette réserve fut divisée, nos Pères et nos Frères se livraient à la chasse et à la pêche et n'ont pas à l'époque pensé ou suffisamment prévu l'avenir pour nous assurer à nous, leurs enfants et descendants, des terres arables en suffisance. Nous, qui vivons maintenant, avons appris qu'il faut cultiver la terre pour assurer notre survie et celle de notre peuple. Note de bas de page 35
L'agent des Indiens local agréa la demande, même si le fait que les Autochtones n'aient pas soulevé la question lors d'une récente réunion lui fit se demander s'ils n'agissaient pas dans cette affaire sous le coup d'une influence extérieure. Le transfert des terres inutilisables de la réserve au projet d'une meilleure parcelle fut encouragée par ce qu'elle présentait "des avantages sociaux, éducatifs et religieux dont ils ne bénéficiaient pas auparavant." Note de bas de page 36
Diverses bandes demandèrent à faire modifier les limites ou l'emplacement de leurs réserves. En raison de la rapide évolution économique de la région du lac Winnipeg, de nombreux éléments nouveaux intervinrent dans la vie de la population autochtone. L'expansion de l'industrie du transport, le début de la pêche commerciale sur le lac et le nombre croissant d'entreprises de coupe du bois forcèrent les Autochtones à protéger leurs réserves ou encore, à demander à aller s'établir là où ils auraient plus facilement accès aux nouvelles possibilités. Lorsque des bûcherons commencèrent à travailler près des maisons des indiens de la bande de l'île, ceux-ci exigèrent un arpentage immédiat de leur réserve pour protéger leurs terres contre tout empiétement. Note de bas de page 37 De manière générale, le gouvernement répondit rapidement à ces appels, espérant éviter ainsi tout conflit entre les Autochtones et le nombre croissant de non autochtones actifs dans la région. Puisque les nouveaux venus menaçaient les ressources forestières habituellement exploitées par les Autochtones, ces derniers avaient des motifs valables de s'inquiéter. Note de bas de page 38
Au tournant du siècle, certaines bandes avaient réussi à faire améliorer ou modifier leurs réserves. Note de bas de page 39 Celle de Cumberland alla même jusqu'à quitter la réserve qui lui avait d'abord été octroyée. L'agent des Indiens, A. McKay, rapportait en 1881 :
L'échec rapide de la pêche et de la chasse dans cette partie du territoire du traité alarme ces Indiens et les oblige à quitter leur ancien territoire de chasse. Ils affirment qu'à moins que le ministère ne les autorise à aller s'établir sur de meilleures terres agricoles, ils seront obligés à l'avenir de s'en remettre au gouvernement pour leur nourriture, puisqu'il leur est impossible de vivre de l'agriculture là où ils se trouvent maintenant. Note de bas de page 40
La bande de Cumberland sollicita tous les ans des changements et demanda la permission d'aller s'établir à Fort à la Corne, même si ce poste se trouvait dans les limites du traité no. 6. Le ministère des Affaires indiennes s'opposa à cette tentative de traverser les limites du traité, oubliant, ainsi que l'historien S. Raby l'avait souligné, que les terres du district du Pas s'étendaient hors du territoire initialement réservé pour le traité no. 5. Note de bas de page 41 Le gouvernement céda finalement et en 1887, une nouvelle réserve fut arpentée pour cette bande à l'endroit où elle avait demandé à s'établir. Note de bas de page 42
Jusqu'au tournant du siècle, les réaménagements se firent presque toujours à la demande des Autochtones. Dans quelques cas, comme à Grands Rapides en 1876, les terres qu'auraient voulues les Autochtones furent retenues en vue d'une colonisation par les Blancs, mais la plupart des changements furent apportés sur les instances de la bande. La situation changea rapidement au début du siècle, lorsque des plans furent dressés en vue de la construction d'un chemin de fer reliant les plaines du Sud à un port devant être aménagé sur la baie d'Hudson.
C'est la bande du Pas qui eut le plus à souffrir de ces nouvelles priorités. La Canadian Northern Railway Company dit craindre que la construction du chemin de fer ne soit retardée si les négociations concernant le droit de passage de la voie ferrée dans les réserves traînaient en longueur. Note de bas de page 43 La bande avait beaucoup à perdre, car le gouvernement voulait ériger une ville et faire passer le chemin de fer sur ses terres. Les premiers plans dressés étaient provisoires, car il semblait que la construction du chemin de fer ne donnerait lieu qu'à une faible expansion. Des accords furent conclus en 1906 en vue de la vente d'une parcelle de terre de la réserve où devait être érigée une ville, mais la question des dédommagements resta longtemps en suspens. Note de bas de page 44 Les Autochtones perdirent alors cinq cents acres de leur territoire, et le gouvernement mit de côté 1 500 $ destinNote de bas de page 45és à les dédommager pour les améliorations qu'ils avaient faites sur ces terres.
Le début des travaux de construction du chemin de fer entraîna un bouleversement rapide de la situation. Dès le début de 1912, le village du Pas comptait quelque 2 500 personnes et l'on attendait pour l'été de cinq à six mille autres travailleurs de la construction. Pour le ministère des Affaires indiennes, les répercussions possibles de cette invasion constituaient un sujet de vive inquiétude. Ainsi que le faisait observer un fonctionnaire : "vous savez sans doute que les gens de cette catégorie peuvent faire beaucoup pour démoraliser les Indiens, et je crois que ces derniers auraient tout intérêt à céder leurs terres et à aller s'établir loin des tentations qu'offre la grande proximité de pareille localité." On recommanda d'agir immédiatement, "avant que ces pauvres gens ne soient démoralisés et débauches." Note de bas de page 46 La proposition était conforme à la politique qu'avait depuis longtemps adoptée le gouvernement d'éloigner les Autochtones de tels centres. En agissant sans tarder, on espérait éviter "le renouvellement de ce qui s'était produit à St. Peter's, où la débauche avait eu raison de ces gens auparavant aimables, à tel point que la majorité d'entre eux étaient maintenant aussi mauvais qu'on peut l'être physiquement, moralement et mentalement." Note de bas de page 47
On proposa immédiatement d'amener les Indiens à vendre leur réserve et à se fixer sur de nouvelles terres loin du chemin de fer. Le fonctionnaire sur les lieux espérait qu'une offre équivalent à vingt-cinq pour cent de la valeur approximative des terres inciterait les Indiens à accepter. La bande avait déjà cédé 500 acres sans grand dédommagement et l'on pouvait s'attendre à ce qu'elle se tienne sur ses gardes de crainte de se faire à nouveau escroquer.
