Rapport de recherches sur les traités Traités nos 1 et 2 (1871)
W. E. Daugherty, Le Centre de la recherche historique et de l'étude des traités, Direction de la recherche Orientations générales, Affaires indiennes et du Nord Canada, 1984
Format PDF (138 Ko, 25 pages)
Les opinions présentés par l'auteur de ce rapport ne sont pas forcement ceux du Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.
Table des matières
Historique
Résumé
Dès l'acquisition des Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement canadien a dû faire face au grave problème du règlement d'un accord avec les Autochtones occupant cette vaste région. Les traités no. 1 et 2 ont été les premiers efforts dans cette direction et, en tant que tels, ils ont servi de précédents à tous les traités numérotés de l'Ouest du Canada. L'objet de ce rapport est de donner une appréciation historique de ces premiers traités.
Le rapport est divisé en quatre sections. La première donne un historique de traités; la deuxième explique les dispositions et les clauses des traités; la troisième traite des problèmes de l'application; et la quatrième est un sommaire qui essaie de mettre en relief l'importance des traités.
Ce rapport n'est pas un compte rendu définitif, mais plutôt un guide pour des travaux ultérieurs de recherche. Les recherches et la rédaction de ce document ont été effectuées par le Centre de la recherche historique et de l'étude des traités; l'interprétation des événements et les points de vue exprimés ne devraient pas être considérés comme étant ceux du ministère des Affaires indiennes et du Nord.
Le chef du Centre de la recherche historique et de l'étude des traités
John F. Leslie
Le 1er juillet 1867 marque la fondation du Dominion du Canada. En vertu de l'article 146 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, constitution de la nouvelle nation confédérée, des dispositions prévoyaient l'admission de la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest adjacent dans l'Union canadienne. L'acquisition de ce territoire s'imposait, si le Canada voulait être la nation transcontinentale projetée par les Pères de la Confédération.
Le vaste Territoire du Nord-Ouest appartenait à la grande compagnie marchande de la Baie d'Hudson, à laquelle le roi Charles II avait accordé une charte en 1670 lui conférant des droits commerciaux exclusifs, dans le bassin hydrographique des rivières se déversant dans la baie d'Hudson. Cependant, au milieu de XIXe siècle, le Dominion de la Compagnie commença à décliner devant les progrès de la colonisation nord-américaine. Le prolongement de la frontière américaine vers le sud amena avec elle la doctrine du "destin manifeste" (Manifest Destiny). La menace naissante que représentait le risque d'annexion par les Américains de la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest adjacent, contribua à raviver l'intérêt et l'inquiétude des Canadiens. Le juge en chef du Haut-Canada, s'adressant devant un comité d'enquête parlementaire, fit part de ses craintes de la perte du Territoire en raison d'inaction.Note de bas de page 1 Aux préoccupations politiques venaient s'ajouter les aspirations commerciales de l'Ontario, particulièrement Toronto, qui voulait acquérir le territoire pour agrandir l'arrière-pays.Note de bas de page 2 Il en résulta des demandes de plus en plus pressantes visant l'annexion du territoire de la Compagnie de la Baie d'Hudson au Canada.
En 1857, un Comité d'enquête du Parlement britannique a été formé pour examiner le statut du monopole de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Après de longues délibérations, le Comité publia un rapport final recommandant que le district de la Rivière-Rouge et de la Saskatchewan soit cédé au Canada.Note de bas de page 3Peu après, commençaient des négociations tripartites entre la Grande-Bretagne, le Haut-Canada et la Compagnie.
Les négociations durèrent de 1860 à 1869, avec une interruption au milieu de la décennie, tandis que les politiciens canadiens préparaient la Confédération. Néanmoins, l'orientation et l'attitude du gouvernement britannique sont illustrées non seulement par l'article 146 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, mais aussi par l'Acte de la Terre de Rupert, voté en 1868 pour "permettre à Sa Majesté d'accepter, à certaines conditions, la cession des terres, privilèges et droits du 'Gouverneur et de la compagnie d'aventuriers d'Angleterre faisant la trait à la Baie d'Hudson', et pour admettre ce territoire dans le Dominion du Canada."Note de bas de page 4 L'année suivante, en juillet 1869, la Compagnie de la Baie d'Hudson vendra ses droits, privilèges et terres au Canada contre un dédommagement en espèces de 1 500 000 $ et la conservation d'un vingtième des terres.Note de bas de page 5
En prévision de cette acquisition, le Canada vota un "Acte concernant le gouvernement provisoire de la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest après que ces territoires auront été unis au Canada." La loi prévoyait la nomination d'un lieutenant-gouverneur et d'un conseil pour administrer les affaires des deux territoires, devenus Territoires du Nord-Ouest selon les termes de la loi.Note de bas de page 6 Le ministre des Travaux publics, l'honorable William McDougall, un défenseur de longue date de l'annexion, fut nommé lieutenant-gouverneur et détaché avec quelques-uns de ses agents d'administration à la Rivière-Rouge, en septembre 1869.
