Rapport de recherches sur les traités - Traité no 3 (1873)
par Wayne E. Daugherty, Centre de la recherche historique et de l'étude des traités, Affaires indiennes et du Nord Canada, 1986
Format PDF (234 Ko, 74 pages)
Les opinions présentés par l'auteur de ce rapport ne sont pas forcement ceux du Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.
Table of contents
Historique
En 1869, le Canada acquiert les droits de la Compagnie de la baie d'Hudson sur le Territoire du Nord-Ouest et la Terre de Rupert. Il s'agit là du premier pas vers la réalisation du rêve de la Confédération, à savoir celui d'une nation transcontinentale. Trois réalités politiques sous-tendent cette vision. D'abord, le retrait d'Amérique du Nord des Britanniques désireux de laisser à d'autres le coût de leurs obligations territoriales. Les hommes politiques de la Grande-Bretagne et du Canada étaient d'avis que si ce dernier prenait en charge les territoires britanniques et s'établissait de l'Altantique au Pacifique, le pays aurait une meilleure chance de survie. Note de bas de page 1 La deuxième réalité, qui est simplement l'autre côté de la médaille, est l'émergence de la menace d'expansion de la frontière américaine que rendent encore plus dangereuse la doctrine de la "destinée manifeste" (Manifest Destiny) et la mentalité expansionniste qui marque l'administration du président Ulysses S. Grant après la guerre de Sécession. Note de bas de page 2 Les conditions posées par la Colombie-Britannique pour son entrée dans la Confédération, dont la demande d'un chemin de fer transcontinental, constituent la troisième réalité. Note de bas de page 3 Pour résoudre ces problèmes et se préparer à la colonisation, le Canada devait s'établir dans les nouveaux territoires, s'entendre avec les Métis et traiter avec les Indiens qui occupaient les terres.
La préoccupation immédiate du gouvernement canadien est toutefois d'assurer une voie de communication vers les nouveaux territoires. À cette fin, le gouvernement décide de rétablir ce qui était essentiellement l'ancienne route qu'empruntaient les canots aux fins du commerce des fourrures pour la défunte Compagnie du Nord-Ouest. Le plan consistait à construire une route de 90 milles (145 kilomètres) de Lower Fort Garry vers le lac des Bois à l'est, et une autre de 40 milles (64,5 kilomètres) de Thunder Bay au lac Shebandowan. Les lacs et les rivières qui sillonnent le territoire entre les extrémités de ces deux routes seraient transformés en voie navigable grâce à la construction d'écluses et de barrages. Note de bas de page 4 Une fois terminée, cette route permettrait aux voyageurs de se rendre à la colonie de la Rivière-Rouge sans passer sur le territoire américain. La presque totalité de ce réseau de routes et voie navigable ainsi que le parcours de toute voie ferrée transcontinentale future traversait le territoire appartenant à la tribu des Saulteux de la nation des Ojibeways.
Les Saulteux étaient l'une des quatre tribus de la nation des Ojibeways, les autres étant les Potawatomi, les Ottawa et les Mississauga. La frontière canado-américaine divisait le territoire des Saulteux dont le gros de la population habitait aux États-Unis. Le territoire des Saulteux du Canada s'étendait à l'est du lac Supérieur aux limites des Prairies, au sud, jusqu'à la rivière à la Pluie et au lac des Bois le long de la frontière canado-américaine, et au nord, jusqu'à la hauteur des terres d'où les cours d'eau se dirigent vers la baie d'Hudson. Note de bas de page 5
Les Saulteux étaient un peuple semi-nomade. En hiver, ils se dispersaient en petits groupes familiaux pour chasser l'original. L'été, ils se regroupaient le long des lacs et des rivières où ils chassaient le castor et le petit gibier, pêchaient le brochet et organisaient des festins et des jeux. En automne, ils pêchaient la truite et l'esturgeon. Ils cueillaient aussi et emmagasinaient le riz sauvage qui poussait dans les bas-fonds des lacs et constituait une importante source de nourriture en hiver. Note de bas de page 6 Ils s'adonnaient au commerce des fourrures et travaillaient parfois comme "voyageurs". Note de bas de page 7 Les Saulteux étaient considérés par les observateurs de l'époque comme un peuple à ne pas traiter à la légère. Note de bas de page 8
En 1869, le ministère des Travaux publics entreprenait la construction du réseau de routes et voie navigable. L'ingénieur responsable du projet était Simon J. Dawson. Note de bas de page 9 Dawson connaissait bien l'Ouest, ayant participé aux expéditions des explorateurs Hind et Youle dans les années 1850. Note de bas de page 10 Perspicace sur le plan politique, il s'inquiétait de l'agitation des Métis de la colonie de la Rivière-Rouge qui finit par empêcher William McDougall de prendre son poste de lieutenant-gouverneur.
Constatant sans aucun doute les conséquences politiques, militaires et stratégiques possibles de la rébellion des Métis, Dawson envoya une note à Ottawa en décembre 1869 dans laquelle il s'inquiétait du fait que les Métis de la Rivière-Rouge puissent essayer d'agiter les hostilités entre les Saulteux et le gouvernement. Note de bas de page 11 Il fait remarquer que les Indiens se sont montrés jusqu'à maintenant amicaux et prêts à négocier un droit de passage sur leur territoire, et il proposa d'envoyer Robert Pither, ancien employé de la Compagnie de la Baie d'Hudson, auprès des Saulteux afin de veiller à ce que ces derniers demeurent bien disposés à l'égard du gouvernement. Note de bas de page 12 Pither avait passé beaucoup de temps avec les Saulteux et les connaissait bien. Dawson suggéra, de plus, d'envoyer des commissaires négocier un traité avec les Saulteux l'été suivant. Note de bas de page 13
Au tout début de l'année 1870, Dawson a reçu l'approbation de Joseph Howe, Secrétaire d'État aux provinces, de désigner Pither comme agent auprès des Indiens. Note de bas de page 14 Dawson a écrit alors à Pither pour l'informer de sa nomination et l'autoriser à s'adjoindre un Métis nommé Chatelain. Dawson a expliqué à Pither que sa tâche consistera à créer et maintenir des relations avec les Indiens qui visitaient cet endroit (Fort Frances) de façon que les Indiens et le gouvernement continuent de bien s'entendre. Note de bas de page 15 Dawson ajouta qu'un traité sera probablement conclu avec les Saulteux au début de l'été, bien qu'on ne sache pas clairement s'il fondait sa déclaration sur des renseignements officiels ou sur de simples suppositions. Il a demandé à Pither de voir ce que les Indiens désiraient en termes de traité et de les assurer qu'on traitera avec eux avec justice et générosité. Note de bas de page 16
Avant de partir pour Fort Frances, Pither a écrit à Dawson qu'il fera son possible pour savoir ce que les chefs des Saulteux désiraient et qu'il leur fera voir les avantages qu'ils retireraient d'un traité, bien que ces avantages n'aient été indiqués d'aucune part. Note de bas de page 17 Pither écrit également qu'il est important qu'il sache avant l'ouverture de la navigation la date d'arrivée d'un commissaire chargé de conclure un traité parce que après le 1er juillet, les Indiens, à l'exception de quelques traînards, partent pour leurs terrains de chasse d'été. Note de bas de page 18 Pither a reçu une réponse à sa demande en mars, soit un mois après son arrivée à Fort Frances. La réponse est venue directement du Secrétaire d'État Howe indiquant qu'un commissaire sera sur place pour traiter avec les Saulteux au plus tard le 20 juin. Note de bas de page 19
Entre temps, la rébellion naissante des Métis à la Rivière-Rouge retenait l'attention du gouvernement. Dans un effort pour en arriver à un règlement politique, le Parlement a adopté l'Acte du Manitoba en vertu duquel la colonie de la Rivière-Rouge devient la province du Manitoba. Les terres situées à l'extérieur des limites de la province ont reçu le statut de territoire. Adams G. Archibald a été nommé lieutenant-gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest. Note de bas de page 20 On espérait apaiser les craintes des Métis en faisant de la colonie de la Rivière-Rouge une province dotée d'un gouvernement pour la représenter.
Le gouvernement faisait aussi face à la situation en organisant une expédition militaire à la Rivière-Rouge pour établir la souveraineté du Canada. Comme les troupes devaient traverser le territoire des Saulteux pour se rendre à la colonie de la Rivière-Rouge, il importait qu'elles puissent le faire sans risque d'accrochage. Un certain capitaine Huyshe qui participa à l'expédition soulignait l'importance de ce fait:
il est certain qu'une centaine d'hommes déterminés auraient pu, avec une relative impunité, infliger des pertes considérables aux troupes, parce que, connaissant parfaitement le vaste réseau de lacs, ils auraient pu faire feu sur les embarcations dans les chenaux étroits, ou obstruer les portages, ou causer beaucoup d'ennuis de diverses façons, et qu'il aurait été pure folie d'essayer de les poursuivre à travers bois et lacs. Note de bas de page 21*
À la lumière de cet avis, le Secrétaire d'État Howe a télégraphié à Wemyss M. Simpson, député d'Algoma, le 17 mai 1870, pour l'aviser qu'il avait été chargé d'obtenir un droit de passage pour l'expédition. Note de bas de page 22 Voici la teneur des instructions de Howe:
J'ai l'honneur de vous informer que Son Excellence le Gouverneur-général désire se prévaloir de votre connaissance des Indiens et de votre expérience auprès d'eux afin d'aider le gouvernement à obtenir des Indiens un droit de passage pour les troupes qui seront bientôt envoyées de Fort William à Fort Garry... Vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour favoriser et renforcer la disposition favorable des Indiens à notre égard, calmer toutes inquiétudes qu'ils peuvent entretenir et prendre les mesures appropriées pour faciliter autant que possible le passage des troupes et des équipes d'arpentage pouvant être envoyées à la colonie. Note de bas de page 23
Il est important de noter que ces instructions ne faisaient pas mention d'un traité. Simpson n'était pas autorisé à signer de traité et n'avait d'autre mandat que d'assurer un passage à la force expéditionnaire. Il semble que si le gouvernement avait eu l'intention de signer un traité avec les Saulteux, comme l'indiquait Howe dans sa lettre à Pither en mars, ces intentions ont été supplantées par la crise à la colonie de la Rivière-Rouge. Simpson est parti le 23 mai et arrive à Fort Frances le 7 juin où il attendait l'arrivée des Indiens. Note de bas de page 24 L'attitude de Simpson à l'égard des Indiens avec lesquels il devait traiter était, pour le moins, partiale comme en témoigne son rapport ultérieur. Il indiqua que les Saulteux n'avaient pas changé depuis qu'il avait parcouru leur territoire en 1843. Il remarqua, avec un dégoût évident, qu'ils avaient refusé le christianisme, qu'ils avaient des habitudes extrêmement répugnantes et que, comme tous les Indiens, ils étaient incapables de gratitude. Note de bas de page 25 Cependant, parfaitement conscient du pouvoir naissant des Saulteux, Simpson a donné l'avertissement suivant :
Si ces gens sont provoqués ou mal utilisés, ils deviendront une entrave des plus sérieuses à la colonisation du Nord-Ouest; seuls les groupes très bien armés pourront alors traverser leurs terres. Note de bas de page 26
Le 19 juin, environ 1 500 Saulteux étaient sur place et Simpson nota que près de 600 d'entre eux étaient des Indiens américains. Note de bas de page 27 Le lendemain, Simpson s'est adressé aux Indiens. Il leur a dit que les troupes allaient bientôt traverser leur territoire et qu'il espérerait que les Indiens les laisseraient passer. Il a dit que les Indiens n'avaient rien à craindre des soldats, et il proposa d'employer certains d'entre eux comme guides et travailleurs au profit de l'expédition. Les Indiens ont refusé toutefois l'offre d'emploi, refus que Simpson explique ainsi :
Les Métis et les Indiens de la Rivière-Rouge ont dit aux Saulteux que les troupes se rendaient à la colonie pour s'emparer de leurs terres, et ont conseillé aux Indiens du lac à la Pluie de ne pas aider les soldats, de ne pas conclure de traité ni recevoir de présents cette année. Note de bas de page 28
Le grand chef des Saulteux a répondu à Simpson que les Indiens n'avaient pas l'intention d'empêcher les troupes de passer. Il souligna cependant que si Dawson allait construire des routes sur leur territoire, les Indiens s'attendaient à être payés en retour du droit de passage. Le chef a présenté ses conditions et a déclaré que les Saulteux s'étaient convenu de dix dollars par homme, femme et enfant à être versés "aussi longtemps que le soleil brillera." Note de bas de page 29 Les Indiens voulaient en outre de la farine, du porc, du thé et du tabac pour festoyer à chaque paiement annuel. Le chef déclara aussi:
que nous nous attendons à ce qu'une réponse à notre demande parvienne à M. Pither au cours de l'hiver afin que nous puissions savoir comment agir et quand nous rassembler pour le paiement. En échange de cela, nous sommes prêts à donner aux sujets de Sa Majesté le droit de passer sur nos terres, de construire et de naviguer des navires à vapeur, de construire des chenaux et des voies ferrées, et de prendre les terres nécessaires pour y construire les édifices destinés au gouvernement, mais nous ne permettrons pas aux colons de s'établir sur nos terres. Nous voulons voir comment les Indiens de la Rivière-Rouge seront établis et si les soldats s'empareront de leurs terres - nous n'accepterons pas vos présents car ils sont un appât et si nous les acceptons, vous direz que nous sommes liés à vous. Note de bas de page 30
Simpson a répondu que les demandes des Saulteux étaient excessives et que le gouvernement n'y consentirait pas. Il déclara :
que je considère amplement suffisant de payer pour leurs terres et qu'il n'y a en tout que 800 à 900 Indiens qui seraient payés pour le droit de passage de Shebandowan à l'angle nord-ouest du lac des Bois. Que je sais que le gouvernement américain a payé la bande de l'autre côté de la rivière pour la totalité de ses terres, que le traité est d'une durée de 32 ans dont 16 sont déjà écoulés et que des montants de 6 000 $ en nature et 4 000 $ comptant ont été payés - cependant, malgré tout, je dirais que les Indiens semblent croire que le gouvernement fera comme ils le désirent et ont déclaré que le conseil est maintenant terminé et qu'ils n'ajouteront pas un mot sur la question d'ici à ce qu'ils aient une réponse du gouvernement. Note de bas de page 31
Bien que la formulation de cette partie du rapport du Simpson soit loin d'être concise, ce dernier semblait dire que le montant demandé par les Indiens était plus que suffisant pour acquérir le droit à toutes leurs terres. Lorsqu'il parla du règlement intervenu entre les États-Unis et les Saulteux au sud de la frontière, Simpson soulignait que le traité englobait tout le territoire indien, et que ces derniers n'en tireraient profit que pendant 32 ans dont 16 étaient déjà écoulés. En faisant cette observation, Simpson laissait entendre que les Saulteux du Canada ne pouvaient s'attendre à une entente semblable en perpétuité pour un simple droit de passage. Note de bas de page 32
Simpson blâma Dawson pour les demandes des Indiens qu'il jugeait trop excessives. Il a constaté que Dawson avait conclu une entente avec un petit chef des Saulteux nommé Blackstone à Thunder Bay, peu de temps auparavant. Il semble que Dawson aurait offert à Blackstone de la farine, du porc, du thé, du tabac et des vêtements, et qu'il lui aurait demandé en retour de laisser passer les troupes sur le territoire des Saulteux. Simpson croyait que cette initiative avait été fort nuisible parce que les Indiens de Fort Frances s'attendaient à être traités de la même façon. Note de bas de page 33 L'échange conclu par Dawson peut aussi expliquer le fait que dans certains récits, on rapporte que Simpson avait obtenu un droit de passage pour la force expéditionnaire en échange de quelques barils de farine et de porc. En fait, les Saulteux avec qui Simpson avait négocié à Fort Frances n'avaient rien accepté, ne voulant pas se compromettre. Note de bas de page 34
Les délibérations révèlent toutefois la conception que se faisaient les Indiens d'un traité. Les Saulteux étaient bien prêts à signer une entente donnant un droit de passage sur leur territoire et permettant au gouvernement d'entreprendre certaines activités pour lesquelles ils seraient dédommagés. Ainsi, selon eux, un traité devait renfermer les points particuliers qu'ils étaient prêts à concéder. Le fait qu'ils déclaraient catégoriquement qu'ils "ne permettront pas aux colons de s'établir sur leurs terres" indique clairement qu'ils n'étaient pas prêts à céder leur droit à leurs terres. À cet égard, ils pouvaient avoir été influencés par le cas de leurs frères au sud de la frontière. La mission de Simpson, qui consistait d'assurer un passage sûr à la force expéditionnaire, a été essentiellement un succès qui ne lui est pas entièrement attribuable puisque les Saulteux avaient indiqué au début de la conférence qu'ils n'avaient pas l'intention d'entraver l'avance des troupes de toute façon.