"À moins d'avoir une importante somme d'argent à leur proposer, il est inutile d'aller parlementer avec ces Indiens", faisait observer un agent, car ils savent que les terres qu'ils ont cédé ont pris beaucoup de valeur et sont enclins à croire qu'ils n'ont pas été traités en toute équité la dernière fois. Naturellement, ils dépenseront sottement une partie de leur argent, mais celui-ci leur appartient et de toute manière, le dépenser à leur convenance leur procurera un certain plaisir. On pourrait les inciter à acheter et à ramener dans leur réserve quelques têtes de bétail de race Galloway et quelques poneys." Note de bas de page 48
Cependant, le plan ne devait jamais se concrétiser et la réserve aux abords de la ville demeura intacte. Les employés de l'État se plaignirent de cet échec et constatèrent, les années suivantes, l'immortalité grandissante des Indiens de la bande du Pas. Note de bas de page 49 À quelques reprises, ils soulevèrent à nouveau la question du déplacement des Indiens, mais leurs instances demeurèrent lettre morte.
L'épisode au sujet du droit de passage dans la réserve du Pas avait montré à quel point les choses se passaient différemment lorsque des terres possédées par des Autochtones étaient convoitées par des promoteurs non-autochtones. Le gouvernement pouvait, juridiquement, imposer sa volonté aux Autochtones, puisqu'il disposait d'un droit de tutelle, mais il préférait ne pas avoir à les obliger à partir. Il avait déjà acquis cinq cents acres de terre pour y ériger une ville, mais il essaya en vain d'en obtenir de nouvelles en 1912. Note de bas de page 50 Que la question ait seulement été soulevée montre à quel point le gouvernement était déterminé à éloigner les Autochtones des établissements non-autochtones dans toute la mesure du possible et sa volonté de les reloger sans trop les consulter si cette mesure entrait dans ses desseins officiels.
La plupart des problèmes avec lesquels se débattaient les chefs, conseillers et agents des Indiens étaient fort éloignés des sujets de controverse des Indiens du Pas. Les conflits concernaient généralement des listes de bandes incomplètes ou incorrectes, le maintien d'écoles, la contestation de plusieurs chefs, des querelles au sujet des promesses faites par le gouvernement, des plaintes au sujet de transferts d'appartenance et les cas d'abandon du foyer par certains maris. Les bouleversements économiques du tournant du siècle et plus particulièrement la rapide expansion puis l'effondrement de la pêche commerciale, ainsi que l'expansion graduelle de l'exploitation forestière modifièrent le mode de vie des Autochtones, tout en leur ouvrant de nouvelles possibilités que bon nombre d'entre eux exploitèrent avec succès.
Cette intense activité semblait donc justifier la décision qu'avait d'abord prise le gouvernement d'aller de l'avant avec le traité no. 5 en 1875-1876, car l'attribution des réserves et l'aliénation de leurs titres par les Autochtones avaient libéré quelque 260 000 kilomètres carrés de territoire pour la colonisation. Dans les mois qui précédèrent la négociation du traité, les Autochtones obtinrent pour l'essentiel ce qu'ils avaient demandé. Les gratifications furent payées chaque année et les Autochtones reçurent les outils, l'équipement et les autres fournitures promises, même s'il leur fallut dans certains cas attendre très longtemps. Ainsi qu'on s'y était attendu, la ruée des colons vers l'Ouest épargna la région. Le territoire du traité no. 5 ne devait pas subir l'afflux massif de colons qui s'abattit sur les Prairies et ne serait pas non plus témoin de l'épuisement inattendu des ressources exploitables, plus particulièrement le poisson et le gibier, qui devait si sauvagement désorganiser la vie des Autochtones des plaines. En raison de ces conditions, il était assuré que les Autochtones ne pourraient se montrer exigeants à la table des négociations. Aussi le gouvernement se montra-t-il peu enclin à troubler les habitudes de vie des signataires du traité no. 5.
Ce traité, qui avait été conclu à l'origine dans le but d'abolir les titres de propriété des Autochtones sur les terres agricoles des Prairies prit rapidement l'aspect d'un accord administratif permettant au gouvernement de laisser la région du Nord et ses habitants plus ou moins à eux-mêmes et de limiter ses obligations financières jusqu'au moment où la perspective d'une exploitation du territoire par les non autochtones semblerait justifier un plus haut niveau d'activité. Cette approche paraissait d'autant plus logique au gouvernement qu'après le tournant du siècle, de grandes parcelles de terres au nord furent intégrées au territoire couvert par le traité no. 5.
Adhésion des autochtones du nord au traité no. 5
Dès 1876, la bande de Oxford House sollicita du gouvernement fédéral de devenir partie au traité no. 5. À l'instar des autres Autochtones des régions non agricoles de l'Ouest, les membres de cette bande connaissaient les avantages financiers que procurait l'adhésion à un traité et ils nourrissaient l'espoir d'en négocier un ou de ratifier un accord déjà conclu, sans toujours être conscients de la perte de territoire que cette démarche supposait. À l'époque, toutefois, le gouvernement hésitait à s'imposer de nouvelles obligations financières et juridiques dans le Nord. Voici ce que disait à ce sujet en 1906 le surintendant général adjoint des Affaires indiennes, Frank Pedley : "Je crois que nous devrions prendre pour usage de ne pas conclure de traités avec les aborigènes du Nord et d'administrer les affaires des Indiens dans ces régions très nordiques selon les besoins de chaque cas." Note de bas de page 51 Les districts du nord des provinces des Prairies qui s'adonnaient au commerce des fourrures venaient au bas de la liste des priorités gouvernementales; une seule région était plus négligée, celle des terres au-delà du 60e parallèle, où le gouvernement entrevoyait peu de possibilités de mise en valeur par des non autochtones. Note de bas de page 52
Les autres bandes autochtones du Nord se rendirent vite compte que cette réticence officielle pouvait, selon les circonstances, tomber avec une rapidité étonnante. Ainsi, la création de la nouvelle province de la Saskatchewan, en 1905, constitua l'aiguillon longtemps attendu qui obligea le gouvernement à offrir un traité aux Autochtones des territoires encore à céder de cette province. Situation encore plus dramatique, la découverte du pétrole près de Norman Wells dans la vallée du Mackenzie au cours des années vingt, mena directement à la rapide négociation (ou à l'imposition, ainsi que des Autochtones de l'époque l'ont laissé entendre) du traité no. 11. Lorsque l'exploitation d'un territoire par les Blancs paraissait imminente ou que le contexte politique l'exigeait, le gouvernement fédéral agit avec une très grande célérité, alors qu'auparavant, ainsi que les Autochtones habitant au nord des limites du traité no 5 le découvrirent, il n'avait guère prêté attention aux demandes de négociation.