Alors que le gouvernement canadien s'était octroyé le pouvoir légal de contrôler les Territoires du Nord-Ouest, il n'avait rien fait pour préparer ou consulter les habitants du pays au sujet des changements futurs concernant l'administration. Pourtant douze années plus tôt, l'explorateur Stephen Hind avait mis en garde :
Les quelques personnes qui se sont occupées de ces questions ont de plus en plus la forte impression que dans le cas d'un changement radical survenant dans l'administration du pays, la population autochtone ou métis ne devrait pas être négligée ou écartée.Note de bas de page 7
Le problème le plus litigieux était la question des terres, et les Métis en particulier n'étaient pas rassurés par les mesures du gouvernement.Note de bas de page 8
Craignant d'être dépossédés, les Métis organisèrent un gouvernement provisoire sous la direction de Louis Riel. Lorsque McDougall et ses troupes arrivèrent à la frontière de la colonie de la Rivière-Rouge, après un voyage par voie de terre depuis Saint Paul, au Minnesota, une faction armée de Métis les arrêta. McDougall passa le mois de décembre 1869 à essayer d'affermir son autorité, mais il dut finalement abandonner ses efforts.
Le gouvernement réagit à cette situation en organisant une expédition militaire vers la Rivière-Rouge pour établir la souveraineté canadienne -- et pour gagner du temps et trouver une solution politique. Pour assurer le passage sans obstacle de l'expédition à travers le Nord-Ouest de l'Ontario, un agent, Robert Pither, fut dépêché à Fort Francis pour s'assurer de la neutralité des Indiens saulteux de l'endroit. Pither avait reçu des instructions pour "établir et maintenir des relations avec les Indiens qui fréquentent cet endroit en vue de perpétuer des relations amicales entre eux et le gouvernement."Note de bas de page 9 En mars 1870, Pither fut informé qu'un commissaire spécial serait délégué pour traiter avec les Saulteux.Note de bas de page 10
Le commissaire spécial, Wemyss M. Simpson, député d'Algoma, arriva en juin pour diriger les négociations. Malgré son échec dans les négociations d'un traité, Simpson réussit, en échange de quelques présents, à obtenir l'accord des Saulteux pour que les troupes passent sans risque d'accrochage. Les troupes arrivèrent à la Rivière-Rouge le 24 août 1870, date à laquelle la rébellion avait échoué et les rebelles s'étaient dispersés.
Entre-temps, le Parlement canadien avait voté l'Acte du Manitoba, en vertu duquel la colonie de la Rivière-Rouge fut constituée en province du Canada. La zone à l'extérieur des limites de la province recevait le statut de territoire.Note de bas de page 11 Adams G. Archibald était nommé lieutenant-gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest.
Archibald entra en fonction en septembre 1870; il avait reçu du gouvernement du Dominion les instructions suivantes:
Dans le plus bref délai possible vous entrerez en communication avec les tribus indiennes qui occupent le pays entre le lac Supérieur et la province de Manitoba, dans le but d'établir des relations amicales de nature à rendre sûre en toutes saisons la route de Thunder Bay au Fort Garry, et faciliter l'établissement des parties du pays qu'il peut-être (sic) possible d'exploiter.
Vous étudierez aussi sans perdre de temps la condition du pays en dehors de la province de Manitoba au nord et à l'ouest, et tout en assurant les Indiens (sic) de votre désir d'établir des relations amicales avec eux, vous constaterez quel est le meilleur moyen d'adopter, par traité ou autrement, pour enlever les obstacles qui peuvent s'opposer à l'émigration de la population dans les terres fertiles qui se trouvent entre le Manitoba et les Montagnes Rocheuses, et vous en ferez rapport à Son Excellence.
Vous ferez également un rapport complet sur la condition des tribus indiennes qui se trouvent actuellement dans les territoires, leur nombre, leurs besoins et réclamation, le système jusqu'ici suivi par la compagnie de la Baie d'Hudson ses relations avec elles, - et vous accompagnerez ce rapport des recommandations que vous jugerez à propes (sic) de faire concernant leur protection et l'amélioration de leur condition.Note de bas de page 12
Bien entendu, il était impératif pour le gouvernement canadien de traiter avec les Indiens pour assurer des conditions de paix en vue de l'éventuelle colonisation des prairies.