En septembre 1870, Howe a écrit au lieutenant-gouverneur Archibald au Manitoba pour lui demander un compte rendu sur les questions concernant les revendications des Indiens dont parlait M. Simpson dans son rapport. Note de bas de page 35 Archibald a répondu en relatant son expérience avec les Indiens à Lower Fort Garry et en expliquant qu'il avait reporté au printemps les négociations en vue d'un traité afin d'avoir le temps de se familiariser avec les complexités des revendications des Indiens. Note de bas de page 36 Il se disait aussi d'avis que le gouvernement pouvait se permettre d'être généreux avec les Indiens des Prairies parce que le potentiel agricole de leurs terres permettrait au gouvernement de recouvrer ses coûts auprès des immigrants qui viendraient s'installer. Note de bas de page 37
Par contre, Archibald croyait qu'un traité avec les Saulteux du lac des Bois devait être considéré par rapport à la route et à la qualité de la terre qui, à son avis, était extrêmement pauvre et ne pouvait, par conséquent, subvenir aux besoins d'une forte population agricole. Note de bas de page 38 Il ne croyait pas non plus que la foresterie était un élément essentiel puisque les arbres étaient petits et de mauvaise qualité. Il a conclu que :
Dans la mesure donc où la question de la valeur des revendications des Indiens dépend de la nature du sol entre l'angle nord-ouest du lac des Bois et la rive est du lac Shebandowan, je n'envisagerais pas d'avoir la pleine propriété du pays au complet, à des fins agricoles, avec tout juste 100 acres de prairies de la rivière Rouge. Note de bas de page 39
Simpson partageait aussi cette opinion et déclara qu'il n'y avait pas suffisamment de bonnes terres agricoles pour constituer un canton. Note de bas de page 40
En ce qui a trait à la route, Archibald croyait que l'annuité à verser aux Indiens pour un droit de passage devait dépendre de la valeur du réseau aux fins du commerce et des déplacements en général. À son avis toutefois, la route n'était pas réalisable en raison des nombreux portages qui coupaient la voie d'eau. Il nota qu'il y avait environ une vingtaine de portages et que même si ce nombre était réduit de moitié, avec tous les coûts élevés que cela comportait, la route ne constituerait pas encore un atout sur le plan commercial. Note de bas de page 41 Là encore, il était de l'avis de Simpson qui déclarait :
...Je pense que la route comme moyen de communication avec la Rivière-Rouge ne sera jamais utilisée. Les travaux qu'on y fait sont des plus difficiles et la route de Thunder Bay est à peu près ce qu'il y a de pire. La plupart des étendues d'eau sont si courtes et les transbordements seraient si fréquents qu'il ne sera jamais rentable d'emprunter cette route à destination de la Rivière-Rouge à des fins commerciales... Note de bas de page 42
Archibald a souligné également l'excellent réseau de voies ferrées et de voies navigables en territoire américain qui conduisait à la Rivière-Rouge, et qui constituait une concurrence sans égale sur le plan commercial tout en facilitant les déplacements. Jusqu'à la construction de la voie ferrée du Canadien Pacifique, les colons se rendaient dans l'Ouest canadien en empruntant les chemins de fer américains plutôt que la route Dawson comme on l'appela. Note de bas de page 43
Archibald reconnaissait toutefois l'importance d'une voie d'accès au Nord-Ouest entièrement en territoire canadien et admettait que la route était utile en situations d'urgence telles que celle qui avait nécessité le passage de la force expéditionnaire. Il conseilla donc que :
Jusqu'à ce qu'on conclue définitivement qu'il faut garder cette route, il serait préférable de traiter avec les Indiens sur le principe de la rétribution pour les dommages causés à leurs territoires de chasse et de pêche lorsque nos troupes les ont franchis récemment, laissant la possibilité de conclure une nouvelle entente en cas de nécessité.
L'idée de donner dix dollars par Indien par année en échange d'un droit de passage me semble absolument hors de question. Cette somme suffirait si les Indiens renonçaient à leurs droits sur l'ensemble du territoire. Versons le paiement une année seulement, en dédommagement des torts causés si exorbitant - bien que même à cet égard, ce soit assez considérable. Note de bas de page 44
Les remarques d'Archibald concernant la nature du pays, la viabilité de la route et la question d'une annuité en échange d'un droit de passage concordaient avec les opinions exprimées par Simpson dans son rapport. En fait, les deux rapports laissaient entendre qu'il serait plus économique d'acquérir l'ensemble du territoire plutôt que de payer un prix élevé pour un droit de passage. On y suggérait implicitement que l'acquisition de l'ensemble du territoire était la mesure que le gouvernement devait prendre, quoique la proposition d'Archibald fût quelque peu différente puisqu'il recommandait de payer une annuité pour une année seulement. Aucun de ces rapports ne tenait compte du point de vue des Indiens, si tant était que ce point de vue ait été bien compris, ou même évalué. Cependant, un troisième rapport a été présenté en décembre 1870 par S.J. Dawson du ministère des Travaux publics. Dawson, qui semblait mieux disposé à l'égard des Saulteux, a décrit le mode de vie des Indiens, leurs activités économiques, leurs habitudes politiques et sociales, et indiquait que les Indiens étaient encore intéressés à signer un traité :
À mon retour de la Rivière-Rouge l'automne dernier, j'ai eu plusieurs rencontres avec les chefs et les hommes marquants de la tribu au lac des Bois et à Fort Frances, et ces derniers se sont dits entièrement prêts à négocier avec le gouvernement du Dominion en vue d'un droit de passage ou de la cession de leurs terres, selon des conditions acceptées de part et d'autre. A Fort Frances, le grand chef qui exprimait sans aucun doute les sentiments de toute la tribu, puisque les Indiens avaient discuté entre eux des questions dont il traitait, a fait remarquer que les Indiens ne sont pas réticents à entamer des négociations avec le gouvernement du Dominion. Nous voulons, dit-il, tout ce que l'homme blanc a à donner, et l'homme blanc de son côté veut des routes et des terres; lorsque nous nous rencontrerons l'été prochain, vous devez être prêts à nous dire où vos routes passeront et quelles terres vous voulez. Note de bas de page 45
Les commentaires des Indiens rapportés par Dawson indiquaient clairement, malgré la mention de la cession de leurs terres, que les Saulteux entretenaient toujours les opinions qu'ils avaient présentées à Simpson. Bien que les Saulteux fussent évidemment désireux d'entamer des négociations, pour eux le mot traité signifiait encore une annuité en échange d'un droit de passage et de certaines parties de terres destinées à des fins particulières. Ne tenant pas compte du point de vue des Indiens ou le comprenant mal, Dawson recommanda que certaines terres soient réservés à l'usage exclusif des Saulteux où ils pourraient s'adonner à la pêche et à la culture; il ajouta cependant la réserve suivante : si le gouvernement avait besoin de ces terres à des fins publiques, il pourrait se les approprier. Note de bas de page 46 Nulle part Dawson n'a indiqué que les Indiens seraient dédommagés dans un tel cas. Une deuxième recommandation proposait que la terre cédée par les Saulteux soit mise en vente et que les profits de cette vente serviraient à créer un fonds à l'intention des Indiens. Ce système avait été utilisé dans l'Est du Canada et Dawson croyait que ce serait une bonne solution dans ce cas. Il constatait :
Qu'afin de constituer un fonds permettant de verser les rentes aux Indiens, de payer tous les coûts d'administration des Affaires indiennes et d'acquitter les paiements aux Indiens, on devrait délimiter certaines étendues de la vaste région qui constitue leurs territoires de chasse, et ces étendues deviendraient leurs terres et seraient administrées par le gouvernement, pour les Indiens et en leur nom; ces étendues devraient, dans une certaine mesure, se trouver en des endroits où les ressources naturelles offrent aux Indiens une possibilité raisonnable de devenir rapidement productifs. Ainsi, par exemple, plusieurs étendues (peut-être équivalentes à l'étendue habituelle des terres boisées) devraient être en bordure des affluents supérieurs de la rivière à l'Esturgeon, où on trouve en abondance du bois d'oeuvre de qualité; certaines étendues devraient être en bordure du lac à la Pluie, où on a de bonnes raisons de croire qu'il y a des minerais; enfin, il devrait y avoir une étendue de la longueur d'un canton ou deux en bordure de la rivière à la Pluie où il y a de bonnes terres agricoles. En choisissant les terres de cette façon, qui seraient administrées et vendues au profit des Indiens, le gouvernement pourrait rapidement disposer des fonds suffisants pour payer tous les frais inhérents aux Affaires indiennes sans devoir recourir à toute autre source de revenu. Note de bas de page 47
Dawson suggérerait en outre que les annuités soient payées sous forme de biens dont les Indiens pouvaient avoir besoin et a conclut, de façon optimiste et peut-être trompeuse, que si ces idées seraient appliquées, les Saulteux devraient en échange de ces réserves, paiements annuels ou cadeaux, et de l'administration générale de leurs affaires, céder au gouvernement tous les droits territoriaux qu'ils présumaient détenir. Note de bas de page 48
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure d'incidence ces rapports ont eu sur la politique subséquente du gouvernement, même si on en a une certaine idée en comparant leur teneur avec un rapport du Conseil privé dans le Rapport annuel de la Direction des Affaires indiennes du Secrétariat d'État des provinces, publié en 1871. Ce rapport, qui examinait les événements de 1870, déclara que :
En prévision du mouvement des troupes sur le territoire entre Thunder Bay et le Manitoba en 1870, des agents ont été employés pour visiter les tribus indiennes le long de l'itinéraire afin de se les concilier au moyen de présents et de les assurer que le gouvernement voulait seulement obtenir de façon pacifique un droit de passage pour ses troupes et les immigrants et qu'il était aussi prêt, à une saison appropriée, à dédommager les Indiens en échange de leur collaboration amicale, et de conclure par un traité la cession des terres qu'ils peuvent vouloir partages et que le gouvernement juge approprié d'acquérir sur le plan politique. Note de bas de page 49
Cette constatation n'était pas tout à fait exact. On se rappellera que lorsque Simpson avait rencontré les Saulteux à Fort Frances, ses instructions ne faisaient aucunement mention d'un traité. Toutefois, ce rapport peut nous donner une idée de l'intention du gouvernement avant que la rébellion à la Rivière-Rouge ne retienne son attention. Dans ce cas, on constaterait que le plan de dédommagement du gouvernement et ce qui semblait être un projet d'acquisition limitée de territoire aux fins du maintien de la route coïncidait tout à fait avec le point de vue des Saulteux.
Dans les premiers mois de 1871, il s'est produit toutefois un changement de politique gouvernementale comme en témoigne un décret du conseil daté du 25 avril. Note de bas de page 50 Le gouvernement désirait maintenant négocier la cession de tout le territoire des Saulteux. On peut donc supposer que ce changement d'orientation était en partie attribuable aux rapports présentés par les principaux agents sur le terrain, Simpson, Archibald et, en particulier, Dawson.
Entre temps, les Indiens continuaient de réclamer un traité. Dawson a écrit en février 1871 que les Saulteux s'étaient plaints à lui du manque de progrès et faisait remarquer qu'il serait malheureux que les Indiens aient des doléances réelles ou imaginaires à présenter. Note de bas de page 51 Il ajouta que la rareté du gibier plaçait les Indiens dans une situation difficile. Note de bas de page 52
En mars, le lieutenant-gouverneur Archibald a écrit à Howe pour l'informer de la situation. Il indiqua que son adjoint, un important commerçant métis, M. James McKay, revenait tout juste du lac des Bois où il avait engagé quelques Indiens pour travailler sur les routes. Il rapporta la préoccupation de McKay voulant que le gouvernement informe les Indiens de ses projets d'établissement d'une voie de communication par navire à vapeur et envoie un commissaire pour s'occuper des revendications des Saulteux. Note de bas de page 53 McKay croyait que sans cela, les Indiens empêcheraient les préposés au courrier et les voyageurs de franchir leur territoire. Compte tenu de la préoccupation de McKay, Archibald précisait qu'il avait autorisé ce dernier à dire aux Indiens qu'ils recevraient une réponse à leurs revendications au printemps. Note de bas de page 54 Ce faisant, Archibald devançait l'initiative suivante du gouvernement.
Le 5 mai, Wemyss Simpson a été nommé commissaire des Indiens avec le pouvoir de conclure des traités avec les Indiens du Nord-Ouest. Note de bas de page 55 Sa première tâche consistait de se rendre à Fort Frances pour négocier un traité avec les Saulteux des bois. Il était secondé dans cette tâche par S.J. Dawson et Robert Pither, nommés tous deux commissaires aux fins de ce traité. Le Secrétaire d'État, Joseph Howe, envoya les trois commissaires avec les instructions suivantes :
J'ai l'honneur de joindre un mandat portant le sceau de l'État vous autorisant à traiter conjointement avec les Saulteux et les Indiens du lac Seul de la nation des Ojibeways la cession de leurs terres au gouvernement. Note de bas de page 56
Cette déclaration montre jusqu'à quel point le gouvernement avait modifié son intention de n'acquérir que les terres que les Indiens étaient disposés à céder. Elle traduit peut-être aussi l'esprit des rapports que le gouvernement avait reçus au cours des derniers mois de 1870.
Howe continua que :
Ces terres sont censées couvrir l'étendue comprise entre la décharge du lac Supérieur, l'angle nord-ouest du lac des Bois, la frontière américaine et la hauteur des terres d'où les cours d'eau se dirigent vers la baie d'Hudson.
En voulant obtenir cette étendue de terre, le gouvernement veut permettre aux émigrants et aux habitants du Dominion en général d'emprunter en toute sécurité la route allant de Thunder Bay au Manitoba. Il veut également offrir à la colonisation toute portion de terre se trouvant dans cette étendue et susceptible d'être améliorée et occupée de manière profitable. Comme les opinions varient considérablement quant à l'importance des terres arables pouvant être sources de revenus, le gouvernement doit se fier en bonne partie sur votre jugement pour l'établissement du prix à verser. Les pouvoirs qui vous sont confiés sont larges et vous devriez vous en servir en songeant constamment à la responsabilité du gouvernement envers le parlement et le pays en ce qui a trait à l'utilisation judicieuse et économique des fonds et des biens qui vous sont confiés. Vous devriez donc assurer la cession des terres selon des conditions aussi favorables que possible pour le gouvernement, et ne pas verser la somme maximale fixée ci-après à moins qu'il ne soit impossible de faire autrement.
Le nombre d'Indiens qu'on présume habiter cette étendue de pays est estimé à environ 2 500, et le montant maximal que vous êtes autorisés à verser est de douze dollars par année pour une famille de cinq personnes; vous avez le pouvoir discrétionnaire d'ajouter de petites sommes lorsque les familles dépassent ce nombre. En fixant ce montant, vous ne devez pas perdre de vue le fait que cela constitue inévitablement un important précédent en matière d'ententes à conclure subséquemment avec les tribus plus à l'ouest. Note de bas de page 57
Simpson et les deux autres commissaires ont rencontré les Saulteux à la fin de juin à Fort Frances et au lac Shabandowan. Simpson a rapporté que les Indiens s'étaient réunis en grand nombre, ce qui permettait aux commissaires de leur expliquer l'intention du gouvernement d'acquérir leur droit sur l'ensemble du territoire. Mais, comme Simpson l'a fait remarquer, les Saulteux :
ont présenté des revendications concernant les promesses qui leur avaient été faites jusqu'ici pour un "droit de passage" sur leur territoire. Nous avons fait droit à ces revendications dans une certaine mesure et avons remis aux Indiens des présents sous forme de provisions et de vêtements; nous leur verserons également une petite somme d'argent et les Indiens comprennent parfaitement que ces présents et ces paiements répondent en même temps à toute revendication antérieure qu'ils ont pu faire ... Le gouvernement est ainsi, à l'heure actuelle, dégagé de toute revendication antérieure des Indiens, dans la partie du pays s'étendant entre la hauteur des terres et le lac des Bois. Note de bas de page 58
Vraisemblablement, Simpson parlait ici des présents qu'il avait apportés avec lui l'année précédente pour obtenir le droit de passage et que les Indiens avaient alors refusé d'accepter. Le paiement d'une somme d'argent semble être l'idée d'Archibald qui proposait que les Indiens soient dédommagés une fois seulement pour le passage de la force expéditionnaire.