Le prolongement des limites du traité no. 5 reposait sur des conjectures plutôt que sur de véritables travaux d'exploitation. Depuis des années, hommes politiques et promoteurs débattaient du bien-fondé d'établir un chemin de fer reliant les plaines à la baie d'Hudson. Deux générations de cultivateurs avaient reconnu comme parole d'Évangile la nécessité d'une telle route, la considérant comme le seul moyen d'empêcher le passage sur leur territoire du Canadian Pacific Railway, qu'ils détestaient cordialement. À partir de 1886, le gouvernement chercha une compagnie pour construire le chemin de fer et en 1906, il avait délivré des chartes à huit compagnies pour entreprendre les travaux. Aucune des entreprises ne réussit toutefois à obtenir le financement nécessaire; aussi, en 1908 le gouvernement se mit-il lui-même à la tâche et délimite-t-il la même année l'emplacement d'une ville au terminus de Churchill. La construction commença au Pas en 1910. Note de bas de page 53
Les Autochtones de la région avaient aussi un autre motif de préoccupation, du même ordre que le précédent. Les négociations visant à repousser les frontières du Manitoba se poursuivaient depuis de nombreuses années. Dès 1907, les arpenteurs étaient à l'oeuvre dans la région située au nord des limites du traité no. 5, suscitant de vives dissensions entre les bandes autochtones, qui se demandaient quel impact les nouveaux développements auraient sur leurs vies. La création de l'Alberta et de la Saskatchewan, dont les frontières septentrionales longeaient le 60e parallèle, vint confirmer la probabilité d'un réalignement des frontières du Manitoba sur celles de ses voisins. Cependant, une querelle avec l'Ontario au sujet de l'emplacement de la limite orientale de la province retarda la décision finale et l'affaire ne connut son dénouement qu'en 1912, lorsque le gouvernement conservateur de Sir Robert Borden imposa la partie septentrionale de la frontière actuelle entre le Manitoba et l'Ontario. Note de bas de page 54
Bien entendu, les frontières provinciales n'avaient pas précédemment limité les traités. Les frontières du Manitoba avaient été repoussées une première fois en 1881 et depuis, une partie du territoire du traité no 5 se trouvait dans la province, alors que le reste faisait encore partie des territoires du Nord-Ouest. Le gouvernement fédéral respecta en deux étapes les priorités qu'il s'était fixées pour la conclusion des traités. D'abord il négocia les traités un à sept, qui ouvrirent la voie à la colonisation de l'Ouest. La deuxième étape commença en 1899 avec le traité no. 8. Le gouvernement abandonna alors la ligne de conduite qu'il s'était fixée depuis longtemps de n'offrir aucun traité aux Autochtones qui vivaient dans les forêts du Nord. S'il opéra ce revirement, c'est en partie parce qu'il prévoyait que des Blancs exploiteraient le territoire, mais aussi parce qu'il estimait ne plus pouvoir faire si des demandes d'adhésion à un traité formulées à maintes reprises par les Autochtones.
Au début du siècle, le gouvernement fédéral avait déjà fait bénéficier de nombreux services les Autochtones du moyen Nord qui n'étaient visés par aucun traité. Même si sa générosité ne s'étendait pas également à chacun, le ministère des Affaires indiennes versait des indemnités annuelles pour le maintien des écoles et fournissait une aide médicale modeste ainsi que d'autres fournitures suivant les besoins, franchissant ainsi le pas qui lui fit offrir un traité non plus considéré par lui comme symbolique ou dispendieux. Note de bas de page 55
On ne saurait nier que les Autochtones vivant au nord des limites du traité no. 5 étaient nombreux à souhaiter signer un traité. En 1905, la bande du lac Split envoya un représentant rencontrer le commissaire des Indiens, David Laird, et renouvela l'expérience l'année suivante. Note de bas de page 56 La demande formulée par la bande convainquit le gouvernement de pousser plus avant l'étude des réclamations. La bande, à ce qu'il semblait, habitait le territoire du traité no. 5 mais n'en n'était pas signataire et chassait et piégeait à l'extérieur de ses limites. Il paraissait logique de lui faire tout simplement accepter les clauses de l'accord initial, mais cette solution n'allait pas sans difficultés. Ainsi que l'écrivait le secrétaire aux Affaires indiennes : "Quand viendra le temps de négocier avec des Indiens, il serait à conseiller de conclure avec eux un nouveau traité, car leur adhésion au traité no. 5 supposerait le versement rétroactif très coûteux des paiements annuels, à moins qu'il ne soit clairement stipulé dans l'adhésion qu'aucun arriéré ne pourra être réclamé ni payé." Note de bas de page 57 Le révérend J. Semmens, inspecteur des agences des Indiens, proposa d'offrir un traité à la bande du lac Split. Tout en agréant, le gouvernement laissa entendre que le ministère n'était pas disposé à brusquer les choses. Note de bas de page 58
De juillet à septembre 1907, Semmens visita les bandes habitant au nord des limites du traité no. 7. Il constata la quasi unanimité des Autochtones à vouloir un traité et leur grande préoccupation face aux développements imminents dans leur région. Ainsi, à Nelson House, les habitants exprimèrent leur inquiétude face à la menace constituée par les arpentages préalables à la construction du chemin de fer la baie d'Hudson. Le chef, écrivit plus tard Semmens :
avait considéré très sérieusement la question dans l'optique de ses propres intérêts et de ceux de sa bande. Selon lui, la construction de cette fera fuir le gibier dont son peuple dépend entièrement pour sa survie. Ce peuple de chasseurs et de pêcheurs ne sait rien faire d'autre et tout ce qui nuira sérieusement à la prise de fourrures le frappera durement. Aussi, a-t-il affirmé, le gouvernement voudra assurément veiller à son bien-être et acceptera, s'il nuit à ses occupations, de traiter avec lui afin d'éviter malentendus et frictions. Note de bas de page 59
Au lac Split, il informa les Autochtones qu'un traité leur serait offert l'année suivante, et "ceux-ci exprimèrent le désir d'adhérer au traité no. 5, de manière à être sur un pied d'égalité avec leurs amis de Norway House et du Lac-à-la-Cross." Cependant, ils allèrent plus loin et prétendirent que le gouvernement avait promis de les inclure lorsqu'il avait conclu le traité initial. Comme cette promesse n'avait pas été respectée, la bande estimait avoir droit à la totalité des arriérés accumulés depuis 1876. Note de bas de page 60
Semmens se rendit ensuite à Norway House, au Lac-à-la-Cross et à la rivière Fisher, où il devait recenser les Autochtones n'ayant pas signé du traité qui habitaient dans les réserves. Il en découvrit plus de 350, la plupart venant de centres plus au nord, comme Oxford House, York Factory, le Lac-de-l'île et le Lac-de-Dieu. Presque tous exprimèrent le désir de ratifier un traité et de voir un traité accordé au peuple de leur région d'origine.