Les Indiens, comme les Métis, craignaient d'être dépossédés de leurs terres Effectivement, la Charte de la Compagnie de la Baie d'Hudson n'avait jamais mis fin à leurs droits fonciers. La seule exception était la concession de Lord Selkirk. En effet, Selkirk, fondateur et propriétaire de la colonie de la Rivière-Rouge, avait signé un traité avec les Chippewas et les Cris en 1817, mettant fin à leurs titres fonciers dans la colonie.Note de bas de page 13
Cependant, ce traité était en litige. Peu après son arrivée, Archibald rencontra une importante délégation, conduite par le chef Henry Prince, des Indiens de la mission indienne à l'embouchure de la Rivière-Rouge. Les Indiens déclarèrent qu'ils désiraient signer un traité et qu'ils n'avaient jamais été dédommagés pour les terres soit-disant cédées à Lord Selkirk.Note de bas de page 14
Le lieutenant-gouverneur nouvellement arrivé qui, évidemment, ne tenait pas à s'engager à ce moment-là, remercia les Indiens pour leur loyauté pendant la rébellion récente, mais déclara qu'étant donné que son gouvernement n'était pas encorecomplètement établi, il ne pouvait signer aucun traité jusqu'au printemps suivant.Note de bas de page 15 Archibald donna les raisons de ses hésitations dans une lettre au secrétaire d'État Joseph Howe:
Tant que la vérité ne sera pas faite, il serait inutile d'entamer des négociations avec l'une quelconque des tribus pour mettre fin à leurs revendications étant donné que ces mêmes terres peuvent être réclamées par une tribu différente. Car, soit que les négociations échoueraient, soit que nous serions obligés de payer double tribut pour l'extinction des revendications de mêmes terres... De plus, conclure un traité avec les Indiens, pour lesquels le temps n'a aucune importance, ne peut se réaliser qu'après de nombreuses discussions et un long délai.Note de bas de page 16
Le printemps suivant, les Indiens commencèrent à exercer des pressions dans ce sens. Pour renforcer leur demande, ils affichèrent un avis sur la porte de l'église de Portage la Prairie en avertissant les colons de quitter leurs terres jusqu'à la signature d'un traité.Note de bas de page 17 Cependant, le gouvernement avait déjà pris des dispositions pour entamer les négociations. Le lieutenant-gouverneur Archibald fut informé par le secrétaire d'État Howe que Wemsyss M. Simpson avait été nommé commissaire des Indiens pour traiter avec les Indiens entre Thunder Bay et Fort Garry.Note de bas de page 18
Dans ses instructions, Howe accordait à Simpson un large pouvoir discrétionnaire:
Les pouvoirs qui vous sont conférés sont importants, et ils devraient être utilisés en ayant constamment à l'esprit la responsabilité que le gouvernement doit assumer vis-à-vis du Parlement et du pays pour des dépenses judicieuses et sages des fonds et approvisionnements dont vous êtes chargé. Vous devriez donc vous efforcer d'assurer la cession des terres dans des conditions aussi favorables que possible pour le gouvernement, en évitant d'atteindre la somme maximale indiquée ci-dessous, à moins qu'il s'avère impossible de les obtenir pour une somme inférieure.Note de bas de page 19
Simpson était autorisé à offrir un maximum de douze dollars par année pour une famille de cinq personnes. Il pouvait aussi ajouter des petits suppléments pour des familles plus nombreuses.Note de bas de page 20 Cependant, Howe prévenait Simpson qu'en "fixant ce montant, il ne devait pas perdre de vue le fait que cela aurait inévitablement des répercussions importantes sur les accords futurs à conclure avec les tribus de l'Ouest."Note de bas de page 21 Howe mentionnait en outre, qu'en Ontario et au Québec, le prix maximal payé pour des terres était de quatre dollars par année pour une famille de cinq personnes, d'où la nécessité pour Simpson de maintenir le prix aussi bas que possible.Note de bas de page 22
Simpson, accompagné de Dawson, arriva à Fort Garry le 16 juillet 1871, après l'échec des négociations visant la signature d'un traité avec les Indiens au lac des Bois. Lui et Dawson rencontrèrent immédiatement le lieutenant-gouverneur Archibald et James McKay, un Métis possédant une grande expérience des Indiens et membre du Conseil exécutif du Manitoba, afin de préparer en secret un plan d'action. Les quatre hommes conclurent qu'il serait préférable de décréter l'extinction des droits des Indiens sur les terres de la province, sur une grande partie des terrains boisés à l'est et au nord, ainsi que sur une vaste zone de terres agricoles à l'ouest du Portage.Note de bas de page 23 Il fut également décidé que deux traités séparés seraient signés afin d'éviter des retards causés par le rassemblement de tous les Indiens en un seul endroit, et de limiter les coûts de nourriture.Note de bas de page 24 De plus, il avait été promis aux Indiens que leur traité serait négocié dans leur propre localité, et Archibald estimait qu'il était important "de respecter une promesse, même dans des questions où une dérogation ne signifierait pas un manque de parole."Note de bas de page 25 La Commission reconnaissait l'importance du traité et le précédent qu'il établirait, car Archibald déclara à Howe:
Je considère les démarches que nous entreprenons actuellement comme importantes pour ce qui est de leur portée sur nos relations avec les Indiens de tout le continent. En fait, les conditions que nous adoptons maintenant modèleront probablement les accords que nous devrons conclure avec tous les Indiens entre la Rivière-Rouge et les montagnes Rocheuses. Il serait donc bon de ne rien négliger qui soit en notre pouvoir pour nous permettre d'entamer des négociations loyales.Note de bas de page 26
Le 18 juillet 1871, Simpson publia une proclamation invitant les Indiens à le rencontrer à Fort Garry, le 25 juillet. Le lieutenant-gouverneur Archibald fit paraître sa propre proclamation interdisant la vente ou l'approvisionnement d'alcool aux Indiens.Note de bas de page 27 Pour ajouter un peu d'apparat aux négociations, Archibald demanda au major Irvine de la garnison de lui fournir des soldats, précisant qu'une "parade militaire exerce toujours un grand effet sur les Indiens, et que la présence, ne serait-ce que de quelques troupes, aura de bons résultats."Note de bas de page 28 La nourriture fut aussi distribuée largement. Ainsi, les préparatifs terminés, le commissaire Simpson et le lieutenant-gouverneur Archibald s'apprêtèrent à négocier le premier traité Indien du Dominion du Canada.
Simpson et Archibald arrivèrent pour la réunion à Fort Garry le 24 juillet, mais les négociations ne commencèrent que le 27, lorsque tous les Indiens furent arrivés. Dans sa déclaration préliminaire, Archibald annonça à l'assemblée que la Reine désirait négocier en toute loyauté et justice avec ses sujets indiens. Après quelques commentaires favorables sur l'exploitation agricole dans un village indien des environs, Archibald exprima le désir de la Reine que les Indiens adoptent l'agriculture comme mode de vie, mais il affirma qu'ils n'y seraient nullement contraints.Note de bas de page 29 Puis il essaya d'expliquer le principe des réserves de la façon suivante :
Votre Grande Mère mettra donc de côté pour vous des "lots" de terrains dont vous-mêmes et vos enfants serez propriétaires à jamais. Elle ne permettra pas à l'homme blanc d'empiéter sur ces terres. Elle établira des règles pour les conserver de façon à ce que tant que le soleil brillera, il n'y aura pas un seul Indien sans foyer, où il puisse vivre et installer son camp, ou, s'il le préfère, construire sa maison et labourer sa terre.Note de bas de page 30
Après avoir déclaré que la Reine ne pouvait faire plus pour eux qu'elle n'avait fait pour les Indiens de l'Est, Archibald, pour expliquer la position concernant les activités traditionnelles de chasse des Indiens, poursuivit :
Lorsque vous aurez signé votre traité, vous serez toujours libres de chasser sur une grande partie des terres visées dans le traité. Une grande partie de ces terres est rocheuse et ne convient pas à la culture et une grande partie des terres qui sont boisées se situe au-delà des limites que l'homme blanc ne saurait franchir dans un avenir rapproché. Tant que ces terres ne seront par requises, vous serez libres d'y chasser et de les utiliser entièrement comme dans le passé. Mais lorsque ces terres seront nécessaires pour être labourées ou occupées, leur accès vous sera interdit. Il restera encore beaucoup de terres ni labourées ni occupées où vous pourrez errer à votre guise et chasser comme vous l'avez toujours fait, et si vous désirez faire de la culture, vous pourrez aller sur votre réserve où vous trouverez un endroit pour vivre et le cultiver.Note de bas de page 31
Puis, Archibald présenta le commissaire Simpson et demanda aux Indiens de choisir des chefs pour les représenter. Il prit cette mesure pour empêcher que les Indiens nient la validité du traité en partant du principe que les chefs n'avaient pas de pouvoir pour signer, comme dans le cas du traité Selkirk. Simpson appuya aussi cette mesure, car il doutait que certains des chefs aient la confiance de leurs bandes.Note de bas de page 32