Quant à la signature d'un traité avec les Saulteux pour la cession de leurs terres, Simpson s'échoua. La raison qu'il avançait pour expliquer son échec était la nécessité de donner aux Indiens le temps de considérer les conditions qu'on leur offraient. Note de bas de page 59 Comme il a été noté ailleurs, cette largesse, qu'il ne consentait pas aux Indiens de Lower Fort Garry lorsqu'il négocia les traités nos 1 et 2 le mois suivant, ne semble pas un argument particulièrement convaincant. Note de bas de page 60 Il est plus probable que les Saulteux s'en fussent tenus à leur position initiale de négociation et aient simplement refusé les conditions que leur proposaient les commissaires.
Simpson attribuait aussi son échec à l'apparition d'une maladie qui ressemblait à la scarlatine; pour empêcher la contagion, les Indiens s'étaient dispersés. Note de bas de page 61 Bien que déçu des résultats des négociations, Simpson se montrait optimiste à la fin de la rencontre puisqu'il avait finalement conclu une entente officieuse avec les Saulteux :
Les Indiens comprennent parfaitement la nouvelle position dans laquelle les place l'ouverture d'une voie de communication, et ils ont manifesté un ardent désir de concilier leurs points de vue et ceux du gouvernement; nous nous sommes séparés en convenant de nous rencontrer au début de l'été suivant, et nous leur avons dit que nous leur offrirons à ce moment-là des présents et que nous serons prêts à faire les paiements convenus. Note de bas de page 62
Ce point de vue est appuyé par Dawson qui écrivit en 1895 qu'un début de rougeole avait empêché la signature du traité, bien qu'il parlait de 1872 plutôt que de 1871. Note de bas de page 63
L'aspect le plus fascinant de cette déclaration, que Simpson n'avait pas expliqué, est l'allusion qu'il fait à la "nouvelle position" des Indiens qui devrait les disposer à signer un traité. Dawson nota cependant que la population indienne s'accroissait, ce qui exigerait davantage des ressources relativement statiques. Il constata que :
Les négociants conviennent tous de ce fait : le nombre de chasseurs a augmenté et, par conséquent, la quantité des fourrures a diminué. De petits négociants vont donc maintenant chez les Indiens et essaient d'avoir leurs fourrures sans leur donner une juste compensation. Comme la Compagnie de la Baie d'Hudson ne reçoit plus autant de fourrures qu'avant, elle ne peut pourvoir aux besoins des Indiens comme elle le faisait quand elle était la seule à faire le commerce des fourrures. Les Indiens sont maintenant plus mal vêtus que lorsque je les ai vus la première fois, il y a onze ans. Note de bas de page 64
Une autre interprétation possible de cette remarque, de nature quelque peu sinistre, est qu'avec l'amélioration des communications, les Saulteux devraient craindre la force militaire s'ils se montraient entêtés ou perturbateurs.
Il se peut aussi que Simpson ait eu simplement essayé de dissimuler les difficultés que pourraient comporter son échec à négocier un traité, et d'assurer le gouvernement qu'il avait réalisé suffisamment de progrès pour rendre sûre la route vers l'Ouest.
Il a déclaré en effet que :
Nous sommes heureux de dire que les Indiens ont manifesté une disposition fort amicale, et qu'ils voient passer les émigrants et d'autres voyageurs sur leurs territoires sans méfiance et même avec une satisfaction évidence; nous sommes persuadés que ces relations dureront si nous savons assurer une gestion prudente. Note de bas de page 65
Après ces rencontres avec les Saulteux à Fort Frances, Simpson s'est rendit à Lower Fort Garry où il participa avec le lieutenant-gouverneur Archibald aux négociations qui mèneraient à la signature des traités nos 1 et 2. Le traité avec les Saulteux des bois, qui devrait, selon les désirs du gouvernement, être le premier des traités numérotés, a été reporté à une autre année.
En juin 1872, Simpson et les commissaires Dawson et Pither ont rencontré de nouveau les Saulteux qui leur ont fait essuyer une autre rebuffade dans leurs efforts pour négocier un traité. Simpson a rapporté que les Indiens refusaient de discuter des dispositions du traité malgré l'entente à laquelle il croyait être arrivé avec eux l'année précédente. Après avoir vu leurs revendications satisfaites, les Saulteux faisaient maintenant de nouvelles demandes, plus extravagantes comme les qualifie Simpson, à titre de compensation pour les routes et le bois pris pour construire des navires à vapeur et des bâtiments. Note de bas de page 66 Ces demandes indiquaient clairement que le point de vue des Saulteux n'avait pas changé; pour eux, le mot traité signifie encore le versement d'une annuité et la restriction des activités du gouvernement à certains endroits particuliers.
La récente découverte de filons d'or et d'argent sur leur territoire avait également eu un effet négatif. Les Indiens prétendaient que ces précieux minerais valaient beaucoup plus que les trois dollars par tête qu'offrait Simpson. Le chef du territoire sur lequel les découvertes avaient été faites déclare catégoriquement qu'il empêcherait les prospecteurs d'entrer sur ses terres jusqu'à ce que les Indiens soient payés. Note de bas de page 67
Simpson rapporta que les nombreuses discussions qu'avaient eu lieu entre les diverses bandes des Saulteux avaient empêché de conclure toute entente que ce soit. En outre, un grand nombre de Saulteux des États-Unis ont participé à la rencontre et ces Indiens, comme l'indiquait Simpson, avaient signé un traité avec les États-Unis qui leur avaient versé des sommes beaucoup plus considérables que ce que Simpson pouvait offrir; les Saulteux américains n'avaient donc pas manqué de souligner la disparité existant entre eux et leurs frères canadiens. Même si Simpson proposait que le traité soit rétroactif à 1871, doublant ainsi le paiement, les Indiens refusaient de négocier. Note de bas de page 68
Évidemment inquiet de l'attitude quelque peu belliqueuse des Saulteux, Simpson recommandait qu'une force militaire soit postée à Fort Frances en déclarant que selon les trois commissaires, cette mesure s'imposait pour assurer la sécurité de la future colonie et des activités d'exploitation minière. Note de bas de page 69 Simpson termina son rapport sur une note pessimiste :
Nous nous sommes montrés généreux en provisions, tabac et autres et nous nous sommes quittés on bon terme en leur faisant bien comprendre que nous ne négocierons pas avec chacune des bandes, et que si d'autres propositions doivent être faites, nous convoquerons un grand conseil des chefs; nous croyons cependant que dans les circonstances actuelles, il ne résultera rien de bon d'autres conseils. Note de bas de page 70
Le gouvernement n'était toutefois pas aussi défaitiste et a persisté dans ses efforts pour conclure un traité avant la fin de 1872. Simpson a reçu l'ordre de tenter de nouveau de négocier et s'entend pour rencontrer les Indiens en octobre à Fort William. Note de bas de page 71 Afin de renforcer la position de négociation de Simpson, un décret du conseil en date du 16 octobre 1872 l'autorisait à offrir des salaires annuels de vingt-cinq dollars et quinze dollars aux chefs et hommes marquants respectivement. Note de bas de page 72 Cette décision découlait probablement de la comparaison peu flatteuse faite par les Indiens de l'offre antérieure de Simpson aux avantages qu'avaient reçus leurs frères américains à la signature du traité avec le gouvernement des États-Unis. Elle a aussi été prise à la suite des plaintes des chefs signataires des traités nos 1 et 2 qui soutenaient que leur annuités était trop faible, ce qui les plaçait au même niveau que les autres membres de leur tribu. Note de bas de page 73 On estimait que l'offre d'augmenter l'annuité versée aux chefs des Saulteux des bois ferait appel à la notion indienne de hiérarchie sociale et inciterait les chefs indiens à être bien disposés à l'égard du gouvernement. Note de bas de page 74
Cependant, le commissaire était incapable de soumettre sa dernière offre. Comme seulement quelques Indiens s'étaient présentés à Fort William, Simpson n'a pu organiser un grand conseil en raison de la saison avancée, et la négociation du traité est donc restée en suspens. Note de bas de page 75
Au moins de juin 1873, on tentait une fois de plus de négocier un traité avec les Saulteux des bois. Une certaine urgence se faisait sentir dans ce cas en raison des projets de construction de la voie ferrée du Canadien Pacifique. Le 17 juillet, Sir John A. Macdonald a télégraphié au lieutenant-gouverneur Alexander Morris, qui avait remplacé le lieutenant-gouverneur Archibald lorsque celui-ci a pris sa retraite, pour l'informer que la voie ferrée de Pembina à la rivière Rouge sera terminée dès le 31 décembre 1874, et la section entre le lac Supérieur et la Rivière-Rouge, le même jour de 1876. Note de bas de page 76 Comme cette dernière section devrait traverser le territoire qui appartenait encore aux Saulteux, il était impérieux de s'approprier cette étendue de pays. Il est assez bizarre de constater qu'il n'y a aucune mention dans la correspondance échangée ultérieurement entre Morris et le ministre de l'Intérieur, mais on peut croire que le projet de chemin de fer apparaît en arrière-plan comme un projet important, sinon de première importance.
Les agents sur place du gouvernement avaient à ce moment-là reconnu que les conditions présentées jusqu'à maintenant aux Indiens étaient inadéquates et devraient être modifiées. Dans un mémoire adressé au ministre des Travaux publics, Dawson a informé le gouvernement que s'il voulait réussir, il devrait autoriser le commissaire des Indians à faire une offre plus généreuse que part le passé. Il souligna que les Saulteux du côté américain de la frontière recevaient un paiement annuel de quatorze dollars par tête, consistant en quatre dollars en argent comptant et dix dollars en nature. Note de bas de page 77 En outre, le gouvernement américain leur avait fourni de l'outillage agricole, des écoles et, dans certains cas, des établissements techniques. Dawson a fait remarquer que :
Compte tenu des ententes conclues de l'autre côté de la frontière, il est difficile de s'attendre que les Indiens de ce côté-ci de la frontière acceptent trois dollars par année en compensation de leurs droits territoriaux, plus particulièrement lorsque le seul critère qui leur permet de mesurer la valeur de ce petit versement est la marchandise qu'ils peuvent se procurer aux postes de la Compagnie de la Baie d'Hudson où tous les articles se vendent à des prix extravagants comparativement aux prix en vigueur dans les colonies. Note de bas de page 78
Dawson recommandait que les Indiens reçoivent quatorze dollars par personne pour la cession de leur territoire et que les commissaires puissent décider d'offrir une annuité maximale de dix dollars, croyant personnellement que les Indiens se contenteraient probablement de six dollars par personne à perpétuité. Note de bas de page 79 Il proposait de réunir les Indiens en grand conseil dans la deuxième semaine de juillet à l'angle nord-ouest du lac des Bois, et de demander au lieutenant-gouverneur du Manitoba d'assister à la rencontre. Note de bas de page 80
Au reçu du mémoire de Dawson, le Secrétaire d'État des provinces répondit en lui demandant de s'assurer de la possibilité d'organiser une rencontre avec les Indiens en septembre plutôt qu'en juillet. Il expliqua que ce laps de temps permettra au gouvernement de réfléchir aux propositions qui lui avaient été faites. Note de bas de page 81
Le gouvernement s'intéressait alors à la question de l'annuité. En effet, le 16 juin, un décret du conseil a augmenté le montant à verser en guise de présent à quatre dollars par tête et l'annuité à cinq dollars par tête. Note de bas de page 82 Il est toutefois évident, à la lumière du mémoire de Dawson, que cette somme ne suffirait pas.
Le ministre de l'Intérieur, Alexander Campbell s'est chargé de remédier la situation. Le 31 juillet, il a écrit au lieutenant-gouverneur Morris pour lui donner un aperçu des suggestions de Dawson et a dit qu'il présenterait ces dernières au Conseil privé le jour même. Note de bas de page 83 Campbell semblait avoir réussi dans sa démarche bien que le Conseil privé ait modifié quelque peu les montants recommandés dans le mémoire. Avant l'adoption même d'un décret du conseil officiel, Campbell a envoyé à Morris les instructions suivantes concernant l'annuité:
Vous constaterez que le décret du conseil donne aux commissaires le pouvoir discrétionnaire de verser jusqu'à 15 $ par tête en argent comptant et 7$ par tête en annuité à chaque Indien. Cependant, bien que le gouvernement ait jugé souhaitable (afin d'empêcher l'échec possible des négociations), de donner aux commissaires des pouvoirs discrétionnaires aussi importants, il compte sur le fait que ces derniers feront tous les efforts possibles pour signer un traité à des conditions plus favorables que les montants maximums mentionnés dans le décret du conseil. Note de bas de page 84
Cet avertissement indique que le gouvernement réalisait pleinement l'incidence importante de l'augmentation des sommes versées en argent comptant et en annuité sur les traités passés et à venir. Campbell continua :
Il ne faut pas oublier que dans les traités conclus en 1871 avec les tribus du Manitoba et des alentours, les sommes versées étaient de 3 $ en gratification et de 3 $ par tête en annuité. Si l'on excédait de beaucoup ces sommes dans le traité qu'on est sur le point de négocier, les Indiens avec qui nous venons de conclure les deux derniers traités seraient mécontents et les Indiens de l'Ouest avec qui nous n'avons pas encore conclu de traité s'attendraient à autant. Note de bas de page 85
Entre temps, le surintendant général adjoint aux Affaires indiennes, William Spragge, a reçu l'ordre d'étudier la nature véritable du traité américain dont les Saulteux avaient tant parlé et dont ils s'étaient si habilement servis pour amener le gouvernement canadien à offrir de meilleures conditions. Note de bas de page 86 Spragge a découvert que l'annuité par tête versée aux Saulteux des États-Unis n'était pas aussi élevée que le montant que le Canada envisageait maintenant de verser. En outre, alors que l'annuité du gouvernement canadien était perpétuelle, celle du gouvernement américain ne couvrait qu'une période de quinze ou vingt ans, et dans certains cas, la période était laissée au gré du Président. Note de bas de page 87
C'est peut-être avec un certain dépit que Campbell a écrit ce qui suit au lieutenant-gouverneur Morris :
Nous vous écrivons aujourd'hui pour vous informer du malentendu concernant la somme versée par les Américains aux Indiens vivant au sud de la frontière canado-américaine; ce moment n'est pas du tout aussi élevé qu'on me l'avait dit et comprend des annuités qui cesseront d'être versées au bout de quinze ou vingt ans, ou avant. Ces lettres vous expliqueront la situation; nous savons maintenant que nous étions dans l'erreur de croire que le gouvernement américain avait versé 14 $ en argent comptant et 10 $ en annuités car il a versé au contraire des sommes inférieures à ce que nous envisagions au début de donner. Je vous prierai donc instamment de ne pas verser les sommes maximales mentionnées au décret du conseil. Compte tenu des faits que relatent ces lettres, je ne peux pas croire qu'il vous sera donné d'offrir des sommes aussi élevées que celles mentionnées dans le décret du conseil, et je suis tout à fait persuadé que vous ferez tous les efforts possibles pour conclure les traités selon les conditions les plus favorables possibles. Note de bas de page 88
Une autre question qui préoccupait le gouvernement cet été-là était l'envoi d'une escorte militaire pour accompagner les commissaires. Dawson, dans son mémoire de juin, indiquait que les Indiens aimaient beaucoup les parades et les cérémonies :
Ils sentent et ils savent que le traité est de la plus haute importance pour eux, et lorsqu'ils voient les commissaires venir traiter avec eux sans escorte, comme cela a été le cas jusqu'à maintenant, et faire preuve de la plus grande parcimonie même lorsqu'ils distribuent des vivres pour quelques jours, comme cela a été le cas jusqu'ici, les Indiens sont portés à croire que le gouvernement du Canada n'attache pas beaucoup d'importance aux négociations qui représentent pour eux un des moment les plus importants. Note de bas de page 89
Dawson recommandait que le commissaire soit accompagné d'une ou deux compagnies des troupes de la garnison de Lower Fort Garry. Campbell était tout à fait d'accord avec cette proposition et croyait que la présence des troupes donnerait un caractère officiel et de la dignité aux négociations; il autorisa Morris à prendre comme escorte une compagnie de troupes de Lower Fort Garry. Note de bas de page 90 Morris a rapporté plus tard que les troupes avaient beaucoup aidé à empêcher le commerce illicite (a.-à-d. le commerce du whisky) et que leur présence exerçait une influence morale qui avait contribué au succès des négociations. Note de bas de page 91
Tandis que le gouvernement s'occupait de la question des annuités et des troupes, il a négligé d'autres aspects du traité qui allait bientôt être conclu. Deux semaines seulement avant le début des négociations, Morris télégraphie à Campbell que :
Je suppose que des réserves seront accordées aux Indiens, mais je n'ai pas d'instructions - quelle est la politique en matière de financement des écoles? Je sais que les Indiens sont généralement fort désireux d'être informés sur le sujet et je crois qu'il serait bon de favoriser l'éducation des enfants, notamment si le montant des rentes est faible. Note de bas de page 92
Spragge avait apparemment fait remarquer que les réserves devraient avoir la même étendue que celle des réserves accordées dans les traités nos 1 et 2. Note de bas de page 93 Ce point de vue ou ce conseil ne s'est toutefois pas officialisé et Morris n'en a même jamais été informé. Note de bas de page 94 Spragge a dit à Morris qu'on ne devrait pas offrir aux Indiens des présents tels que des outils agricoles puisque les montants en argent comptant et en annuité avaient été augmentés. Note de bas de page 95
Le 20 septembre 1873, trois jours avant son départ pour l'angle nord-ouest, Morris a reçu un télégramme de Campbell qui l'autorisait à accorder des réserves d'au plus un mille carré par famille de cinq personnes ou selon cette proportion. Note de bas de page 96 Outre la question de l'annuité, telle était la teneur des instructions du gouvernement. Tous les autres aspects du traité, malgré les avertissements de Spragge, avaient été laissés à la discrétion de Morris et des autres commissaires.