Dans son rapport d'inspection, Semmens recommanda d'offrir une adhésion à la bande du lac Split et de faire signer également les Autochtones habitant dans les limites du traité et qui n'en n'étaient pas encore partie. Le commissaire David Laird accepta, mais imposa une restriction : "Ceux du lac Cross, de Norway House et de la rivière Fisher, qui habitent dans la limite dudit traité depuis deux ou trois ans, devront non seulement signer une adhésion, mais abandonner toutes leurs réclamations territoriales dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Canada." Note de bas de page 61 Cette proposition limitée de la part de la bande du lac Split amena rapidement le gouvernement à prendre d'autres initiatives.
Le projet d'adhésion de la bande du lac Split rendit possible une généralisation des efforts en vue d'amener les Autochtones habitant des territoires non encore cédés à conclure un traité. Le surintendant général adjoint des affaires indiennes croyait que la construction imminente du chemin de fer l'autorisait à prêter une attention immédiate aux demandes de traité des Autochtones du Nord. Il semblait également que "les clauses du traité no 10, négocié en 1906 et 1907 par des commissaires spécialement désignés, s'appliquent à l'ensemble de ce territoire; aussi je propose de prolonger les limites du traité no. 10 pour qu'il englobe le vaste district situé entre la frontière orientale du traité no. 5 et celle du traité no. 9." Puisque le traité no. 10 avait été destiné précisément à un district non agricole, il semblait parfaitement s'appliquer au territoire immédiatement à l'est. La proposition, qui supposait l'adhésion des différentes bandes uniquement en fonction des besoins individuels, avait également l'avantage de compléter en grande partie le travail du ministère en matière de traités : "La conclusion de traités avec les Indiens du fleuve Mackenzie et du cercle arctique pourrait ne jamais être considérée comme opportune, mais en attendant qu'une décision soit prise sur ce point, le territoire qu'il est proposé d'ajouter au traité no 10 serait le dernier du Dominion à être inclus dans un traité officiel." Note de bas de page 62
Le prolongement des limites du traité soulevait également des questions quant à la frontière de l'est. Le fonctionnaire du ministère, D. Scott, a formulé à ce sujet cette observation :
Lorsque la frontière de l'Ontario sera fixée définitivement, tous les Indiens de cette province seront affiliés au traité no. 9, et tous ceux qui habitent entre la nouvelle frontière et le territoire du traité no. 5 seront visés par ce dernier traité ... Des agents de la Commission géologique m'ont appris qu'il n'y avait aucune hauteur de terre bien définie entre les eaux des rivières Hayes et Severn, et comme l'ensemble du territoire sera sous peu assujetti à un traité, il n'est pas nécessaire que les limites longent une frontière naturelle bien définie. Note de bas de page 63
Le gouvernement paraissait disposé à repousser les limites du traité no. 10 jusqu'à l'intérieur de la région située au nord du territoire du traité no. 5, de sorte qu'il provoqua un certain étonnement en 1908 lorsqu'il donna à Semmens l'ordre de faire adhérer les bandes du lac Split et de Nelson House au traité no. 5. Scott avait laissé entendre que le traité no. 5 permettrait de conclure un accord plus généreux et ce fut effectivement le cas après l'adoption d'une légère modification au traité initial prévoyant le versement d'une gratification de trois dollars au moment de la signature. On s'attendait à ce que le paiement de cette gratification éteigne toutes les réclamations passées de ces Indiens, mais il était prévu que si pour une raison ou pour une autre et après mûre réflexion, la somme était jugée insuffisante, Semmens pourrait y ajouter 2 $ par personne et verser une gratification de 5$. On comptait toutefois qu'il parviendrait à négocier l'adhésion contre la gratification prévue au traité tout en lui offrant la possibilité, en cas d'échec, de remplacer le mot "trois" par "cinq" et d'initiale la modification. Semmens devait également se rendre au lac Cross, à Norway House et à la rivière Fisher pour offrir un traité aux Indiens de la réserve qui n'étaient signataires d'aucun. Note de bas de page 64
L'inspecteur Semmens termina la première étape du processus d'adhésion entre les mois de juin et d'août 1908. Les missionnaires sur place et les agents de la Gendarmerie royale du Nord-ouest avaient préparé le terrain en vue des négociations et Semmens avait déjà expliqué aux Autochtones les intentions du gouvernement, de sorte que les discussions se déroulèrent pratiquement sans anicroche.
Comme dans le cas des autres traités conclus avec les Autochtones du Nord, il n'y avait en fait guère de clauses à négocier. Dans les instructions fournies au commissaire par le ministère des Affaires indiennes on pouvait lire : "Il est extrêmement important qu'aucune promesse en dehors du traité en soit faite lors de la négociation." Note de bas de page 65 Au lac Split, le chef insista pour obtenir la gratification de cinq dollars par personne que Semmens se fit un devoir de lui accorder. À Norway House, la question ne fut pas immédiatement soulevée et le paiement convenu fut d'abord de trois dollars. Ensuite, le chef intercéda et demanda la subvention additionnelle "pour harmoniser les paiements avec ceux des Indiens du lac Split." Semmens refusa mais promit de faire savoir au Ministère que la bande sollicitait la faveur de se voir accorder les deux autres dollars en 1909. Le commissaire et son entourage a'arrêtèrent brièvement à Norway House, à la rivière Fisher et au Lac-à-la-Cross, où ils inscrivirent 319 personnes sur les listes du traité. Note de bas de page 66
Semmens devait encore s'acquitter d'une autre mission cette année-là. Un mois après son retour à sa base de Stonewall, au Manitoba, il apprit que le Ministère voulait qu'il se rende au Lac-de-Dieu, au Lac-de-l'Île et à Oxford House pour avertir les Indiens qu'ils recevraient l'année suivante la visite d'un commissaire. Bien que la saison fut déjà très avancée et le voyage extrêmement long et ardu, Semmens se mit en route. Il revint à peine un mois plus tard. En peu de temps, il recensa dans les trois bandes plus de 1 250 personnes ayant le droit d'être inscrites sur les listes du traité et leur promit une visite l'été suivant. Note de bas de page 67 Après des années de réticence, le gouvernement fédéral avait soudainement décidé de procéder avec la plus grande hâte. Au début de 1909, Semmens reçut l'ordre de procéder à la négociation d'un traité avec les bandes de Oxford House, du Lac-de-Dieu, et du Lac-de-l'Île au cours des mois de juillet et août. Note de bas de page 68
Mais les événements ne s'étaient pas déroulés aussi harmonieusement qu'on aurait pu le croire. On découvrit l'année suivante que Semmens avait fait signer à la bande du lac Split le formulaire d'adhésion préparé à l'intention des Autochtones de la rivière Fisher, de Norway House et du Lac-à-la-Cross. Il y avait une énorme différence entre les deux accords. Le document destiné à la bande du lac Split exigeait la cession de vastes territoires, contrairement au document d'adhésion des autres bandes, qui ne supposait aucun transfert de cette nature et portait plutôt sur la signature du traité par les différentes personnes.