Les Indiens se retirèrent et, après deux jours de délibérations, revinrent avec les chefs qu'ils avaient choisis pour les représenter. Les Indiens déclarèrent qu'il y avait un "nuage noir" qu'il fallait disperser avant d'entreprendre des négociations. Après s'être renseigné, Archibald découvrit que le "nuage noir" qu'il fallait disperser avant d'entreprendre des négociations. Après s'être renseigné, Archibald découvert que le "nuage noir" concernait les quatre Cris Swampy emprisonnés, accusés de rupture d'un contrat avec la Compagnie de la Baie d'Hudson. Comme geste de bonne volonté - et il souligna que cette faveur ne devait pas être répétée - il ordonna leur libération; ce qui eut apparemment un bon effet sur les Indiens.Note de bas de page 33
Le jour suivant, les Indiens revinrent présenter leurs revendications. Il est clair que les Indiens ne comprenaient ni le concept des réserves, ni ce que le gouvernement était prêt à donner comme terres. Selon Simpson, les demandes étaient exorbitantes et représentaient des réserves à raison de trois townships par Indien.Note de bas de page 34 Cela était tout à fait inacceptable pour les Commissaires et dépassait de loin ce qu'ils avaient envisagé. Comme Archibald le signala à Howe :
Si nous avons bien compris, en définissant les limites de leurs réserves, ils désiraient avoir environ les deux tiers de la province. Nous les avons écoutés, puis nous leur avons dit qu'il était évident qu'ils n'avaient absolument rien compris à la signification et à la fonction des réserves. Nous avons expliqué l'objet de ces réserves dans un langage similaire à celui du mémoire annexé, et nous leur avons dit qu'il était inutile de se faire des illusions, qu'il n'était pas question d'accéder à leur demande. Nous leur avons dit que des immigrants arriveraient et s'installeraient dans le pays, qu'ils le veuillent ou non; que, chaque année à partir de maintenant, la province recevrait deux fois le nombre de leur peuple assemblé ici, et qu'ils s'installeraient rapidement, et que le moment était venu pour eux d'en arriver à une entente qui leur assurerait un territoire et des indemnités pour eux-mêmes et leurs enfants.
Nous leur avons dit que ce que nous proposions de leur allouer était une étendue de cent soixante acres pour chaque famille de cinq personnes, ou dans cette proportion; qu'ils pouvaient choisir les terres où ils voulaient, sans empiéter sur les occupants actuels; que nous leur accorderions une annuité de douze dollars pour chaque famille de cinq personnes, ou dans cette proportion par chef. Nous leur avons demandé de réfléchir à ces propositions jusqu'au lundi matin.
S'ils préféraient ne pas conclure de traité du tout, il pourrait en être ainsi, mais ils devaient se décider; s'ils désiraient conclure un traité, ce devait être selon les conditions ainsi offertes.Note de bas de page 35
La réponse du commissaire Simpson et du lieutenant-gouverneur Archibald équivalait à un ultimatum; elle ne laissait aucun choix aux Indiens, sauf celui d'accepter le traité selon les conditions du gouvernement.Note de bas de page 36 Après deux jours de délibérations, les Indiens acceptèrent l'offre du gouvernement.
Le traité fut signé le 3 août 1871. Le lieutenant-gouverneur Archibald, le commissaire Simpson, le major Irvine et huit témoins signèrent au nom du gouvernement. Les signataires pour les Chippewas et les Cris étaient Aigle Rouge (Mis-koo-ki-new ou Henry Prince), Toujours Oiseau (Ka-ke-ka-penais ou William Pennefather); Oiseau-Plongeant (Na-sha-ke-penais); Centre de Queue d'Oiseau (Na-na-wa-nanan); Oiseau-Tournant (Ke-we-tay-ash); Whippoorwill (Wa-ko-wush); et Plume Jaune (Oo-za-we-kwun).
Le traité fut ratifié officiellement par le Gouverneur-général en conseil, le 12 septembre 1871.
Un fois le traité no. 1 terminé, le commissaire Simpson, accompagné du lieutenant-gouverneur Archibald, l'honorable James McKay et Molyneux St. John, greffier de l'Assemblée législative, se rendirent au poste de Manitoba pour que le traité soit signé par tous les intéressés. Cette fois, les négociations se déroulèrent sans problème, et Simpson déclara :
...Au cours de mon allocution aux dirigeants des bandes assemblées, il était évident que les Indiens de cette région n'avaient aucune demande particulière à formuler, mais ceux-ci connaissant le traité antérieur, ils désiraient qu'on négocie avec eux dans les mêmes conditions que celles adoptées par les Indiens de la province du Manitoba. Les négociations avec ces bandes furent rapides, et le 21 août 1871, un traité était conclu aux termes duquel une portion du pays, équivalent à trois fois la superficie de la province du Manitoba, était cédée par les Indiens à la Couronne.Note de bas de page 37
Les signataires du traité au nom du gouvernement étaient le lieutenant-gouverneur Archibald, le commissaire Simpson, James McKay, Molyneux St. John et sept témoins. Les signatures pour les Chippewas étaient Mekis, François (Doigts Cassés); Ma-sah-kee-yash et Richard Woodhouse et Son-sonce.
Le traité no. 2 fut ratifié par le gouverneur général en conseil, le 25 novembre 1871.