Négociations entourant le Traité
Le lieutenant-gouverneur Morris a quitté Lower Fort Garry avec une escorte militaire, le 23 septembre 1873, et est arrivé deux jours plus tard à l'angle nord-ouest où l'ont rejoint les autres commissaires. La composition de la Commission avait déjà été modifiée en raison du désistement de Lindsay Russell. Il a été remplacé par S.J. Dawson, député d'Algoma qui a, jusqu'à maintenant, joué un rôle important dans les négociations. Le troisième commissaire était le lieutenant-colonel J.A.N. Provencher, qui avait été nommé commissaire des Indiens en remplacement de Wemyss Simpson. Note de bas de page 97 Robert Pither, agent des Indiens à Fort Frances, l'honorable James McKay, qui avait assisté à la signature du traité no 1, et Molyneux. St. John du bureau du commissaire des Indiens ont également assisté aux négociations. Note de bas de page 98
Les négociations avaient d'abord été prévues pour le 10 septembre. Les Indiens semblaient toutefois avoir changé d'idée et ont demandé plutôt de rencontrer les commissaires à Fort Frances. Morris a refusé d'agréer cette demande craignant que cela ne nuise au succès des négociations. Note de bas de page 99 De toute évidence, Morris croyait que s'il acquiesce, les Indiens le percevraient peut-être comme une personne faible et docile, ce qui les encouragera à se montrer intransigeants. Il les demanda donc de se présenter à l'endroit convenu le 25 septembre, sans quoi il n'y aurait pas de négociations. Note de bas de page 100 Les Indiens ont fini par accepter ses conditions, sans doute à contrecoeur.
À l'arrivée de Morris à l'angle nord-ouest, sa fermeté était une nouvelle fois mise à l'épreuve. Les 1 400 Saulteux, représentant onze bandes, qui devaient assister aux négociations ne s'étaient pas tous encore rassemblés. Note de bas de page 101 N'ayant pas d'autre choix, Morris leur a accordé un court délai pour se réunir. Une fois rassemblés, les Indiens ont déclaré qu'ils avaient des choses à régler entre eux, et refusaient de les rencontrer avant d'avoir terminé, laissant le lieutenant-gouverneur et ses commissaires faire le pied du grue. Note de bas de page 102
Morris a attribué ce retard aux divisions et aux jalousies qui séparaient les Saulteux, et constata que :
La nation ne s'était pas réunie depuis de nombreuses années, et certains Indiens n'avaient encore jamais participé à un rassemblement. Ils étaient jaloux les une des autres, et craignaient que l'un ou l'autre des chefs ne communique personnellement avec moi; pour empêcher cela, ils avaient placé des gardes aux approches de ma maison et de la tente de M. Dawson. Note de bas de page 103
Compte tenu de ces divisions et de ces jalousies, il est fort possible que les Saulteux aient eu besoin de temps supplémentaire pour en arriver à une même position de négociation afin de présenter un front commun aux commissaires. Le fait qu'ils ne se soient pas rassemblés depuis longtemps peut aussi avoir contribué au retard parce que le journal du Manitoba a rapporté que les Indiens avaient eu de la difficulté à choisir un chef qui serait leur porte-parole. Note de bas de page 104 Les Indiens pouvaient aussi s'être réjouis à l'idée de laisser la Commission sur des charbons ardents, blessés qu'ils étaient dans leur orgueil à la suite du refus de leur demande de se réunir plutôt à Fort Frances.
Les objectifs des deux parties ont déjà été définis de façon très précise. Le but du gouvernement était la cession sans équivoque des terres des Saulteux afin d'y aménager une route transcontinentale pour le transport. À cette fin, le gouvernement était prêt à se montrer un peu plus généreux en ce qui touchait l'annuité tout en respectant certaines limites. Note de bas de page 105
Quant aux Saulteux, ils semblaient poursuivre deux objectifs. Comme l'indiquait J.E. Foster :
Les Indiens visaient par ces deux objectifs un avenir "meilleur" pour leur peuple dans un monde où l'homme blanc était un facteur de plus en plus important. L'un des objectifs insistait sur la survie du peuple indien et de sa culture, l'autre, sur un plus grand bien-être matériel. L'une des stratégies soulignait la nécessité de conclure une alliance avec les Blancs, l'autre proposait la dure négociation des maquignons sur la place du marché. Note de bas de page 106
Finalement, les négociations commencent le 1er octobre, après que Morris ait dû faire savoir aux Indiens que s'ils n'étaient pas prêts à le rencontrer à cette date, il lèverait le camp et retournerait chez lui. Note de bas de page 107 Les Saulteux ont engagé les échanges et se disaient heureux de rencontrer les commissaires. Ils leur posaient alors un ultimatum à leur façon en déclarant qu'ils ne négocieraient pas de traité avant d'avoir été dédommagés pour l'utilisation faite par les Blancs de la route Dawson et pour le bois qui avait servi à construire et à alimenter les navires à vapeur qui sillonnaient la voie navigable. Note de bas de page 108 D'après ces demandes, il semble que les Indiens considéraient encore le traité comme une forme de bail qui leur laisserait le contrôle ultime de leur territoire et de leurs ressources. Les Indiens prétendaient ensuite que certaines promesses de Dawson, dont ils n'ont pas précisé la nature, n'avaient pas été tenues. Note de bas de page 109
Dawson a réfuté leur déclaration en s'attaquant à la question du bois. Il a déclaré que les Indiens avaient toujours été payés en échange du bois qu'ils avaient fourni. Il affirma que les sujets de Sa Majesté avaient un droit de servitude sur la forêt et la voie navigable, et il défia les Indiens de citer les promesses qui n'avaient pas été tenues, ce dont les Indiens étaient incapables. Note de bas de page 110
Le lieutenant-gouverneur Morris a intervenu alors pour faire bien comprendre aux Saulteux que la Commission n'était pas là pour négocier des points ou des griefs individuels. Il déclara qu'il était venu à titre de représentant de la Reine et du gouvernement du Canada pour traiter avec eux en vue de la cession de leur terre, et pour régler toutes autres questions, passées et futures. Si les Indiens refusaient de l'écouter, il déclara que c'étaient eux qui "l'auront empêché de parler" et qu'il serait incapable d'exécuter ses instructions. Note de bas de page 111 Les Saulteux ont répété qu'ils ne négocieraient pas de traité avant d'avoir réglé la question du dédommagement, et ont fait remarquer sans ambages qu'il s'agissait du "pays des Indiens et non de l'homme blanc." Note de bas de page 112 Après de brèves délibérations, ils sont revenus toutefois sur leur décision et ont accepté d'écouter Morris en déclarant qu'ils présenteraient leurs demandes plus tard. Note de bas de page 113
Morris exposa alors les grandes lignes des conditions du gouvernement :
Je veux régler toutes les questions tant passées que présentes afin que l'homme blanc et le Peau-Rouge soient toujours amis. Je vous donnerai des terres pour cultiver et des réserves pour votre usage personnel. Je suis autorisé à constituer des réserves qui, comme je vous l'ai expliqué, ne dépasseront pas en tout un mille carré par famille d'environ cinq personnes. Il se peut que le gouvernement n'utilise pas les autres terres avant longtemps et, d'ici là, vous pourrez y pêcher et chasser. Je créerai également des écoles lorsque les bandes le demanderont afin que vos enfants puissent apprendre la même chose que l'homme blanc. Je vous donnerai cette année une somme d'argent pour vous-mêmes, vos femmes et vos enfants. Je donnerai dix dollars par tête cette année et cinq dollars les années suivantes. Je donnerai à chaque chef, dont le nombre ne doit pas dépasser deux par bande, vingt dollars par année à perpétuité. Je donnerai cette année à chacun de vous des biens et des provisions que vous emporterez, et je suis sûr que vous serez satisfaits. Note de bas de page 114
S'étant réunis avant de faire cette offre, les commissaires avaient décidé que ces sommes constituaient le minimum qu'ils pouvaient offrir, compte tenu de leurs instructions, tout en pouvant réussir à signer un traité. Note de bas de page 115 Les délibérations ont pris fin sur ces offres et se sont poursuites le jour suivant.
Le lendemain 2 octobre, les Saulteux ont présenté leurs arguments. Le principal porte-parole des Saulteux, le chef Ma-We-Do-Pe-Nais, s'est adressé à Morris en insistant que la terre appartient aux Indiens :
... Vous êtes ici sur notre propriété. Vous nous avez dit hier que Sa Majesté vous a donné le pouvoir et l'autorité d'agir en son nom dans cette affaire. Vous avez dit que la Reine vous a chargés de montrer sa bonté et sa générosité. Nous croyons que c'est le Grand Esprit qui nous a mis sur la terre où nous sommes, comme vous sur la terre d'où vous venez. Nous croyons que la terre où nous sommes nous appartient. Je vais vous dire ce qu'il nous a dit lorsqu'il nous a mis ici; les règles que nous devrions suivre, nous les Indiens. Il nous a donné des règles à suivre pour bien nous gouverner...Je veux parler des règles que nous avons posées auparavant. Il y a quatre ans que nous avons posé ces règles. Ce sont les règles que les Indiens veulent suivre - un conseil qui a été accepté par tous les Indiens. Je ne voudrais pas répéter deux fois ce que je vais maintenant vous dire. Note de bas de page 116
Les Saulteux ont présenté alors leurs demandes par écrit. Ils voulaient cinquante dollars par année à chaque chef et vingt dollars par année pour à chaque membre du conseil. Pour chaque membre de la bande, ils demandaient un montant comptant de quinze dollars, et une annuité de dix dollars. Pour chaque premier et deuxième "guerriers", comme ils les appelaient, une annuité de quinze dollars. Les Indiens demandaient aussi des outils agricoles, des animaux de ferme, des vêtements, des fusils et des bogheis, des outils de menuiserie, des graines et des provisions comme de la farine et du sucre, des articles ménagers y compris des poêles. Note de bas de page 117 Morris estimait le coût de ces biens et de ces dédommagements à 125 000 $ par année. Note de bas de page 118
Il est difficile de dire avec certitude si ces demandes ont secoué ou non le lieutenant-gouverneur Morris, quoique cela n'ait sans doute pas été l'objectif des Indiens. Morris a noté assez sèchement dans son rapport que ces demandes étaient les mêmes que faisaient les Indiens depuis 1869. Note de bas de page 119 On n'en fait certainement pas mention dans la correspondance officielle, même si Simpson avait déclaré dans son premier rapport que les demandes des Indiens étaient trop élevées; il n'avait cependant jamais donné de détails. Rien n'indique que ces demandes aient été considérées par le gouvernement lorsqu'il formulait sa politique. Morris était sans aucun doute au courant d'au moins quelques-unes de ces demandes puisqu'il aurait demandé l'avis de l'ancien lieutenant-gouverneur Archibald et peut-être celui de l'ex-commissaire Simpson, tout comme celui de Dawson et de Pither, qui avaient tous deux assisté aux négociations précédentes. Note de bas de page 120 On se demande aussi si ces requêtes avaient été présentées à Morris dans leur forme originale. La demande touchant l'aide en matière d'agriculture peut très bien avoir été influencée par les "promesses en dehors du traité" faites lors de la signature des traités no 1 et no 2 deux années auparavant. Note de bas de page 121 Il ne fait cependant aucun doute que nombre des demandes des Indiens avaient été influencées par les conditions du traité proposées aux États-Unis. En 1877, James McKay écrit au sujet des Cris que :
C'est aussi parce qu'ils ont vu les chefs Sioux avec des chevaux et des bogheis sur les réserves américaines qu'ils ont fait la même demande à notre gouvernement, et parce qu'ils savent aussi que même si les Sioux sont hostiles de par nature aux Américains, le gouvernement de ce pays a néanmoins aidé les chefs des Sioux à construire leurs maisons et même à les meubler partiellement. C'est la connaissance de ces faits qui a incité nos Indiens à demander de l'aide pour construire leurs maisons dans le nord-ouest et à les meubler, puisque comme je l'ai dit auparavant, les Cris savent parfaitement tout ce qui se passe de l'autre côté. Note de bas de page 122
Morris a refusé immédiatement leurs demandes en déclarant que ce qu'il leur offrait était juste et équitable. Il essaya de les obliger à accepter en piquant leur amour-propre :
Je suis extrêmement désolé de constater que vos mains étaient grandes ouvertes lorsque vous m'avez remis ces documents. Je pensais que ce que je vous avais promis étais une entente juste, bonne et équitable entre la Reine et vous. Voilà maintenant trois ans que nous essayons de régler cette question. Si nous ne réussissons pas aujourd'hui, je repartirai en étant désolé pour vous et vos enfants que vous n'ayez pas vu ce qui était bon pour vous et pour eux. Je suit prêt à faire ce que je vous ai promis hier. Ma main est tendue et vous devez la prendre et dire "oui, nous acceptons votre offre." Je n'ai pas le pouvoir de faire ce que vous me demandez. Note de bas de page 123...
Morris souligna également que les traités conclus avec les Saulteux des États-Unis étaient d'une durée de vingt ans alors que les avantages qu'il offrait étaient à perpétuité. Il demanda aux Indiens s'il était juste qu'ils demandent à perpétuité ce que les Indiens des États-Unis recevaient pendant vingt ans seulement. Note de bas de page 124
Le porte-parole des Saulteux demeurait cependant tout à fait insensible au plaidoyer de Morris. Il répondit que :
Je vous ai présenté nos points de vue. Nos mains sont pauvres mais nos têtes sont riches, et ce sont des richesses que nous demandons afin de pouvoir faire vivre nos familles aussi longtemps que le soleil se lèvera et que les rivières couleront. Note de bas de page 125
Face à cette obstination, Morris a changé de tactique et a essayé non seulement d'intimider les Indiens, mais aussi de semer la dissension dans leurs rangs :
Je suis très désolé; vous savez qu'il faut deux parties pour conclure un marché : vous êtes l'une de ces parties, et je suis l'autre au nom du gouvernement de Sa Majesté. Je dois repartir et indiquer au gouvernement que je n'ai pu conclure d'entente avec vous. Je ne crois pas que les commissaires reviendront pour réunir votre nation. Je n'ai pas que les commissaires reviendront pour réunir votre nation. Je n'ai qu'un mot à ajouter : je dis au chef et aux hommes marquants de se rappeler ceux qui sont derrière eux et ceux qui les attendent chez eux, et de ne pas partir sans accepter des conditions aussi généreuses et sans certains vêtements. Note de bas de page 126
Les Indiens demeuraient toutefois inébranlables. Le chef Ma-We-Do-Pe-Nais a indiqué que les Indiens savaient que leur terre renfermait de riches minerais tels que l'or, et il répéta que c'était le Grand Esprit qui leur avait donné leur terre et qu'elle leur appartenait. Il déclara en outre que l'homme blanc avait volé les Indiens par le passé et que ces derniers ne signeraient pas de traité à moins de recevoir quelque chose en retour. C'était l'impasse dans les négociations. Note de bas de page 127
À ce moment-là, le chef Ka-Katche-way, représentant les bandes du lac Seul et de la rivière English, s'est avancé et a dit que ses gens voulaient un traité. Morris a remarqué que les autres chefs essaient d'empêcher le chef du lac Seul de parler, mais qu'ils le laissent faire. Note de bas de page 128 Peut-être est-ce en raison de la présence des troupes de Lower Fort Garry.