Le ministère fut consterné de cette erreur et du manquement de Semmens à modifier le document prévoyant une gratification de 5$. Semmens affirma que l'erreur était imputable au commis qui s'était trompé en lui remettant le document, mais qu'il ne pouvait s'expliquer comment cette erreur avait pu passer inaperçue jusqu'à ce que le traité parvienne à Ottawa. Il donna au secrétaire des Affaires indiennes, J.D. McLean, l'assurance que l'erreur n'était qu'une simple gaffe administrative. Voici ce qu'il écrivit à ce sujet : "J'ai lu le document d'adhésion s'y rapportant et tous ont déclaré comprendre et être prêts à signer. C'est alors qu'on a dû me remettre le mauvais document. Les Indiens qui ont signé comprenaient parfaitement ce qu'ils faisaient et ce qu'ils acceptaient. Les nombreux témoins présents peuvent l'attester." Semmens offrit de se rendre à Ottawa à ses propres frais pour corriger l'erreur, bien que son explication eut apparemment satisfait ses supérieurs. Semmens retourna dans le Nord cet été-là, mais ses rapports de voyage montrent qu'il ne s'est même pas rendu au lac Split. Le problème a donc dû être réglé au niveau interne. Note de bas de page 69
Les Autochtones ne manifestèrent aucune opposition à l'intérêt soudain du gouvernement pour les négociations, bien au contraire. Seulement, ils savaient fort bien que le chemin de fer devant se rendre à la baie d'Hudson passerait par leurs terres, aussi cherchaient-ils à obtenir la protection officielle que garantissait la conclusion d'un traité fédéral. La bande de York Factory, consternée d'apprendre que la bande du lac Split avait dit qu'elle n'était nullement intéressée à contracter un traité, écrivit ce qui suit :
Nous attendons depuis des années de prendre partie à un traité, et maintenant que le chemin de fer de la baie d'Hudson est sur le point de traverser notre territoire, nous espérons que le gouvernement nous prendra sous son aile. Notre territoire de chasse sera ruiné par le sifflement du cheval de fer et nous aurons peine à nourrir et vêtir nos petits. Note de bas de page 70
Les Saulteux de Fort Churchill fondèrent sur des bases semblable leur demande d'adhésion à un traité. Ils rapportèrent à un agent du gouvernement en visite chez eux en 1909 que :
jusqu'alors, le pays où ils vivaient avait assez bien subvenu à leurs besoins, mais qu'en raison des travaux qu'y exécutaient maintenant les agents du gouvernement et de leurs conséquences probables, ils craignaient des changements susceptibles de leur nuire. Ils demandèrent ensuite ce qu'il adviendrait d'eux s'ils serait assuré et qu'ils recevraient chaque année un certain montant pour les aider, ce qui serait avantageux pour eux. Note de bas de page 71
Ces positions reflétaient l'attitude générale des Autochtones n'ayant pas encore contracté de traité. Ceux-ci voyaient dans cette démarche une source d'aide et d'espoir, compte tenu plus particulièrement de l'état de désorganisation qu'ils prévoyaient devoir succéder à la construction du chemin de fer vers la baie d'Hudson.
Semmens se rendit dans le Nord à l'été de 1909 pour obtenir les adhésions des bandes de Oxford House, du Lac-de-Dieu, et du Lac-de-l'Île. Les clauses du traité, y compris la possibilité d'accepter les titres des Métis, furent soigneusement expliquées et, au dire de tous, acceptées avec enthousiasme. Les bandes procédèrent ensuite à des élections et le traité fut officiellement signé. Semmens distribua ensuite la gratification de 5$ accordée en vertu de l'adhésion et répartit les fournitures qu'il avait apportées. Cette fois, rien ne permet d'affirmer qu'il ait tenté de faire accepter aux autochtones une gratification de trois dollars. Avant son départ du Sud, on avait proposé qu'il apporte 58 sacs de farine, 2 800 livres de bacon, 150 livres de thé et 3 boîtes de tabac qu'il distribuerait pendant les cérémonies de signature des traités. Note de bas de page 72
Semmens subit un seul contretemps, lors de son voyage au Lac-de-l'Île. La bande du lac Sucker avait déjà informé le gouvernement fédéral qu'elle ne souhaitait pas être alliée à la bande du Lac-de-l'Île aux fins du traité, mais désirait au contraire signer à Little Grand Rapids une adhésion distincte, acceptée par son propre chef et ses propres conseillers. La bande demanda également sa propre réserve, à Reindeer Lake. Note de bas de page 73
Des représentants de la bande se trouvaient au Lac-de-l'Île lorsque Semmens arriva pour expliquer le traité, mais ceux-ci refusèrent de signer. Le commissaire tenta de les faire changer d'avis mais, ainsi que Semmens l'écrivit plus tard, "ils avaient promis à leur missionnaire Santmier d'adopter cette attitude." Semmens attribua leur désir d'être indépendants de la bande du Lac-de-l'Île au "fait que les Suckers et les Cranes ne pouvaient s'unir en raison d'une haine ancestrale et que le peuple de Deer Lake East préférerait ne pas se mêler aux Cranes." Il lui était naturellement impossible de permettre cette modification sans autorisation, aussi ne leur fit-il aucune promesse et les quitta-t-il lorsqu'il s'aperçut qu'il ne pourrait les convaincre d'adhérer au traité no. 1. Note de bas de page 74
Semmens ne fut pas le seul agent du ministère des Affaires indiennes à oeuvrer cette année-là au prolongement vers le nord des limites du traité no. 5. McLean voyage également dans la région, principalement pour rencontrer les nouveaux signataires, au lac Split et à Nelson House, et pour s'assurer que les Indiens de York Factory et de Churchill étaient effectivement intéressés à adhérer au traité no. 5. bien qu'un certain nombre de petites bandes demeurèrent sans traité, l'acceptation de ces deux groupes promettait de compléter plus ou moins le processus d'adhésion dans les territoires ajoutés au traité no. 5. Note de bas de page 75
McLean constata rapidement que les Autochtones avaient davantage de points à discuter qu'il ne l'avait prévu. Il espérait traverser rapidement le lac Split en se rendant à la baie d'Hudson. Quel ne fut pas son étonnement lorsque le chef lui déclara à brûle pourpoint que des questions importantes étaient demeurées en suspens lors des négociations de l'année précédents et qu'il ne désirait pas procéder en toute hâte au versement des gratifications. McLean hésitait à bouleverser son programme et convainquit les Indiens de lui soumettre immédiatement leurs questions. Celles-ci portaient principalement sur leurs droits de chasse, de piégeage et de pêche et sur l'attribution immédiate d'une réserve. Les réponses de McLean eurent apparemment l'effet de les satisfaire et l'agent put procéder tel que prévu au versement des gratifications.