Stipulations des traités
Selon les stipulations des traités, chaque bande recevait une réserve d'une superficie assez grande pour garantir 160 acres par famille de cinq personnes (ou dans cette proportion pour les familles plus ou moins nombreuses). Dans le traité no. 1, la bande des Plumes Jaunes a reçu 25 autres milles carrés de terres autour de la réserve.
Le gouvernement a accepté d'ouvrir une école dans chaque réserve lorsque les Indiens en désiraient une, et a également interdit l'introduction ou la vente d'alcool dans les réserves.
Chaque homme, femme et enfant indiens recevaient un présent de trois dollars et une annuité de trois dollars, ou un total de quinze dollars par famille. L'annuité devait être payée en nature, mais pouvait aussi être payée en espèces, s'il était jugé que c'était dans l'intérêt des Indiens. De plus, le gouvernement promettait qu'un recensement exact de tous les Indiens occupant les régions visées par le traité serait effectué le plus tôt possible.
Il est intéressant de noter qu'aucune disposition n'a été prévue en ce qui concerne la chasse ou la pêche, bien que le lieutenant-gouverneur Archibald se soit engagé verbalement à ce sujet dans son discours d'ouverture.
Pour leur part, les Chippewas et les Cris Swampy devaient céder, abandonner, livrer et transférer les terres selon les conditions du traité, consentir à assurer la paix et à ne molester aucun sujet de Sa Majesté.
Répercussions des traités
Aussitôt les traités signés, les difficultés surgirent, d'abord en ce qui concerne l'administration. En février 1872, James McKay écrivait au lieutenant-gouverneur Archibald que les Indiens demandaient que les clauses des traités soient exécutées, particulièrement en ce qui concerne le matériel agricole. Il faisait remarquer qu'il avait été promis aux Indiens qu'ils recevraient des instruments aratoires, du bétail et des semences lorsqu'ils seraient disposés à s'adonner à la culture.Note de bas de page 38
Archibald écrivit à son tour au secrétaire d'État Howe en lui communiquant le point essentiel de la terre de McKay et en se plaignant que les Indiens lui présentaient leurs doléances, alors qu'il n'avait aucune autorité ni responsabilité pour s'en occuper. Il accusait le commissaire Simpson d'avoir créé une telle situation, et il mettait en garde sur le fait qu'il serait impossible de maintenir des relations amicales et de confiance avec les Indiens si le gouvernement ne respectait pas scrupuleusement ses obligations.Note de bas de page 39 Il poursuivait :
Ce serait simplement se moquer d'eux que de leur répondre, quand ils demandent des explications ou des secours, qu'ils peuvent s'adresser à un commissaire à plus de 300 lieues d'ici. Il me semble que si M. Simpson continue à demeurer, la plus grande partie de l'année, à un endroit innaccessible (sic), il deviendra convenable que quelqu'un soit autorisé à le représenter dans la province.
M. Simpson est sous l'impression qu'en étant assez éloigné pour n'être pas visité, il s'épargne beaucoup d'importunité et quelque argent au gouvernement. Cela peut être vrai, mais si c'est au prix de nos relations amicales avec les Indiens, le traité ne nous sera pas de beaucoup d'utilité. Le gouvernement du Canada remplace la compagnie de la Baie d'Hudson auprès des Indiens; et la coutume qu'ils avaient de s'adresser facilement au pouvoir gouvernant depuis plus d'un siècle, ne peut être inopinément interrompue sans danger.Note de bas de page 40
Simpson répondit à ces accusations plus tard dans l'année, faisant remarquer qu'il n'avait aucun contrôle sur les agents du gouvernement fédéral, responsables de certaines dispositions des traités, comme le recensement et la surveillance des réserves. Pour ce qui est du matériel agricole, Simpson déclara :
Dans une première lettre, le lieutenant-gouverneur parlait du retard apporté dans la distribution aux Indiens des charrues, herses, etc. Ces articles, cependant, ne devaient leur être donnés que lorsqu'ils auraient adopté les habitudes des blancs et se seraient établis sur leurs lots respectifs de la réserve de leur tribu. Aucun sauvage ne m'a encore demandé d'instruments aratoires.Note de bas de page 41
Cette confusion au sujet de l'administration des traités se poursuivit jusqu'en 1872, le commissaire Simpson ne pouvant ou ne voulant pas respecter les engagements des traités.