Malgré l'intervention apparemment spontanée de Ka-Katche-way, tout laissait croire que Morris connaissait déjà l'opinion de ce chef et des gens qu'il représentait. Un document non signé, intitulé "Angle nord-ouest, lac des Bois" et daté du 1er octobre 1873 semble relater une conversation entre le chef Ka-Katche-way et Morris. Voici ce que rapporte ce document :
Ka-Katche-way
Le chef indien représentant les Indiens de la rivière English et du lac Seul dit que sa bande compte environ 400 personnes.
Qu'il est autorisé à parler en leur nom et au nom des Indiens du lac Seul. Il est prêt pour sa part et au nom des gens qu'il représente à conclure un traité avec le gouvernement selon les conditions qu'il propose.
Sa bande, dit-il, a de petites fermes sur la rivière English à environ une journée de marche en aval de l'embouchure du lac Seul, et ses gens ont très hâte d'avoir ce qui leur faut pour cultiver. Note de bas de page 129
Cette information a mis Morris en position de force. Il pouvait donc se montrer très ferme dans les négociations le lendemain puisqu'il était sûr que si les principaux porte-parole des Saulteux rejetaient son offre, il y avait au moins deux bandes qui étaient prêtes à se détacher des rangs pour l'accepter. En fait, il se pouvait que le discours de Morris ait été précisément calculé pour inciter Ka-Katche-way à rompre ouvertement avec la majorité. Morris a fait allusion au fait qu'il savait à l'avance ce qui allait se passer en déclarant qu'immédiatement après que Ka-Katche-way s'était avancé, il a dit aux Indiens qu'il savait depuis le début qu'ils n'étaient pas aussi unis qu'ils le prétendaient. Note de bas de page 130
Morris tira rapidement parti de la situation et a dit aux Indiens :
J'ai écouté et j'ai appris quelque chose. J'ai appris que vous n'avez pas tous la même idée. Je sais que vous ne partagez pas les mêmes intérêts, que certains d'entre vous vivent au nord, loin de la rivière et d'autres en bordure de la rivière, et que vous avez reçu d'importantes sommes d'argent pour le bois que vous avez coupé et vendu pour les bateaux à vapeur; mais les hommes au nord n'ont pas cet avantage. Ce que le chef a dit est raisonnable; et si vous voulez des biens, je vous demanderai quel montant vous voulez recevoir en biens afin que vous n'ayez pas à les acheter aux prix des commerçants. J'aimerais que vous pensiez tous comme le chef qui vient de parler. Il veut que ses enfants aillent à l'école. Il a raison. Il veut avoir du bétail afin de pouvoir mieux cultiver et nourrir ses enfants. Il serait bon pour vous tous de penser comme lui, et alors vous ne partiriez pas sans conclure ce traité avec moi. Note de bas de page 131
Morris a dit aux Indiens qu'il désirait traiter avec eux en tant que nation plutôt qu'avec des bandes séparées, mais qu'il traiterait avec chacune des bandes s'il y était obligé. Il les pressa de reconsidérer ses propositions et s'appuyait en cela par le petit chef nommé Blackstone. Note de bas de page 132
Les Indiens se sont retirés pour reconsidérer les propositions du commissaire et quatre Métis se sont joigne au conseil : l'honorable James McKay, Pierre Leveillée, Charles Nolin et un certain M. Genton. La présence de ces hommes au conseil a fait l'objet d'explications contradictoires. Dans un article de journal, on a déclaré que les Métis avaient été invités par les chefs tandis que dans son rapport, Morris déclara qu'il leur avait demandé d'assister au conseil et de donner des "conseils amicaux" aux Indiens. Note de bas de page 133
On ne sait pas ce qui est ressorti de la réunion ni quelle a été l'influence des Métis sur les Saulteux. Une fois les négociations terminées, le chef Ka-Katche-way a dit à Morris qu'il "devait le traité en grande partie aux Métis"; dette que Morris reconnaissait. Note de bas de page 134 Par contre, on a laissé entendre que les Métis avaient eu peu d'influence sur les Saulteux, si ce n'est qu'ils avaient obtenu que ces derniers demandaient qu'ils soient aussi inclus dans le traité. Note de bas de page 135 Quoiqu'il en soit, les Indiens étaient revenus négocier.
Entre temps, les commissaires s'étaient réunis et avaient décidé d'augmenter le paiement en argent comptant ou en présent à douze dollars, à condition seulement que cela soit nécessaire à la conclusion du traité. Note de bas de page 136 Ce montant étant bien sûr encore inférieur de trois dollars au montant maximal qu'ils étaient autorisés à offrir. L'annuité demeurait la même. La Commission avait également décidé de satisfaire certaines demandes des Indiens, acceptant de fournir une somme d'argent pour l'achat de munitions et de ficelle servant à la fabrication des filets, d'outils agricoles et de graines pour les bandes s'adonnant à l'agriculture. Note de bas de page 137
Les Saulteux ont repris les négociations le vendredi 3 octobre, en déclarant qu'ils étaient déterminés à s'en tenir à leurs demandes, mais qu'ils allaient voir si le gouverneur a autre chose à leur offrir. Note de bas de page 138 Morris a répondu en disant qu'il était heureux que la bande du lac Seul s'adonnait à l'agriculture parce qu'elle aurait ainsi la nourriture qu'il lui fallait lorsque la chasse et la pêche seraient mauvaises. Il a promis alors de fournir des outils agricoles à toute bande qui s'établirait et commencerait à cultiver. Note de bas de page 139 En outre, il a dit aux Indiens qu'il leur donnerait 1 500$ par année pour l'achat de munitions et de ficelle. Enfin, il déclara :
Maintenant, je vais vous dire la dernière chose que je peux faire. Je pense que la somme que j'ai offert de verser à chaque homme, femme et enfant après cette année et pour les années à venir est juste et appropriée. Je ne la modifierai pas, mais nous voulons vous montrer le grand désir que nous avons de vous comprendre, de faire tout en notre pouvoir pour vous satisfaire, de façon que l'homme blanc et le Peau-Rouge restent toujours amis. Cette année, je vous donnerai douze dollars au lieu de dix, que je vous paierai dès la signature du traité. C'est la meilleure offre que je peux vous faire. Note de bas de page 140
Les Indiens semblaient impressionnés par cette proposition mais ont continué à demander d'autres avantages. Ils voulaient une annuité de cinquante dollars pour les chefs, des outils de menuiserie, des fusils, des vêtements pour tous les membres de la bande, des planches d'une scierie locale pour construire des maisons et des laissez-passer à vie sur les navires à vapeur et les trains qui emprunteraient la voie ferrée que ferait bientôt construire le Canadien Pacifique. Note de bas de page 141 Morris a promis de donner une boîte d'outils courants au chef de chaque bande et un costume à chaque chef tous les trois ans. Note de bas de page 142 Les autres demandes ont été refusées, notamment celles touchant les laissez-passer de train qu'il n'était pas du ressort de Morris d'accorder.
Les Saulteux demandaient s'ils devraient s'enrôler pour défendre le Canada en cas de guerre et on les assura que non. Note de bas de page 143 Quant à la question de l'alcool sur les réserves, Morris a dit qu'on formulerait des règlements pour en interdire la vente. Il a ajouté aussi que la paix et la tranquillité sur les réserves seraient protégées par une loi. Note de bas de page 144
Les Saulteux ont soulevé des questions concernant l'attribution des réserves et des droits miniers. Le commissaire Provencher leur a dit qu'ils recevraient des réserves pour l'agriculture ainsi que d'autres terres, et qu'ils conserveraient les terres déjà en culture. Quant aux droits miniers, Morris a indiqué qu'ils pourraient tirer profit des mines exploitées sur la réserve, mais non à l'extérieur. Note de bas de page 145
Les Indiens ont aussi abordé la question de l'admissibilité au traité. Ils ont déclaré que nombre de leurs enfants étaient mariés et vivaient aux États-Unis, et qu'ils voulaient que ces gens soient inclus dans le traité. Morris leur expliqua que seuls les Indiens sujets de la Couronne britannique étaient admissibles au traité, mais que si les gens dont ils parlaient revenaient vivre au Canada d'ici deux ans, le gouvernement les reconnaîtrait. Note de bas de page 146
Les Saulteux ont alors demandé qu'une vingtaine de familles métisses vivant avec eux soient reconnues comme étant des familles indiennes et soient incluses dans le traité. Note de bas de page 147 Bien que cela soit impossible à prouver, cette demande venait probablement des Métis qui s'étaient joints au conseil des Indiens le soir précédent. Morris leur a répondu que le traité était réservé aux Indiens seulement, mais qu'il ferait connaître leur désir au gouvernement et lui recommanderait de l'exaucer. Après avoir posé quelques questions supplémentaires au sujet d'un agent des Indiens de médailles et de drapeaux pour les chefs et les hommes marquants, et après un léger différend au sujet de terre appartenant à la Compagnie de la Baie d'Hudson à Fort Frances, les Saulteux se sont convenus d'accepter les conditions de la Commission. Note de bas de page 148
Le traité no 3 a été signé le vendredi 3 octobre 1873; le texte du traité a été dûment lu et expliqué aux Indiens dans leur langue maternelle. Les Saulteux ont reçu ensuite leur annuité et leur gratification, et les commissaires ont distribué les présents qu'ils avaient apportés pour l'occasion. Le traité a été confirmé par décret du conseil le 31 octobre 1873. Note de bas de page 149
En vertu de ce traité, le Canada acquérait un territoire de quelque 55 000 milles carrés (14 245 000 hectares) riche en minerai et en bois. Note de bas de page 150 En outre, le Canada atteignait son objectif d'ouvrir un passage vers l'ouest puisqu'il pouvait maintenant construire la route Dawson et le chemin de fer du Canadien Pacifique. Morris a souligné l'importance du traité qui a permis d'atteindre cet objectif de façon pacifique :
Il est heureux aussi qu'on se soit entendu puisque les Indiens vivant le long des lacs et des rivières étaient mécontents de l'utilisation qu'on fait des eaux qu'ils considèrent leur propriété, et qu'on leur a prises sans les dédommager; ils sont en fait si mécontents qu'à mon avis, si le traité n'avait pas été conclu, le gouvernement aurait été obligé de poster des troupes sur la frontière l'an prochain. Note de bas de page 151
La signature du traité no 3 était un triomphe personnel pour Morris puisqu'il avait réussi où Simpson a échoué. La fierté qu'il en tirait, le fait qu'il avait réussi en respectant les instructions qu'on lui avait données, ainsi que l'incidence du traité sur les futurs projets de développement se dégagent manifestement d'une lettre qu'il écrit au gouverneur-général en 1877 :
Je dirai aussi que lorsque je me suis rendu à l'angle nord-ouest en 1873 pour conclure un traité, après deux échecs antérieurs, je croyais que les conditions de ce traité serviraient de modèle à ceux qui suivraient. J'avais alors des instructions confidentielles, tandis qu'à Fort Carleton, j'avais toute liberté d'action. J'ai passé douze jours à essayer d'en venir à une entente avec les Indiens, et j'ai fini par y arriver en ayant la satisfaction de savoir que j'avais fixé la proportion des annuités en bas de la limite autorisée et selon une échelle appliquée depuis lors à tous les autres traités, ce qui a permis au Dominion de réaliser d'importantes économies. Note de bas de page 152
Les Saulteux semblaient eux aussi satisfais du traité. On avait laissé entendre que les Indiens ne comprenaient pas réellement le sens de la clause de cession, mais cette assertion a été démentie par le discours de clôture du chef Ma-We-Do-Pe-Nais:
Vous me voyez maintenant devant vous, ce qui a été fait aujourd'hui l'a été ouvertement devant le Grand Esprit, et devant la nation, et j'espère que je n'entendrai jamais qui que ce soit dire que ce traité a été conclu en secret. Et maintenant, en mettant fin à ce conseil, j'enlève mon gant, et en vous donnant la main, je vous donne mon droit acquis à la naissance et mes terres; et en prenant votre main, je saisis toutes les promesses que vous avez faites, et j'espère qu'elles dureront aussi longtemps que le soleil et les cours d'eau, comme vous l'avez dit. Note de bas de page 153
Aujourd'hui, les Saulteux voulaient conserver ce traité, mais croyaient qu'il avait besoin d'être rajeuni et mis à jour pour refléter les conditions du vingtième siècle. Note de bas de page 154
Après la signature du traité, le commissaire Dawson s'est rend au lac Shebandowan pour obtenir l'adhésion de deux bandes qui n'avaient pu assister aux négociations à l'angle nord-ouest. Ces bandes avaient indiqué à l'avance qu'elles accepteraient les conditions qui seraient négociées. Dawson leur a exposé les grandes lignes du traité et a noté dans son rapport qu' :
Ils ont pris un certain temps pour discuter des dispositions du traité et m'ont demandé à l'occasion d'expliquer certains passages, plus particulièrement ceux ayant trait aux réserves.
Avant la signature du traité, ils comprenaient parfaitement la nature des obligations qu'ils étaient sur le point d'endosser, à savoir que la cession de leurs droits territoriaux serait irrévocable et qu'ils devraient dorénavant entretenir de nouvelles relations avec l'homme blanc. Note de bas de page 155
L'adhésion de ces bandes au traité est signée le 13 octobre 1873 et confirmée par décret du conseil le 5 janvier 1874. Note de bas de page 156
Le printemps suivant, Pither, agent des Indiens, a obtenu l'adhésion des Indiens du lac Seul. La signature a lieu le 9 juin 1874 et a été confirmée par décret du conseil le 18 juillet 1874, complétant ainsi le traité no 3. Note de bas de page 157
Application du Traité no 3
La signature du traité no 3 met fin à quatre années de négociations exhaustives. En vertu de ce traité, la tribu des Saulteux des Indiens Ojibeway ont cédé, quitté, transporté et laissé au Dominion du Canada pour toujours, tous ses droits, titres et privilèges sur une étendue de terre d'une superficie de cinquante-cinq mille milles carrés (14 245 000 hectares). Les Indiens s'engageaient à obéir aux lois, observer le traité et ne pas molester la personne ou la propriété des sujets de Sa Majesté habitant le territoire ou y voyageant. Note de bas de page 158
En retour, le gouvernement du Canada était tenu de fournir des réserves pour l'agriculture et d'autres fins, et convenait de respecter la propriété des terres déjà en culture. Les réserves pour cultiver ou autres fins ne devaient pas dépasser un mille carré (259 hectares) par famille de cinq personnes, ou dans cette proportion pour les familles plus ou moins nombreuses. Les réserves de terre pouvaient être vendues, louées ou aliénées par le gouvernement pour l'usage et le bénéfice des Indiens avec le consentement cependant de ces derniers. Note de bas de page 159
En termes de récompenses monétaires, chaque Indien a reçu immédiatement un paiement comptant de douze dollars et une annuité de cinq dollars. Chaque chef a reçu un salaire annuel de vingt-cinq dollars et chaque homme marquant, soit trois au plus par bande, a reçu quinze dollars par année. Note de bas de page 160 Cette entente était conforme au décret du conseil adopté en 1872. En outre, une somme de 1 500$ par année a été versée pour l'achat de munitions et de ficelle servant à la fabrication de filets, en réponse à l'une des demandes figurant sur la liste présentée par les Indiens.