C'est à Nelson House que les protestations se firent les plus vives. Lorsque Semmens avait fait signer le traité à cette bande l'année précédente, il l'avait amenée à accepter une gratification de trois dollars, plutôt que le maximum de cinq dollars qu'il était autorisé à consentir si les Indiens l'exigeaient. Le chef avait demandé le plein paiement, mais uniquement après l'acceptation formelle du traité. Quant McLean visita la bande en 1909, elle demanda à nouveau qu'on la traite en toute justice. Dès que la discussion s'amorça, les membres de la bande demandèrent :
Pourquoi il ne leur avait été versé qui huit dollars (trois dollars de gratification plus cinq dollars d'indemnité annuelle) lorsqu'ils avaient donné leur adhésion au traité avec le gouvernement l'année dernière, alors que leurs voisins du lac Split avaient obtenu dix dollars chacun. Cet événement fâcheux semblait malheureusement les avoir protées au doute et à la méfiance, sentiments que je parvins toutefois à dissiper en leur donnant toutes les assurances que le gouvernement ne connaissait ni n'avait approuvé cet écart dont ils se plaignaient et en leur prouvant qu'au contraire le gouvernement souhaitait vivement conclure avec eux un marché juste et équitable. Je reçus l'ordre de leur verser, en plus de leur indemnité annuelle, les deux dollars dont chaque homme, femme et enfant avait été privé l'an dernier, et leur fit observer que le gouvernement s'acquittait de ce montant sans en avoir été prié. Note de bas de page 76
Mclean se trompait à plusieurs égards. Le commissaire Semmens avait été précisément enjoint de négocier la plus faible indemnité possible; à l'époque, les Indiens s'étaient plaints et Semmens avait promis de transmettre leur plainte, ce qu'il fit en temps voulu. En voulant montrer la bonté du gouvernement, il ne rencontra sans doute guère d'écho auprès des gens de Nelson House, dont le mécontentement de l'année précédente avait dûment été pris en note.
À York Factory et à Churchill, McLean procéda de manière plus expéditive. Aux deux endroits, il expliqua le but de sa mission, exposant l'intérêt du gouvernement à conclure un traité et l'aide dont bénéficieraient les parties contractantes. Les Autochtones se montrèrent empressés à signer un traité; les notables de Fort Churchill allèrent même jusqu'à demander que le gouvernement leur envoie à nouveau McLean comme commissaire. Note de bas de page 77 McLean distribua des vivres et des provisions et s'arrangea pour que le médecin de l'expédition examine les gens rassemblés aux postes. Son travail terminé, McLean rentra. Il avait préparé la voie aux négociateurs qui iraient l'année suivante conclure les adhésions officielles au traité no. 5. Note de bas de page 78
Naturellement, la tâche fut confiée à John Semmens. Il partit pour le Nord à l'été de 1910. Il fit un premier arrêt à Deer's Lake East (également appelé Reindeer Lake), où l'année précédente, une bande avait refusé de s'allier à celle du Lac-de-l'Île. Le gouvernement accepta de lui conférer un statut distinct et le 9 juin, le chef Robert Fiddler accepta officiellement le traité no. 5 au nom de sa bande. Semmens poursuivit sa route vers le Nord et atteignit Fort Churchill à la fin de juillet. Le 1er août, l'adhésion était signée. L'expédition partit ensuite pour York Factory, où le 10 août 1910, le chef Charles Wastasekoot et deux conseillers, Robert et Sandy Beardy, acceptèrent d'adhérer au traité no. 5. Le document accepté par les trois bandes était conforme à l'adhésion offerte aux autres bandes vivant au nord des limites du traité initial, et comprenait une gratification de cinq dollars versée "une fois pour toutes" au moment de la signature. Note de bas de page 79
La plupart des bandes avaient demandé des réserves au cours des négociations, mais aucun arpenteur ne fut envoyé dans le Nord avant 1913. Cette année-là, D.F. Robertson et l'arpenteur des terres du Canada fut désigné pour aller délimiter les réserves au Lac-de-Dieu, au Lac-de-l'Île, à Deer Lake, au lac Split, à Nelson House, à Oxford House, à Churchill et à York Factory. Note de bas de page 80
Le voyage de négociation entrepris en 1910 par le commissaire John Semmens marqua l'étape finale de l'expansion du traité no. 5. Ce qui au départ avait été un modeste traité destiné aux Autochtones habitant les rives du lac Winnipeg et en bas de la rivière Saskatchewan, s'étendait maintenant de la frontière de la Saskatchewan, à l'ouest, jusqu'à la baie d'Hudson et la bordure du traité no. 9 à l'est, et des limites des traités un, deux trois et quatre au sud jusqu'au 60e parallèle au nord. Étant donné qu'une faible partie de la Saskatchewan à l'ouest du Pas et une partie du nord-ouest de l'Ontario étaient également englobés, le territoire du traité no. 5 se trouvait dans trois provinces; au total, quelque 350 000 kilomètres carrés étaient maintenant assujettis aux clauses du traité.