En décembre 1872, le lieutenant-gouverneur Alexandre Morris, nouvellement nommé, écrivait à Ottawa pour que les engagements des traités soient expressément respectés. Il recommandait :
...de nommer commissaire des Indiens résidant ici, un bon homme d'affaire pouvant conclure des traités, s'occuper de comptabilité, etc.; ce fonctionnaire devrait être aidé de deux assistants-commissaires, natifs du pays, familiers avec les dialectes des Indiens et en qui ceux-ci aurait (sic) confiance, et choisis parmi les Métis anglais et français.Note de bas de page 42
Les recommandations de Morris eurent, semble-t-il, un certain effet car, en juin 1873, Joseph Provencher était nommé commissaire résident des Indiens à la place de Simpson. Provencher faisait partie d'une commission de trois membres, composée du lieutenant-gouverneur et de Lindasy Russell de la Direction générale des terres du ministère des Affaires indiennes. La Commission se chargea d'administrer les traités.Note de bas de page 43
Une seconde difficulté concernait la question du matériel agricole, ou "des promesses en dehors du traité", comme on les appelait, parce qu'elles ne figuraient pas dans les traités publiés. Il ne faisait aucun doute que ces promesses avaient été faites, car Simpson les mentionnait dans son rapport à Howe en date du 3 novembre 1871.Note de bas de page 44 En ne les faisant pas figurer dans les dispositions du traité, Simpson négligeait d'informer les autorités d'Ottawa de leur importance.Note de bas de page 45 Ce fait, conjugué avec la mauvaise administration, suscita un vif mécontentement chez les Indiens.
Pour attirer l'attention sur leurs revendications, plusieurs bandes -- celles de Pembina, de Portage la Prairie, de Saint-Pierre -- refusèrent d'accepter leurs paiements d'annuités. Les Indiens s'assurèrent également le concours de John Schultz, un membre local du Parlement. Schultz écrivit au secrétaire d'État pour exposer les plaintes des Indiens au sujet des "promesses en dehors du traité." Il signalait "que le traité maintenant imprimé n'est pas tel q u'ils le comprenaient lorsqu'il fut signé en août 1871."Note de bas de page 46 De plus, il suggérait qu'une délégation d'Indiens se rende à Ottawa pour discuter la question avec le gouvernement.Note de bas de page 47 Cette dernière proposition fut rejetée par le commissaire Simpson qui, au nom du gouvernement, expliqua aux Indiens qu'ils ne pourraient se rendra à Ottawa, "à moins que permission leur en fût d'abord donnée, et que, dans ce cas, elle devrait être faite par qui de droit."Note de bas de page 48
Aucunement intimidé, Schultz écrivit de nouveau au député-surintendant des Affaires indiennes, en janvier 1873. Il déclarait que les plaintes des Indiens en ce qui concerne le traité étaient justifiées. Il joignait aussi un affidavit signé par les chefs de la bande de Saint-Pierre corroborant ce qu'ils avaient compris être une promesse au moment du traité. Cela comprenait "des instruments aratoires pour les chefs et les sous-chefs; des waggons (sic), des harnais et des vêtements; des boeufs de travail, des taureaux, vaches, cochons, moutons, dindons et poules; pour chaque réserve, le secours d'un médecin, une maison et un maître d'école."Note de bas de page 49
L'affirmation selon laquelle les services médicaux étaient une des promesses fut rapidement réfutée par Molyneux St. John, qui était présent aux deux signatures de traités. Dans une lettre au secrétaire d'État Howe, il déclarait :
Il y a cependant la question du médecin, dont vous demandez surtout à êtrerenseigné. Je ne me souviens d'aucune promesse de cette nature, et je ne l'aijamais entendu mentionner avant la réception de votre lettre.Note de bas de page 50
Il continua à nier cette demande particulière, insinuant que les Indiens avaient fait cette demande "pour cimenter l'alliance, d'obtenir ses services comme médecin."Note de bas de page 51 Schultz était effectivement médecin.
St. John présenta aussi au Ministère un long mémoire d'explications concernant les promesses en dehors du traité :
Quand le traité no. 1 était à se négocier, les orateurs des diverses tribus indiennes ont fait l'énumération des dons et des bienfaits qu'ils exigeaient des représentants de Sa Majesté en retour de la cession de leurs terres. Quelques-uns furent accordés, d'autres refusés; mais, dans le désir bien naturel de conclure le traité, Son Excellence le lieutenant-gouverneur d'alors et M. le commissaire Simpson supposèrent, trop inconsidérément, comme la suite l'a démontré, que leurs distinctions et divisions étaient comprises et acceptées des Indiens.