Comme on l'a vu pendant les négociations, les commissaires ont cédé aux demandes des Saulteux en ce qui a trait aux outils agricoles et aux animaux de ferme. Le traité stipule que les familles qui cultivaient la terre recevraient deux houes, une pelle et une faux, une charrue pour chaque dizaine de familles et cinq herses pour chaque vingtaine de familles. Chaque bande a reçu en outre une hache, une scie à débiter, une scie de long, une tarière, une meule, une boîte d'outils de menuisier ainsi que du blé, de l'orge, des pommes de terre et de l'avoine pour ensemencer la terre. Chaque bande a reçu aussi une paire de boeufs, un taureau et quatre vaches. Tous ces articles ainsi que le bétail était donnés une fois seulement et non pas chaque année comme les Indiens le voulaient. Note de bas de page 161
Chaque chef a reçu aussi un drapeau et une médaille de qualité convenable en souvenir de la signature du traité, et chaque chef et homme marquant a reçu un costume tous les trois ans. Note de bas de page 162
Le traité comporte également une disposition interdisant la vente de boissons alcooliques sur les réserves et prévoyait l'application de toutes les lois régissant les boissons alcooliques applicables aux Indiens dans les Territoires du Nord-Ouest. Le traité prévoyait en outre la création d'écoles lorsque les Saulteux le désireraient. Note de bas de page 163
Le traité renferme aussi une clause d'expropriation qui permettait au gouvernement de s'approprier des sections des réserves aux fins de travaux publics, une compensation étant accordée pour les améliorations qui y auraient été faites. Note de bas de page 164 Cette recommandation avait été faite par Dawson dans son rapport de 1870, bien que rien n'indique que le gouvernement s'y fut arrêté. Ce qui est très intéressant, c'est que le compte rendu des négociations publié dans le Manitoban n'a fait qu'une brève allusion à cette disposition et a cité l'un des chefs qui disait comprendre que les Indiens pourraient être expulsés si le ministère des Travaux publics avait besoin d'une section donnée d'une réserve. Note de bas de page 165 On ne sait pas exactement quand au cours des négociations cette question a fait l'objet de discussion avec les Saulteux et qui a pris l'initiative d'inclure cette clause particulière dans le traité, mais on suppose que le crédit en revient à Dawson qui veillait aux intérêts de son ancien ministère.
La Commission a aussi inclus dans le traité une disposition permettant aux Indiens de chasser et de pêcher sur les terres inoccupées de la Couronne jusqu'à ce que ces dernières soient requises pour la colonisation, l'exploitation minière, la coupe du bois ou autres fins. Note de bas de page 166 Le lieutenant-gouverneur Archibald avait fait une promesse verbale à cet égard aux Indiens lors de la signature des traités no 1 et no 2, mais cette promesse n'a jamais été incorporée au texte. Cette fois-ci, on a veillé à ne pas faire d'omission de ce genre.
Malgré le soin qu'elle a semblé mettre à l'inclusion de tous les articles au traité, la Commission a néanmoins oublié un certain nombre de points qui avaient fait l'objet de discussion au cours des négociations et sur lesquels on avait semblé s'entendre. L'un de ces points est celui de la conscription. Les Saulteux avaient demandé d'être exemptés du service militaire en cas de conflit mettant aux prises les Britanniques, et Morris les avait assurés que le gouvernement ne les obligerait pas à s'enrôler. Note de bas de page 167 Toutefois, aucune disposition du traité ne leur offre cette garantie. Par conséquent, les Saulteux, particulièrement au cours de la Deuxième Guerre mondiale, ont été soumis à la conscription.
Les Saulteux ont soulevé la question des droits miniers et Morris leur a dit que si l'on découvrait d'importants gisements miniers sur la réserve, les minerais seraient vendus avec leur consentement pour leur bénéfice. Note de bas de page 168sition à cet égard. Peut-être les commissaires ont-ils cru que la clause s'appliquant à la vente des terres suffisait. Cependant, comme on le verra, quand est venu le temps de choisir la réserve, le gouvernement a pris des précautions pour veiller à ce que la question des droits miniers ne soit pas soulevée.
Un troisième point concerne les Saulteux du Canada qui avaient émigré aux États-Unis et que les Indiens voulaient inclure dans le traité. Le gouverneur Morris avait alors insisté sur le fait que le traité était réservé aux Indiens canadiens seulement, mais il avait dit que les enfants des Saulteux qui reviendraient au Canada dans les deux ans seraient inclus dans le traité et avait déclaré qu'il obtiendrait une liste des personnes concernées. Note de bas de page 169 Le traité ne renferme cependant aucune clause sur le sujet. On ignore si des mesures administratives ont été prises pour s'occuper des Saulteux qui revenaient au pays ou si une liste de noms a été dressée. Les Indiens demandaient en outre de recevoir des vivres au moment du versement de la annuité prévue au traité, et le gouverneur Morris avait acquiescé à leur demande. Note de bas de page 170 Ce point ne figure pas non plus au traité.
Les Saulteux ont longtemps soutenu que la version imprimée du traité no 3 est inexacte, et qu'ils étaient en possession de l'original qu'ils appelaient le "Traité Paypom". Il semble qu'un membre d'une tribu, un certain Allan Paypom, ait obtenu ce document d'un photographe nommé C.E. Linde en 1906, et que cet Indien aurait versé en échange du document une somme d'argent non spécifiée. On ignore si Linde a assisté aux négociations du traité ou comment il a obtenu le document. Note de bas de page 171
Le "Traité Paypom" est en fait une transcription des notes prises par Joseph Nolin, que les Saulteux avaient engagé pour rédiger un compte rendu en leur nom. Morris avait indiqué dans son rapport que les notes devaient être prises en français et qu'il en avait obtenu un double pour l'envoyer à Ottawa. Note de bas de page 172 Cependant, les exemplaires qui subsistent maintenant sont en anglais seulement. Le "Traité Paypom" est aussi en anglais, mais au contraire des autres exemplaires, il porte la signature de Joseph Nolin et d'August Nolin. Note de bas de page 173
Le "Traité Paypom", ainsi que les autres doubles des notes de Nolin, ont été rédigées, ou tout au moins traduits, en anglais parlé; ils étaient probablement fidèles à l'original français, et énumèrent les points de l'entente. Le "Traité Paypom" précise les points énoncés dans la version imprimée du traité no 3 et les quatre points dont on vient de parler. Il stipule que :
Si les enfants dispersés viennent s'établir avec nous d'ici deux ans, ils auront le même privilège que vous.
Le gouvernement anglais ne demander jamais aux Indiens de l'aider dans ses combats, mais il s'attend que vous viviez en paix avec les Peaux-Rouges et l'homme blanc.
12.Si les Indiens trouvent des mines d'or ou d'argent sur leurs réserves, ce sera à leur bénéfice, et si les Indiens trouvent des mines d'or ou d'argent à l'extérieur de leurs réserves, le gouvernement leur versera un montant d'argent pour avoir découvert ces mines.
16. Vous recevrez des vivres chaque année au moment du paiement. Note de bas de page 174
Outre ces quatre points, le document stipule que :
M. Dawson a dit qu'il agirait comme par le passé au sujet du passage des Indiens sur sa route. Les Indiens seront aussi libres que par le passé de chasser et de récolter. Note de bas de page 175
La première partie de cette déclaration est quelque peu obscure et trompeuse. L'un des chefs des Saulteux avait parlé des routes, des navires à vapeur sur le lac et la rivière à la Pluie ainsi que du chemin de fer qu'on prévoyait construire, et avait demandé que les Indiens empruntent gratuitement ces moyens de transport. Morris avait refusé d'accorder aux Indiens un laissez-passer de chemin de fer. La question a été alors adressée à Dawson qui représentait le ministère des Travaux public. Dawson avait répondu que :
Je suis toujours heureux de faire tout ce que je peux pour vous. Je vous ai toujours donné un droit de passage à bord des navires lorsque je le pouvais. Je continuerai d'agir comme par le passé, bien que je ne puisse vous faire de promesses pour l'avenir. Note de bas de page 176
Cette déclaration de Dawson indique clairement que la gratuité le long de la route Dawson, réseau de route et voie navigable combinée, était une faveur qu'on accordait aux Indiens. On ne voulait pas en faire un engagement découlant du traité.
La deuxième partie de la déclaration de Dawson concernant la chasse fait bien sûr partie des conditions du traité. Cependant, ni le rapport de Morris, ni le compte rendu du Manitoban n'aborde la question de la récolte du riz sauvage, bien que cette dernière soit, comme l'a indiqué Dawson lui-même dans son rapport de 1870, un élément important de l'économie indienne. Il est presque inconcevable que cette question n'ait pas été soulevée au cours des négociations, mais rien n'indique dans les documents existants, excepté le "Traité Paypom", qu'on en a discuté. Ainsi, cette importante activité économique pour les Indiens n'a pas été protégée par le traité.
Morris a déclaré dans son rapport que la conférence était suspendue tandis qu'on rédigeait le texte du traité pour refléter l'entente à laquelle on en est arrivé. Note de bas de page 177 Cependant, le "Traité Paypom"(notes de Nolin) et le récit de Morris dans son livre intitulé The Treaties of Canada with the Indians of Manitoba and the Northwest Territories indiquent clairement que des points ayant fait l'objet de discussion et d'une entente n'ont pas été inclus dans les conditions du traité no 3. Il est intéressant de noter dans ce contexte que le traité no 3 ne couvre pas la récolte du riz sauvage, mais accorde aux Indiens le droit de pêcher sur les terres inoccupées de la Couronne. Le "Traité Paypom", pour sa part, ne parle pas de la pêche.
On ne sait pas très bien pourquoi ces points particuliers n'ont pas été inclus dans le traité, bien que Dawson nous en donne plus tard une idée qu'il est fort tentant de croire. En 1895, Dawson a écrit au sous-ministre des Affaires indiennes, Hayter Reed, au sujet des droits de pêche et de chasse dans le secteur couvert par le traité no 3 et a déclaré que :
J'ai été l'un des commissaires nommés par le gouvernement pour négocier un traité avec la tribu des Saulteux des Indiens Ojibeway et j'ai à ce titre travaillé avec W.M. Simpson en 1872, et par la suite avec le lieutenant-gouverneur Morris et M. Provenchar en 1873. Le Traité a pratiquement été rédigé par moi-même et M. Simpson en 1872, et c'est l'ébauche que nous avons alors rédigée qui a finalement été adoptée et signée à l'angle nord-ouest du lac des Bois en 1873. Note de bas de page 178
C'est une déclaration fort révélatrice qui contredit celle qu'a fait Morris dans son rapport. Si cela est vrai, le semblerait que les commissaires, peut-être dans leur hâte de conclure l'entente, aient présenté comme version définitive l'ébauche du traité conclu l'année précédente, qui ne renfermait pas les nouveaux points sur lesquels on s'était entendu au cours des négociations qui venaient de prendre fin. Il s'agirait là d'une explication plausible au fait que les points susmentionnés n'ont pas été inclus dans les conditions du traité no 3.
En supposant que tel soit le cas, une autre question se pose. Morris a déclaré dans son rapport que :
À la fin de cette période, les négociations ont repris, et après la lecture du traité et son explication en langue indienne par l'honorable James McKay, les commissaires et plusieurs chefs indiens y ont apposé leur signature, la première étant celle d'un chef héréditaire très âgé. Note de bas de page 179
On se demande pourquoi les Indiens à qui on a lu et expliqué le traité dans leur langue ne s'étaient alors pas opposés au fait qu'il y manquait des points d'entente. Le seul document portant la signature des représentants du gouvernement et des Saulteux, indiquant ainsi leur acceptation des conditions, est le traité no 3.
En juillet 1874, S.J. Dawson et Robert Pither ont été désignés par décret du conseil pour choisir, en assemblée avec les Indiens, les réserves prévues aux conditions du traité no 3. Note de bas de page 180 Les deux commissaires ont aussi été informés que :
Le Ministre n'a pas d'objection à ce que l'une des réserves de friche occupe l'espace désigné par M. Dawson en bordure de la rivière à la Pluie, mais il suggère que les autres réserves de cette catégorie susceptibles d'être choisies se situent autant que possible à l'extérieur de la ligne de démarcation probable des colonies futures, et ne comprennent pas de terre qui, à la connaissance des commissaires, renferme des gisements miniers ou pour lesquels une demande sérieuse à titre de terres minières a été faite au Dominion ou au gouvernement de l'Ontario. Note de bas de page 181
Afin d'aider les commissaires, le Ministre de l'Intérieur leur a fournit deux cartes indiquant les emplacements connus de gisements miniers dans la région couverte par le traité no 3, ainsi qu'une liste de toutes les demandes faites au Bureau des terres du Dominion pour la reconnaissance des terres minières. Note de bas de page 182
Dawson et Pither ont travaillé pendant tout l'été et, à la mi-octobre, ont télégraphié de l'angle nord-ouest que les réserves des régions du lac des Bois et de la rivière à la Pluie avaient été choisies. Note de bas de page 183 En janvier 1875, Dawson a présenté un rapport complet à E.A. Meredith, sous-ministre de l'Intérieur. Dawson y déclara que les commissaires avaient soigneusement suivi les instructions qu'ils avaient reçues, qu'ils avaient autant que possible choisi les réserves de friche à l'extérieur de la région réservée à la colonisation future et avaient aussi exclu toutes les terres minières connues ou les régions réputées être des terres minières pour lesquelles des demandes avaient été faites au gouvernement de l'Ontario ou à celui du Dominion. Note de bas de page 184
Les rencontres avec les Indiens concernant le choix des réserves s'étaient bien déroulées même s'il y avait eu quelques difficultés comme l'indique Dawson :
Nous n'avons pas eu beaucoup de difficulté à traiter avec les Indiens à l'est de Fort Frances, mais les bandes de la rivière à la Pluie croyaient fermement au plan qu'ils avaient établi et qui consistait à ce que leurs frères du lac des Bois se joignent à eux pour occuper la ceinture de terres fertiles qui bordent cette rivière de Fort Frances à Hungry Hall. Ce sont probablement quelques Métis et hommes blancs voulant servir leurs propres intérêts qui les ont incité à concevoir ce plan, mais, quelle qu'en soit la raison, les Indiens se sont montrés si obstinés qu'ils ont refusé pendant un certain temps d'accepter leurs paiements annuels si leurs demandes n'étaient pas satisfaites. Ils semblaient même prêts à aller jusqu'à rejeter le traité conclu l'année précédente. Cependant, en usant de patience et en faisant appel au bon sens et à l'honneur des Indiens, les commissaires les ont amené à voir que leurs points de vue étaient insoutenables; les Indiens ont finalement consenti dans un esprit des plus amical à accepter les espaces qui leur avaient été réservés et ont renoncé à leur intention de regrouper les bandes du lac des Bois. Note de bas de page 185
Une situation semblable s'était produite à l'angle nord-ouest avec les Saulteux du lac des Bois, mais le problème a finalement été résolu à la satisfaction des deux parties. Dawson indiqua que dans ce cas, les deux catégories de réserves, à savoir celles de terres agricoles et de friche, étaient situées sur des îles et se trouvaient ainsi à une certaine distance des terres réservées à la colonisation par les Blancs. Note de bas de page 186 En 1880, les réserves étaient toutes choisies et la plupart étaient arpentées. Note de bas de page 187
À l'époque du choix des réserves, un litige séparait le Canada et la province de l'Ontario au sujet de la limite ouest de cette dernière. Ce litige a été résolu en 1889 par une loi de l'Empire britannique appelée Loi de 1889 sur le Canada (Frontière de l'Ontario), qui a donné à l'Ontario sa limite actuelle à l'ouest. Note de bas de page 188 Cela signifiait que le gros du territoire couvert par le traité no 3 s'étendait maintenant à l'intérieur des limites de l'Ontario et que cette province avait un droit sur les terres à titre de bénéficiaire. En fait, la jouissance par l'Ontario des terres couvertes par le traité no 3 avait été établie l'année précédente, soit en 1888, dans la cause opposant St. Catherines Milling and Lumber Company et la Reine, où il avait été déclaré :
que le plein droit à titre de bénéficiaire des terres cédées en vertu du traité no 3 allait à la province de l'Ontario, et que le fait que le gouvernement fédéral ait une juridiction législative sur les "Indiens et les terres qui leur sont réservées"(article 91(24) de l'A.A.N.B.) n'est pas incompatible avec le fait que les terres appartiennent à l'Ontario. Note de bas de page 189
L'acquisition par la province d'un droit à titre de bénéficiaire signifiait que cette dernière devait être d'accord avec le choix, l'emplacement et l'étendue des réserves. En 1894, le gouvernement du Canada et la province de l'Ontario ont signé une entente pour régler les points en suspens concernant l'octroi des terres aux Indiens en Ontario. La province était mécontente de ce qu'elle considérait être l'étendue disproportionnée de terre accordée dans la région couverte par le traité no 3. Dans une lettre adressée à Hayter Reed, surintendant général adjoint des Affaires indiennes, Aubrey C. White, commissaire adjoint aux terres de la Couronne de l'Ontario, a présenté la position de cette dernière :
Les réserves choisies bordent généralement les eaux navigables et on signale qu'elles sont placées en ce qui concerne la mise en valeur et l'ouverture du territoire contigu.