Le processus final d'adhésion avait en fait comporté peu de négociations. Comme ce fut le cas pour les traités 8, 10, et 11, ces adhésions furent offertes parce qu'elles convenaient au gouvernement et aux Blancs. Ainsi, le projet de chemin de fer de la baie d'Hudson appelait le développement immédiat de la région et le gouvernement agit avec une célérité qu'il lui était peu commune afin d'obtenir les terres de la région visée. Il ne fait guère de doute que les Autochtones désiraient conclure un traité. Ils observèrent anxieusement les activités des arpenteurs, se demandant ce qu'il adviendrait de leur région. Les bandes du Nord savaient comment les choses s'étaient passées chez les autres bandes d'Indiens de l'Ouest qui avaient conclu un traité et plaçaient un certain espoir dans les indemnités et les promesses d'aide en matière d'économie, d'éducation et de soins médicaux. En parcourant la région dans tous les sens, pour expliquer les intentions du gouvernement et obtenir l'acceptation des bandes, John Semmens avait en fait réduit le champ des négociations. Il avait explicitement reçu l'ordre de ne faire aucune promesse non convenue et par conséquent n'avait guère à offrir aux Autochtones, à part les clauses fondamentales du traité.
Le scénario était bien connu. À l'instar de ce qui s'était produit ailleurs dans le Nord, le traité arrivait après de nombreuses années d'attente, mais au moment et selon les conditions déterminées par le gouvernement. Les dirigeants autochtones s'opposèrent à certaines mesures et obtinrent quelques concessions. La bande de Sucker Lake (habitant à Reindeer Lake ou Deer's Lake East) réussit à convaincre Semmens de ne pas l'incorporer dans la bande, plus importante, du Lac-de-l'Île et à obtenir un statut indépendant. De même, les protestations incessantes de la bande de Nelson House amenèrent le gouvernement à lui offrir un paiement additionnel, lui garantissant ainsi la même indemnité qu'aux signataires précédents. Le gouvernement retint la leçon, et au moment de négocier d'autres adhésions il offrit d'emblée l'indemnité de cinq dollars. Ces légères modifications mises à part, le gouvernement fédéral détermina clairement le programme d'expansion vers le nord du traité no. 5.
Conclusion
En 1910, la limite définitive du traité no. 5 avait été fixée; le règlement du long conflit frontalier entre le Manitoba et l'Ontario avait laissé plusieurs territoires de ce traité et du traité no. 9 à cheval sur la frontière. L'attribution des réserves et les listes d'indemnisation, dressées à la hâte, devaient susciter des débats, comme ce fut le cas pour les autres traités conclus dans le Nord.
Dès le départ, le traité no. 5 se démarqua des autres accords territoriaux contractés dans l'ouest des Prairies. Le gouvernement n'avait d'abord guère paru intéressé à s'approprier les terres agricoles marginales longeant les rives du lac Winnipeg. Prévoyant que la région devrait être facilement accessible, surtout tant que le chemin de fer transcontinental ne serait pas terminé, et craignant d'importants mouvements de bandes des régions nordiques vers les terres agricoles plus au sud, le gouvernement se sentit suffisamment justifié d'entamer les négociations. L'expansion des limites du traité de manière à englober les bandes de la région du Pas montra clairement qu'il souhaitait prendre le contrôle des voies navigables vers l'Ouest.
L'idée de conclure ce traité revient toutefois surtout aux Autochtones. Ainsi que le faisait récemment remarquer l'historien Gerald Friesen, "s'il l'un des traités des Prairies se démarque des autres, c'est probablement le traité no. 5. Bien que le futur essor économique de la région ait incité le gouvernement à négocier ce traité, le besoin urgent des Indiens mêmes est l'un des facteurs qui en précipita la conclusion." Note de bas de page 81 Toutefois, si les démarches entreprises par les Autochtones ont peut-être aidé le processus à démarrer, c'est le ministère des Affaires indiennes qui a déterminé la suite des événements. L'expérience du traité no. 5 illustre également les limites très strictes qu'imposa le gouvernement à l'acceptation des demandes des Autochtones. Ceux qui habitaient au nord des limites préliminaires du traité demandèrent à de nombreuses reprises à y adhérer. Le gouvernement refusa, du moins jusqu'au début du siècle, lorsque le projet de construction du chemin de fer de la baie d'Hudson le convainquit d'accéder à leurs demandes.
Le traité no. 5 comportait au départ des éléments des autres traités contractés dans le Nord, lesquels étaient caractérisés par le peu d'attention porté aux besoins des Autochtones et l'insistance sur l'acquisition de contrôle des terres en vue de leur éventuelle exploitation. Ainsi, il ne réservait que 160 acres de terre pour chaque famille de cinq soit un écart important par rapport aux 640 acres par famille couramment attribuées dans les Prairies. Note de bas de page 82 La gratification de cinq dollars était également de beaucoup inférieure à celle qui avait été offerte aux signataires des traités trois et quatre. Cette réduction des avantages tenait au fait que le gouvernement croyait les terres du traité no. 5 peu susceptibles d'être colonisées ou exploitées et qu'il estimait que les autochtones n'en n'auraient pas besoin pour leurs propres fermes, d'où l'apparente justification de réserves plus petites. Lorsque des adhésions furent ajoutées entre 1908 et 1910, le processus de négociation favorisa nettement le gouvernement et laissa peu de place aux interventions des Autochtones. De 1899, année de la signature du traité no. 8, à 1921, année où les Dénés du fleuve Mackenzie adhérèrent au traité no. 11, les traités conclus dans le Nord servirent très bien les intérêts du gouvernement. Ce dernier s'appropria de vastes bandes de terre pour un prix minime, et les petites réserves attribuées aux Autochtones ne menacèrent guère les projets d'exploitation contemporains ou futurs des hommes blancs.