Comme les réserves sont déjà constituées, j'ajouterai que le gouvernement de l'Ontario ne veut pas inquiéter les Indiens, et serait par conséquent sans doute disposé à acquiescer au choix des réserves en échange d'une compensation appropriée au choix des réserves en échange d'une compensation appropriée qui lui serait versée compte tenu du fait qu'une partie des terres consacrées aux réserves plus grande qu'il n'est équitable en proportion de l'ensemble du territoire cédé en vertu du traité se trouve en Ontario, et du retard qui peut être causé à la colonisation des terres de la province, isolées par l'appropriation de terres à des fins qui peuvent en empêcher indéfiniment la mise en valeur. Note de bas de page 190
La trop grande superficie de terres accordées aux réserves résulte de deux facteurs. D'abord, les commissaires avaient choisi les réserves en se fondant plutôt sur les régions que leur indiquaient les bandes, pourvu qu'elles fussent à une certaine distance de la colonie des Blancs et de la route Dawson, que sur l'application stricte du droit concédé par le traité. Note de bas de page 191 L'autre facteur mettait en cause l'arpentage original des réserves. Un mémoire du ministère des affaires indiennes en date de décembre 1890 indique que :
L'arpenteur a expliqué que ces excédents tiennent au fait que de grandes étendues d'eau et de marécage se trouvaient à l'intérieur des limites des réserves et que ces étendues n'ont pas été arpentées en raison du coût additionnel que cela aurait représenté, et qu'elles n'ont par conséquent pas été incluses dans la superficie des réserves. Note de bas de page 192
En raison de ces arpentages incomplets, certaines bandes ont reçu une étendue de terre plus grande que celle à laquelle elles avaient droit alors que d'autres en ont reçu une étendue moindre. Note de bas de page 193
Les négociations entre le Canada et l'Ontario sur cette question s'est déroulé lentement de 1894 à 1913; en décembre de cette année-là, une entente est venu confirmer l'existence des réserves de la région couverte par le traité no 3, comme l'indique des notes prises par D.C. Scott, surintendant général adjoint des Affaires indiennes :
L'Ontario doit confirmer l'existence des réserves figurant au traité no 5, à l'exception de la réserve 24C (identifiée comme étant la réserve indienne du lac Sturgeon no 24C située dans le parc provincial Quetico) qui est supprimée. L'Ontario doit rédiger un mémoire qui sera présenté à Son Excellence le lieutenant-gouverneur en conseil et qui confirmera l'existence des réserves tout en sauvegardant les droits légitimes de la province; ce mémoire recevra l'accord du Dominion et servira de base aux décrets du conseil conjoints. Le Dominion tentera d'obtenir une rétrocession de la réserve de friche ainsi que l'unification des bandes qui en sont propriétaires et de celles de la rivière à la Pluie avec une rétrocession de leurs réserves, à l'exception de la réserve des Manitou Rapids. Note de bas de page 194
L'année suivante, le Canada et l'Ontario en sont venus à un compromis. L'Ontario prétendait que le nombre d'acres excédent celui découlant du traité était de 24 283 acres (9,834.6 hectares) alors que le Canada prétendait que ce nombre était de 19 273 acres (7,805.6 hectares). Le Canada maintenait que la population à l'époque de l'établissement des réserves était plus importante que les chiffres selon lesquels les réserves avaient été attribuées, et soutenait que l'Ontario devrait créditer 2 211 acres (895.5 hectares) au Dominion, réduisant ainsi la réclamation d l'Ontario à 22 072 aces (8,939 hectares). Il fut alors convenu de répartir la différence entre l'estimation du Dominion et l'estimation réduite de l'Ontario pour en arriver à un chiffre de 20 672 acres (8,372 hectares) pour lesquels la province recevrait une compensation au taux d'un dollar l'acre (0.405 hectare), pour un total de 20 672$. Note de bas de page 195 Cette compensation a été versée à l'Ontario en 1916. En retour, l'Ontario adopta en 1915 une loi confirmant l'existence des réserves (5 Geo. V.C. 12). Note de bas de page 196
L'application du traité no 3, comme dans le cas des traités no 1 et no 2, a rencontré des difficultés, du moins au début. Le gouvernement, dans un effort pour réduire les problèmes qui s'étaient posés lors des premiers traités, avait, à la suggestion du lieutenant-gouverneur Morris, nommé J.A.N. Provencher commissaire résidant des Indiens. Provencher devint essentiellement l'agent administratif d'un comité de trois membres chargés de l'application des traités. Note de bas de page 197 Les autres membres étaient le lieutenant-gouverneur Morris et M. Lindsay Russell de la Direction des terres du ministère des Affaires indiennes. E.A. Meredith, sous-ministre de l'Intérieur, avait demandé à Provencher de rassembler des quantités suffisantes de graines de semence et d'outils agricoles pour l'ouverture de la navigation de façon que les Indiens qui cultivaient puissent ensemencer leurs terres au printemps. On avait aussi demandé à Provencher de donner des costumes et des drapeaux aux chefs et aux hommes marquants au moment du paiement prévu au traité ainsi qu'une partie, sinon le tout, des munitions prévues et de la ficelle servant à la fabrication des filets de pêche. En outre, on lui demanda de rassembler à l'occasion du paiement prévu au traité des quantités suffisantes de farine, de porc et d'autres biens pour subvenir aux besoins des Indiens. Note de bas de page 198 Ces promesses avaient été faites par Morris mais n'avaient pas été incluses dans le traité. Il semble toutefois que le gouvernement ait été prêt à respecter cet engagement.
Une impression de parcimonie se dégage des instructions de Meredith, qui est peut-être révélatrice de la situation financière du gouvernement à cette époque et, en particulier, du ministère de l'Intérieur qui s'occupait des Affaires indiennes. Provencher s'est fait dire par exemple que son estimation du nombre de charrues, de herses et d'outils agricoles est, selon les ministres (le Cabinet), supérieure aux besoins actuels des Indiens, et que les coûts qu'il avait mentionnés étaient très élevés. Note de bas de page 199 On proposa donc de n'acheter qu'un petit nombre de ces articles au prix de gros et de ne les donner qu'aux Indiens qui cultivaient actuellement la terre. Provencher a appris en outre qu'il ne disposait que de 20 000$ pour l'achat d'outils de toutes sortes, et de 6 000$ pour l'achat de bétail et d'animaux de ferme. Note de bas de page 200 On croyait que ces sommes suffiraient si on savait en faire bon usage.
Meredith a terminé ses instructions en donnant le conseil suivant :
En terminant, le Ministre désire vous faire savoir que les dépenses liées à l'administration des Affaires indiennes au nord-ouest ont déjà atteint des proportions très élevées, et il souhaite fortement vous faire comprendre la nécessité de faire tous les efforts possibles pour réduire les dépenses au niveau le plus bas tout en respectant les obligations découlant du traité. Note de bas de page 201
Les contraintes financières n'était pas le seul facteur qui a retardé la distribution des biens. L'agent Pither s'est plaint que les biens destinés aux Indiens n'ont pas été expédiés à temps de la Rivière-Rouge. Il proposa que les articles lui soient expédiés au plus tard le 15 ou le 20 juillet (1874) de façon qu'il puisse payer les annuités et distribuer les biens au plus tard le 1er août. Note de bas de page 202
Pither s'est également plaint que certains des articles et des animaux qu'il a reçu étaient de mauvaise qualité. Il nota que les deux boeufs qu'on lui avait envoyé pour les Indiens du lac des Bois avaient été traités sans ménagement et qu'ils étaient en si mauvais état qu'il a dû les retourner à la Rivière-Rouge. Le harnais des boeufs était aussi de mauvaise qualité et Pither a demandé un harnais de qualité puisque les Indiens n'avaient droit qu'à un seul harnais en vertu des conditions du traités. De même, trente têtes de bétail destinées aux Indiens de la rivière à la Pluie n'ont pas été expédiées de Winnipeg. La situation était telle que Pither a dû s'adresser à la Compagnie de la baie d'Hudson pour obtenir les approvisionnements nécessaires et même l'argent comptant pour payer les annuités afin de respecter les obligations du gouvernement à l'égard des Indiens. Note de bas de page 203
Cette situation a incité bientôt les Indiens à se plaindre. Dawson a rapporté que :
Les chefs se plaignent que la stipulation du traité concernant le costume, les drapeaux et les médailles n'a pas été respectée, que le bétail et autres biens promis n'ont pas été expédiés à ceux qui étaient prêts à les recevoir, et que les outils de menuiserie étaient de mauvaise qualité et en nombre insuffisant. Note de bas de page 204
Dawson a suggéré de dresser un rapport faisant état des lacunes et de la mauvaise qualité des marchandises, et proposa implicitement qu'on remédie à la situation. Note de bas de page 205
Des mesures correctives ont été prises, bien qu'elles fussent peut-être lentes à venir. En 1878, Pither a rapporté que les chefs avaient au moins reçu leurs médailles. Note de bas de page 206 Les animaux de ferme ont été livrés lorsque les Indiens étaient prêts à les recevoir de façon qu'en 1888, seulement deux bandes, la bande Nickickcominescan de lac à la Pluie et la bande du lac Sturgeon, n'avaient pas reçu tout ce qui leur était destiné. La bande Nickickcominescan avait encore droit à une vache tandis que celle du lac Sturgeon attendait encore ses quatre vaches, ses deux boeufs et son taureau. Note de bas de page 207 Les dépenses pour l'achat d'outils agricoles étaient plus difficiles à établir en raison de l'absence de données sur le sujet. En 1889 toutefois, le surintendant général des Affaires indiennes, Edgar Dewdney, a écrit que :
... compte tenu du fait que dans certains districts la quantité de gibier et d'animaux à fourrure a considérablement diminué en raison de l'expansion de la colonisation par les Blancs, les bandes indiennes ont reçu plus d'articles que le prévoyait le traité parce que leurs membres ont dû s'adonner à l'agriculture et à l'élevage du bétail à titre de complément aux autres ressources qui leur permettent de subvenir à leurs besoins. Note de bas de page 208
En 1907, selon "l'annexe" de l'état des dépenses, le ministère des Affaires indiennes avait dépensé 77 745$ pour l'achat d'animaux, d'outils et de graines destinés aux Indiens en vertu du traité no 3. Cette somme semble être une indication raisonnablement précise du respect des engagements découlant du traité. Note de bas de page 209
Une conséquence importante du traité no 3 était l'incidence qu'il a eu sur les Indiens lors de la signature des traités no 1 et no 2. Dans un rapport au ministre de l'Intérieur, le commissaire des Indiens Provencher a noté que ces derniers étaient contrariés par les "promesses en dehors" des traités no 1 et no 2 et par la disparité qui existait entre les conditions découlant du traité no 3 et celles qui leur avaient été consenties. Note de bas de page 210 Cette observation a été reprise par l'agent des Indiens, Molyneux St. John, qui écrit :
On doit se rappeler que ces "promesses extérieures" ont été faites avant la négociation du traité à l'angle nord-ouest du lac des Bois, et compte tenu de l'extraordinaire disparité entre les conditions des traités no 1 et no 2 et celles du traité conclu à l'angle nord-ouest, je n'entretiens pas le moindre espoir de pouvoir satisfaire les Indiens signataires des traités no 1 et no 2 dans ce nouvel état des choses. Aucun des points accordés aux Indiens de l'Est de la province ne sera oublié par les autres et ces derniers ne manqueront pas de souligner, comme leur a déjà mentionné le lieutenant-gouverneur Archibald dans une dépêche, qu'ils renoncent à de riches prairies alors que les Indiens de l'Est cèdent des terres de roches et des marécages. Note de bas de page 211
St. John a recommandé que :
Si le gouvernement décide qu'il est nécessaire de rouvrir les traités nos 1 et 2, puisque la réouverture de l'un implique celle de l'autre, je recommanderais respectueusement qu'on ne discute pas d'un nouveau traité, mais que ce qu'il y a à dire soit présenté aux Indiens rassemblés pour l'entendre comme une marque de bienveillance et de générosité de la part du gouvernement et soit écrit en leur présence pour les satisfaire et les rassurer. Nous savons mieux que les Indiens eux-mêmes ce que nous devrions leur donner et ne pas leur donner. Note de bas de page 212
En 1875, le gouvernement a règlé la question des "promesses en dehors du traité" et celle de la disparité entre les traités en suivant le conseil de St. John. Bien qu'il écartait toute revendication concernant les promesses, le gouvernement a admis qu'il y avait eu malentendu. Pour corriger la situation, il a augmenté la annuité de chaque Indien de trois à cinq dollars par année, et celle du chef à vingt dollars par année, comme dans le traité no 3. Note de bas de page 213 Bien que le gouvernement qualifiait cette mesure de marque de bienveillance de sa part, les Indiens dont l'annuité a été augmentée devaient renoncer à toute réclamation contre le gouvernement concernant les "promesses en dehors du traité". Les Indiens signataires des traités nos1 et 2 n'ont pas obtenu cependant la parité avec le traité no 3 au chapitre du droit à une étendue de terre, celle-ci demeurant à 160 acres par famille de cinq personnes. Ainsi, le gouvernement a été capable de régler simultanément la question des "promesses en dehors du traité" et celle de la disparité monétaire entre les traités. On se demande si le gouvernement aurait pris cette mesure si le traité no 3 n'avait pas existé, mais comme il avait été signé, le gouvernement aurait eu beaucoup de mal à nier avoir accordé de plus grands avantages à d'autres. Le traité no 3 a donc servi de modèle à la révision des traités no 1 et 2 et à la négociation des autres traités numérotés.
Une caractéristique exceptionnelle du traité no 3 est l'adhésion des Métis en 1875. La question des Métis s'est avérée contrariante pour le gouvernement. En fait, c'était en grande partie la négligence du gouvernement à l'égard des préoccupations de ces derniers, notamment en ce qui a trait aux terres, qui avait encouragé la première rébellion de Riel en 1870. Afin de désamorcer la situation et de calmer les Métis, le gouvernement a adopté l'Acte du Manitoba qui a créé la province du Manitoba et a reconnu que les Métis comme les Indiens avaient un droit d'usufruit sur les terres. Note de bas de page 214 L'article 31 de cette loi prévoit que 1 400 000 acres (567,000 hectares) seraient accordés aux enfants des chefs de famille métisse au moyen du rachat des titres provisoires (c.-à-d. les certificats de propriété foncière). Les dispositions de la loi ne s'appliquaient pas toutefois à l'extérieur des limites initiales de la province du Manitoba. Note de bas de page 215
Malgré les dispositions de l'Acte du Manitoba, certains Métis préféreraient se considérer comme des Indiens et cherchaient à être inclus dans les traités conclus avec les Indiens. Le commissaire Simpson, pendant le paiement prévu aux traités dans la région des traités nos 1 et 2, a noté que :
Au cours du paiement versé à plusieurs bandes, on a constaté que certaines d'entre elles, et plus particulièrement celles de la rivière Broken Head, comptent un certain nombre de personnes qui se qualifient d'Indiens mais qui sont en réalité des Métis ayant droit à une part de terre en vertu des dispositions de l'Acte du Manitoba. J'ai donc veillé à ce qu'on explique à tous et à chacune des personnes en cause qu'en choisissant d'être classée parmi les Indiens et en recevant la paye et la compensation des Indiens, toute personne renonçait à son droit à une autre concession en qualité de Métis; chaque Métis reconnu comme tel s'est vu expliquer l'incidence de son choix pour lui-même et ses enfants et a été laissé libre de choisir dans quelle catégorie il se plaçait. Note de bas de page 216
Dans le cas du traité no 3, c'était les Indiens qui avaient demandé que les Métis soient inclus dans le traité. Cette demande a été faite après la réunion qui avait eu lieu entre les Saulteux et les Métis, tôt le matin du troisième jour des négociations, et qu'avait sans doute été influencée par ces derniers. Morris a répondu que le traité n'était pas pour les Blancs, mais voulant sans aucun doute apaiser les Indiens, et se rappelant peut-être le précédent créé par Simpson, il a déclaré qu'il recommanderait que les Métis aient le droit de choisir le statut d'Indien ou de Blanc.
En 1874, Dawson a informé le ministre de l'Intérieur que les Métis de la rivière à la Pluie, au nombre d'une centaine, voulaient être inclus dans le traité, et il demandai s'il devrait les traiter comme une bande indienne en ce qui a trait à l'attribution d'une réserve. Note de bas de page 217
Le Ministère a répondu que :
Nous avons fait savoir à Provencher le 21 avril que nous n'avions pas d'objection à ce que quelques familles de Métis vivant à l'extérieur du Manitoba, ayant adopté les habitudes des Indiens et dont la conjointe est une Indienne, choisissent d'être traitées comme des Métis ou des Indiens. Note de bas de page 218
Dans la lettre qu'il adressait à Provencher le 21 avril 1874, le sous-ministre de l'Intérieur E.A. Meredith, déclarait que :
Je fais en outre remarquer qu'à l'extérieur du Manitoba, notamment aux environs de Fort Frances, il y a quelques familles de Métis qui ont adopté les habitudes des Indiens, dont la conjointe est une Indienne et qui désirent faire partie de la bande indienne et être traités comme des Indiens.
Je n'ai pas d'objection à ce que ces Métis choisissent d'être traités comme tel ou comme des Indiens, mais on devrait leur expliquer que s'ils choisissent d'être traités en Indiens, ils ne perdront pas de ce fait leur droit à une étendue de terre, comme ce fut le cas pour les Métis du Manitoba, mais ils auront le statut de mineurs, seront incapables d'acquérir ou d'aliéner de la propriété sans le consentement de la bande et du gouvernement et perdront aussi le droit de vote aux élections. Note de bas de page 219
En 1875, Nicholas Chatelaine, récemment nommé chef des Métis, rencontre l'arpenteur général J.S. Dennis, qui travaille à l'arpentage des réserves indiennes, et lui indique que les Métis veulent maintenant être inclus dans le traité. Dennis se réunit avec Chatelaine et les principaux hommes du groupe des métis et leur lit les dispositions du traité. Les Métis se disent satisfaits de ces dispositions, à l'exception de l'annuité annuelle de 1 500$ versée pour l'achat de munitions et de ficelle pour la fabrication des filets. Les Métis croient que cette somme doit être réservée exclusivement aux Indiens, craignant que ces derniers soient mécontents si les Métis en reçoivent une part. Ils demandent plutôt de recevoir un montant proportionnel pour la même fin. Après avoir évalué ce montant à quarante dollars seulement par année, Dennis accepte et les Métis signent leur adhésion au traité. Note de bas de page 220
L'adhésion au traité stipulait que les Métis céderaient tous les droits, prétentions, titres ou intérêts qu'ils pouvaient avoir en vertu de leur sang indien à l'égard des terres ou des territoires décrits au traité no 3. En retour, les Métis recevraient des terres, des montants d'argent, des indemnités et des présents selon des modalités analogues à celles prévues pour les Indiens, à l'exception de la somme réservée à l'achat de munitions et de ficelle pour la fabrication des filets qui leur sera versée sur une base proportionnelle. Note de bas de page 221 Deux réserves portant les numéros 18A et 18B leur ont été attribuées sur la rive du lac à la Pluie, à côté de la réserve de la bande de Little Eagle. Note de bas de page 222
L'adhésion des Métis au traité no 3 diffère de tous les traités antérieurs puisque ces derniers ont été reconnus comme un groupe distinct et ont reçu des terres constituées en réserve. Cette mesure a été citée comme un exemple de reconnaissance par le gouvernement des droits des Métis, mais il s'agit peut-être d'un point discutable.
Comme John Taylor l'a fait remarquer :
La politique du Dominion régissant les Indiens dans la région nord-ouest n'a été élaborée qu'au cours des années 1870. Le gouvernement n'en savait que très peu sur la région et ses habitants. Dans de telles circonstances, on peut s'attendre à des anomalies de ce genre. Note de bas de page 223
La réponse envoyée à Dawson en 1874, à savoir que les Métis pouvaient choisir d'être traités comme tel ou comme des Indiens, nous donne une idée de la confusion qui existait à l'époque. Seul l'article 31 de l'Acte du Manitoba permettait alors de reconnaître les Métis comme tel au Manitoba seulement. Aucune autre loi ne permettait d'appliquer cette reconnaissance ailleurs au Canada. Note de bas de page 224
Un deuxième point auquel on doit s'arrêter est le fait que c'était les Indiens qui avaient d'abord demandé que ce groupe particulier de Métis soit inclus dans le traité. La crainte des Métis que les Indiens se montreraient mécontents ou même hostiles s'ils devaient partager avec eux les 1 500$ prévus pour l'achat de ficelle et de munitions était une reconnaissance tacite du fait que l'inclusion des Métis au traité était attribuable aux Saulteux et à l'engagement que ces derniers avait reçu de Morris plutôt qu'à une reconnaissance manifeste de leur position en tant que tel.
Un troisième point qui mérite d'être étudié davantage est le quatrième paragraphe de l'adhésion des Métis au traité :
Les parties aux présentes (l'entente en question devant cependant être approuvée et confirmée intégralement par le gouvernement, sans quoi elle sera considérée comme nulle et non avenue) s'entendent sur ce qui suit ... Note de bas de page 225
Comme il est indiqué ailleurs, on ne sait pas si le gouvernement a approuvé cette entente par décret du conseil ou autrement. Note de bas de page 226
Quant aux Métis, ils ont fini par se mêler à la bande de Little Eagle et font maintenant partie de la réserve Coutcheching. Note de bas de page 227
Sommaire
Le gouvernement canadien, dans son désir et son ambition d'annexer les territoires régis par la Compagnie de la baie d'Hudson devait nécessairement traiter avec les autochtones qui habitaient la région. Le menace naissante que posait pour la colonisation la forte population d'autochtones a fait en sorte qu'il s'agissait d'une question d'intérêt personnel pour le gouvernement d'accommode cette population. À cette fin, le gouvernement a donc appliqué la politique concernant les Indiens en vigueur depuis l'acquisition du Canada par les Britanniques et dont le surintendant général adjoint aux Affaires indiennes, L. Vankoughnet, donne un aperçu en 1876 :
La politique du gouvernement du Canada en matière de gestion des Indiens est semblable à celle de la mère patrie lorsqu'elle en avait la responsabilité; c'est-à-dire qu'elle est tout à fait conciliante.
Conformément à ce principe, les Indiens, les tribus ou les bandes ne sont jamais privés des droits qui leur ont été reconnus sans recevoir de compensation, ou avant que le gouvernement et eux-mêmes ne se soient bien entendus (à titre de contractants) d'une part sur les droits à céder, et d'autre part sur la compensation à donner. Toutes les stipulations d'un traité ou d'un contrat sont strictement respectées. Note de bas de page 228
Le Canada avait aussi un engagement à respecter envers la Grande-Bretagne en ce qui concerne les Indiens. Lorsque le Parlement canadien a demandé l'entrée des Territoires du Nord-Ouest dans la Confédération, il s'est engagé à régler les réclamations des Indiens en conformité des principes équitables qu'avait toujours respectés la Couronne britannique dans ses relations avec les autochtones. Note de bas de page 229
Avec le nombre de plus en plus grand de traités conclus dans l'Ouest, le gouvernement a dépassé la simple question de la compensation pour s'intéresser à l'assimilation et à la protection des autochtones. Alexander Morris a résumé cet aspect lorsqu'il déclara que la création des réserves était des plus bénéfiques, car celles-ci garantissaient aux Indiens des "étendues de terre sur lesquelles ne peuvent empiéter les immigrants et offrent des moyens de les inciter à s'installer et à apprendre à cultiver". Note de bas de page 230; Vankoughnet partageait aussi ces sentiments lorsqu'il dit:
L'amélioration et l'élévation de la race indienne, sur les plans social et moral, retient aussi l'attention la plus sérieuse du gouvernement. Avec cet objectif en tête, on répand les idées liées à la religion, à l'éducation et à l'industrie, et le mécanisme de mise en oeuvre de ces idées fonctionne systématiquement chez les bandes où les circonstances qui les entourent assureront les chances de réussite. Note de bas de page 231
L'élargissement des conditions des traités et les autres domaines de préoccupation que souligne Vankougnet contrastent avec tous les autres traités conclus avant 1871.
Comme George F.G. Stanley l'a déclaré :
Il y avait une différence importante entre les cessions faites par les Indiens de l'Est du Canada et les traités conclus dans l'Ouest. Ces derniers étaient plus officiels, cérémonieux et imposants; les étendues cédées étaient plus grandes et les Indiens avec lesquels il fallait traiter étaient plus nombreux et plus belliqueux. De plus, les premières négociations consistaient seulement en une simple cession en échange d'argent comptant ou de annuités avec, peut-être, la promesse d'une réserve. Les derniers traités renfermaient les détails de la cession ainsi que l'obligation expresse pour le gouvernement du Canada de pourvoir à l'instruction, à la santé et à la civilisation des tribus autochtones. Note de bas de page 232
La politique du gouvernement à l'égard des traités dans l'Ouest reposait essentiellement sur le précédent des ententes signées antérieurement dans l'Est, c'est-à-dire, des cessions par les Indiens en échange d'un engagement minimal de la part du gouvernement.
Le fait que le gouvernement ait été obligé d'élargir ses obligations est peut-être en partie attribuable à l'altruisme paternaliste de l'époque, mais davantage aux compétences de négociateurs tenaces des Indiens, particulièrement dans le cas du Traité no 3.
Les Saulteux ont eu la chance d'occuper une position très stratégique sur la seule route de transport possible vers l'Ouest. Note de bas de page 233 Un autre avantage qu'avaient les Saulteux était le fait que leur subsistance ne dépendait pas du bison comme c'était le cas pour les Indiens des Plaines. Note de bas de page 234 La stabilité de leur approvisionnement en nourriture et l'inviolabilité de leur environnement leur avaient permis d'adopter une position beaucoup plus indépendante et parfois presque intransigeante. Ce n'est pas à dire que les Indiens avaient une position de domination absolue. Ils étaient plus que conscients de la marée colonisatrice des Blancs qui s'étendait vers l'ouest et, si le gouvernement frémissait à l'aide de faire la guerre aux Indiens dans le Nord-Ouest de l'Ontario, les Indiens n'étaient pas moins réticents à entrer en guerre. Leur refus de se joindre à la rébellion de la Rivière-Rouge et leur non-intervention lors du passage de la force expéditionnaire le prouvent bien. Simplement, les Saulteux désiraient traiter avec le gouvernement. La tribu a utilisé sa position stratégique et sa menace militaire naissante pour tirer le plus d'avantages possible du gouvernement sans que ce dernier les force toutefois à déclarer leur jeu.
Ils ont admirablement réussi dans cette tâche. Les conditions qu'ils ont obtenu dépassaient de loin celles des traités antérieurs et ont eu une incidence au-delà de la région que couvrait leur traité. Au cours des négociations du traité no 4 en 1874, les Indiens ont demandé les mêmes conditions que celles accordées dans le traité no 3. Note de bas de page 235 En outre, la signature du traité no 3 a obligé le gouvernement à réviser les dispositions des traités no 1 et 2 et à respecter les "promesses en dehors du traité". Le traité no 3 est donc devenu le traité définitif sur lequel se sont fondés tous les autres traités numérotés signés dans l'Ouest canadien.
ANNEXE : Traité Paypom
Voici les conditions du traité signé à l'angle nord-ouest, le troisième jour d'octobre mille huit cent soixante-treize :
- Le gouvernement donnera aux Indiens lorsqu'ils seront établis deux houes, une charrue pour chaque dizaine de familles, cinq herses pour chaque vingtaine de familles, une paire de boeufs, un taureau et quatre vaches par bande, une faux et une hache pour chaque famille et assez de blé, d'orge et d'avoine pour ensemencer la terre défrichée; ces articles sont donnés une fois pour toute pour encourager les Indiens à commencer leur labour.
- Mille cinq cent dollars chaque année en ficelle et en munitions.
- Douze dollars la première année à chaque Indien et cinq dollars chaque année subséquente (4), vingt-cinq dollars par année à chaque chef. Quinze dollars au conseiller, au premier guerrier et au messager.
- Les outils agricoles seront fournis cet hiver pour être donnés l'an prochain à ceux qui cultivent déjà et à ceux qui désirent cultiver, (6) le gouvernement donnera aussi une boîte d'outils de menuiserie.
- Des manteaux seront donnés aux chefs et à leurs hommes marquants tous les trois ans. Quant aux autres Indiens, il y a ici des biens qui leur seront distribués.
- Si les enfants dispersés viennent s'établir avec vous d'ici deux ans, ils auront le même privilège que vous.
- Je recommanderai aux autorités à Ottawa, secondé par le commissaire des Indiens, que les Métis qui vivent avec vous aient le même privilège que vous.
- Le gouvernement anglais ne demandera jamais aux Indiens de l'aider dans ses combats, mais il s'attend que vous viviez en paix avec les Peaux-Rouges et l'homme blanc.
- M. Dawson a dit qu'il agirait comme par le passé au sujet du passage des Indiens sur sa route. Les Indiens seront aussi libres que par le passé de chasser et de récolter du riz.
- Si les Indiens trouvent des mines d'or ou d'argent sur leurs réserves, ce sera à leur bénéfice, et si les Indiens trouvent des mines d'or ou d'argent à l'extérieur de leurs réserves, le gouvernement leur versera un montant d'argent pour avoir découvert ces mines.
- Le commissaire et un agent s'entendront avec les Indiens au sujet de la réserve qui devra être arpentée par le gouvernement. Les commissaires ne veulent pas que les Indiens abandonnent leur récolte immédiatement pour se rendre dans leur réserve.
- Au sujet du commissaire des Indiens, la Commission attend une réponse des autorités à Ottawa. J'écrirai à Ottawa et communiquerai avec M. Charles Nolin.
- On ne vendra pas d'alcool dans cette partie du territoire canadien. Il me fait grand plaisir de vous entendre et lorsque nous nous serrons la main, ce doit être pour toujours. Le gouvernement anglais devra traiter avec les commissaires si ces derniers agissent mal envers les Indiens. Je vous donne un double de l'entente et lorsque je serai de retour chez moi, je vous enverrai un double sur papier-parchemin.
- Vous recevrez des vivres chaque année au moment du paiement.
- La Reine enverra les policiers pour maintenir l'ordre et lorsqu'il y aura crime et meurtre, le coupable devra être puni.
- Ce traité durera aussi longtemps que le soleil brillera et que l'eau coulera, c'est-à-dire à jamais.
Joseph Nolin | August Nolin |
Bibliographie
Sources principales
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1871, 1874, 1888. Traité no 3 conclu le 3 octobre 1873 et adhésions, rapports, etc. Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1966.
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Traité no 3 du Grand Conseil. Communiqué 25 mai 1982.
Manitoba. Archives publiques (PAM)
MG12, A1 - Adams George Archibald, Correspondance et documents 1871-1872
MG12, B1 - Alexander Morris, Collection du lieutenant-gouverneur
MG12,B1 - Documents d'Alexander Morris, Collection Ketcheson
Ontario. Assemblée législative. Return to an Address to His Honour the Lieutenant-gouverneur, praying that he will cause to be laid before this House a return of copies of the statement of the Case of the Dominion filed on Indian Claims arising out of the North-West Angle Treaty No. 3. Toronto, L.K. Cameron, Kings Printer, 1905.
Sources secondaires
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