Une question embrouille l'étude du processus de conclusion des traités au Canada, à savoir : les Autochtones se rendaient-ils compte qu'ils renonçaient à la souveraineté sur les terres lorsqu'ils signèrent les traités? Les difficultés rencontrées à Grand Rapides en 1876 et les problèmes qui surgirent par la suite lorsque les réserves furent arpentées laissent croire à une grande confusion de la part des signataires du traité no. 5 quant à l'intention originale des accords. Les autochtones demandèrent avec insistance à contracter des traités et se rendirent assurément compte que certains éléments de ces traités présentaient pour eux des avantages directs et immédiats. Les commissaires rapportèrent qu'ils avaient décrit exhaustivement les aspects juridiques et territoriaux des traités et que les Autochtones avaient accepté les clauses telles qu'elles leur avaient été exposées. En toute équipé, la réponse se trouve sans doute quelque part entre ces deux options. Les Autochtones savaient qu'ils concluaient un contrat exécutoire, un contrat qui selon eux supposait un engagement de la part du gouvernement fédéral à assurer leur bien-être si leurs sources habituelles d'emploi et de subsistance venaient à leur manquer. Gerald Friesen décrit ainsi le processus :
Le gouvernement avait acquis la propriété des terres, selon son interprétation de la loi, et les Indiens avaient obtenu la reconnaissance de leurs besoins et une certaine protection contre l'afflux inévitable des colons canadiens. En renonçant à leur souveraineté, les Indiens avaient noué des liens directs et permanents avec la Couronne qui, estimaient-ils, leur serviraient en cas de conflits avec les administrateurs locaux. Note de bas de page 83
Les Autochtones et le gouvernement fédéral ne poursuivaient pas les mêmes objectifs lorsqu'ils entamèrent la négociation des traités et le fait qu'ils en aient tiré des avantages différents n'a rien d'étonnant. Le gouvernement acquit un territoire immense pour un prix dérisoire, même selon les normes du dix-neuvième siècle, ce qui lui permit de planifier l'expansion ordonné de l'Ouest et du Nord. Les autochtones perdirent le contrôle de ce territoire - bien qu'on s'affronte encore sur la question de savoir s'ils avaient ou non le sens de la propriété privée - mais la protection qu'ils croyaient avoir gagnée revêtait pour eux une très grande valeur. Note de bas de page 84
Pendant le dernier quart du dix-neuvième siècle, les Autochtones de l'Ouest canadien savaient fort bien quels changements rapides leurs terres étaient en train de subir. Même s'ils chérissaient leur mode de vie, ils ne se cachaient pas qu'il leur fallait s'adapter à la colonisation par les Blancs et à la restructuration économique. Ils voyaient dans les traités le moyen de survivre aux bouleversements anticipés. On peut donc concevoir que les autochtones et le gouvernement fédéral aient pu s'entendre sur un même document, tout en poursuivant des buts différents. On pourrait comparer cette situation à celle du commerce des fourrures, dont une analyse a récemment conclu qu'Autochtones et commerçants y trouvaient tous deux leur compte, bien que de manière différente. Note de bas de page 85
Ces divergences dans les attentes semblent être à la base des difficultés que suscitèrent par la suite le traité no. 5 et les autres traités conclus dans l'Ouest et dans le Nord. Les autochtones croyaient aux promesses, qu'elles aient été mentionnées explicitement dans les traités ou formulées par les commissaires lorsqu'ils prononçaient leurs discours éloquents et persuasifs. L'engagement du gouvernement s'avéra plus modeste qu'il n'était apparu au moment de la conclusion du traité, particulièrement en ce qui concerne les Autochtones des districts non agricoles du Nord que les Blancs n'exploitèrent qu'après de nombreuses années. Lorsque des bouleversements survinrent en raison de l'arpentage du chemin de fer, des travaux de construction, de l'ouverture d'une mine ou d'un camp de bûcherons ou de la "ruée vers les terres vierges", les Autochtones comptèrent sur l'aide du gouvernement, laquelle n'arriva pas toujours avec la rapidité et l'ampleur qu'on leur avait laissé entendre. Le gouvernement attribua sa relative inaction à des engagements plus urgents dans le Sud et à son hésitation à intervenir dans des zones où la chasse et le piégeage étaient encore économiquement viables. Dans de tels districts, le gouvernement n'intervint pleinement qu'après la Seconde Guerre mondiale, à une époque où les relations avec les Autochtones n'étaient plus du tout ce qu'elles avaient été au moment de la signature des traités. Note de bas de page 86
Le traité no. 5 chevauche deux étapes différentes de la négociation des traités dans l'Ouest canadien - celle des premiers traités avec les Indiens des plaines et celle des derniers traités, conclus avec les Autochtones du Nord. La négociation de l'accord initial et les adhésions subséquentes reflètent les changements qui intervinrent dans les priorités gouvernementales au cours des vingt-cinq dernières années du dix-neuvième siècle et la volonté inébranlable des Autochtones de se prévaloir des garanties et de l'aide que semblait leur offrir un traité fédéral. Comme ailleurs dans l'Ouest et dans le Nord, les autochtones défendirent leurs intérêts et firent modifier l'accord dans la mesure où ils le purent. Le gouvernement, cependant, demeura inflexible face à la forte opposition soulevée et maintint son programme. Finalement, le traité no. 5 fut essentiellement le traité du gouvernement, rédigé en conformité des priorités de ce dernier, et offrant aux signataires autochtones le strict minimum. Pour leur part, les Autochtones acceptèrent l'accord, accueillant avec joie les gratifications et indemnités et comptant sur l'aide promise par le gouvernement en cette période de changements.
Par la suite, le traité no. 5 a parfois prêté à controverse. Des questions telles que l'attribution des réserves, les listes de membres, les droits de chasse et de piégeage et, beaucoup plus tard, l'inondation des terres des autochtones à la suite de l'établissement d'un réseau hydro-électrique provincial, montrèrent que la signature de traités ne mit pas un terme aux engagements du gouvernement à l'endroit des Autochtones du lac Winnipeg et du nord du 60e parallèle. Au contraire, l'acceptation de ces traités enferma le gouvernement et les autochtones dans une relation permanente dont les modalités étaient fixées par les clauses desdits traités. À ce titre, les origines et la négociation du traité no. 5 et des adhésions nous permettent de nous situer et de comprendre l'histoire des rapports entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada.
Bibliographie
Principales sources
La plupart des documents dont s'inspire cette monographie proviennent des dossiers du ministère des Affaires indiennes qui constituent le fonds d'archives no. 10 (RG 10) des Archives nationales du Canada. Ils se trouvent également sur microfilm à la bibliothèque des Affaires indiennes et du Nord Canada. Ces dossiers sont énumérés ci-dessous et portent la mention ANC, RG 10. Le dossier qui termine cette liste porte la mention MAINC et est toujours actif.
ANC, RG 10, vol. 3561, dossier 81, partie 31ANC, RG 10, vol. 3564, dossier 82, partie 27
ANC, RG 10, vol. 3609, dossier 3230
ANC, RG 10, vol. 3613, dossier 4060
ANC, RG 10, vol. 3650, dossier 8474
ANC, RG 10, vol. 3657, dossier 9340
ANC, RG 10, vol. 3677, dossier 11 528
ANC, RG 10, vol. 3693, dossier 14 421
ANC, RG 10, vol. 3700, dossier 17 027
ANC, RG 10, vol. 3729, dossier 26 114
ANC, RG 10, vol. 3737, dossier 27 846
ANC, RG 10, vol. 3767, dossier 33 153
ANC, RG 10, vol. 4009, dossier 249 462-1
ANC, RG 10, vol. 4063, dossier 406 698
ANC, RG 10, vol. 4064, dossier 407 313
ANC, RG 10, vol. 4065, dossiers 412 786-1 et 412 786-2
MAINC, dossier 1/1-11-2
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