Parmi ceux qui prirent la parole de la part de la commission, se trouvait un ministre de Dieu qui avait eu charge d'âmes pendant plusieurs années sur la réserve Saint-Pierre, et en faisant l'énumération des articles demandés par les Indiens, il en mentionna d'autres que le lieutenant-gouverneur, dit-il, l'avait autorisé à promettre. Le commissaire Simpson l'interrompit immédiatement, mais la parole était lâchée; et, au point où en étaient rendues les affaires, il aurait été difficile et probablement impolitique de la désavouer entièrement. Ainsi le traité fut signé, le commissaire comprenant une chose, et les Indiens une autre. La convention se dispersa, mais peu de temps après il devint manifeste qu'il y avait quelque malentendu, et dans le but d'en finir avec la question, du moins d'un côté, Son Excellence le lieutenant-gouverneur d'alors demanda à M. le commissaire Simpson, à l'hon. James McKay et à moi-même, comme étant ceux qui connaissaient le mieux les circonstances et les détails de l'affaire, de signer avec lui une liste des articles que nous pensions avoir été promis aux Indiens, mais que ne mentionnait pas le traité. Il y eut quelques discussions à ce sujet; mais dans tous les cas elle fut signée, et, je crois, envoyée à Ottawa avec le traité, en octobre 1871.
La liste exprimait notre opinion de l'affaire, mais non celle des Indiens qui, depuis ce temps, lorsque nous les visitons, ne se gênent pas de qualifier de mensongères les promesses du commissaire et du gouverneur.Note de bas de page 52
St. John transmit une liste non signée énumérant les promesses en dehors du traité, qui, disait-il, avait été rédigée par le lieutenant-gouverneur Archibald. Il estimait sans doute qu'il était impossible "d'acquiescer à toutes les demandes des Indiens; mais il y a néanmoins un certain paradoxe de demander à un sauvage...de cultiver la terre sans lui donner, en même temps, quelques moyens de vivre."Note de bas de page 53 St. John ne pensait pas qu'il fallait accéder à toutes les promesses d'un seul coup, étant donné qu'un grand nombre d'Indiens n'étaient pas encore préparés à devenir agriculteurs. Mais il recommandait que certains articles leur soient donnés "d'une façon libérale, mais intelligente."Note de bas de page 54 Plus important encore, il estimait que les Indiens devraient savoir exactement ce qu'ils devaient recevoir.
Cependant, ce n'est qu'en 1875 que le gouvernement régla la question des promesses en dehors du traité. Le 30 avril 1875, le Conseil privé publia un décret du conseil qui déclarait en partie :
Que le mémoire annexé au traité no. 1 soit considéré comme faisant partie intégrante de ce dernier et du traité no. 2, et que le commissaire des Indiens soit chargé d'exécuter les promesses susmentionnées dans la mesure où elles ne l'ont pas déjà été et d'informer les Indiens qu'il a été autorisé à le faire.Note de bas de page 55
Le mémoire énumérait les points suivants :
MÉMOIRE DE DIFFÉRENTS ARTICLES, QUI N'ONT PAS ÉTÉ MENTIONNÉS DANS LE TRAITÉ, MAIS, QUI ONT ÉTÉ PROMIS LORS DU TRAITÉ CONCLU AU FORT D'EN BAS -- LOWER FORT -- LE 3ème JOUR D'AOÛT, A.D. 1871: --
Pour chaque chef qui aura signé le Traité, un costume officiel pour le distinguer comme chef.
Pour les braves et les conseillers de chaque chef, un costume officiel, avec l'entente que les braves et les conseillers seront au nombre de deux pour chaque chef.
Pour chaque chef, excepté La Plume Jaune -- Yellow Quill -- un buggy.
Pour les braves et les conseillers de chaque chef, excepté La Plume Jaune -- Yellow Quill -- un buggy.
Au lieu d'une paire de boeufs pour chaque réserve, un taureau pour chacune; une vache pour chaque chef; un cochon mâle pour chaque réserve avec une truie pour chaque chef, et un mâle et une femelle des animaux de toute espèce élevés sur une ferme, lesquels seront livrés lorsque les Indiens seront prêts à les recevoir.
Une charrue et une herse pour chaque Sauvage adonné à la culture du sol.
Ces bestiaux et leurs petits appartiendront au gouvernement, mais les Indiens pourront s'en servir sous la surveillance et le contrôle du commissaire des Indiens.
Les buggy appartiendront aux Indiens auxquels ils sont donnés.Note de bas de page 56
Le gouvernement déclara aussi qu'il ne pouvait donner suite à aucune réclamation de leur part pour ce qui est des articles ne figurant pas dans le traité et dans le mémoire, mais admit qu'il y avait eu malentendu. Pour faire amende honorable, et comme preuve de sa bienveillance, le gouvernement consentit à faire passer de trois à cinq dollars par année le montant de l'annuité. De plus, il augmenta l'annuité de chaque chef à vingt dollars, et donna à chaque chef et à chaque sous-chef un habillement complet tous les trois ans, le nombre de sous-chef étant limité à deux pour chaque bande. En retour, tout Indien bénéficiant de cette indemnité ou de ce versement annuel accru acceptait de renoncer à toute réclamation auprès du gouvernement en ce qui concerne les promesses en dehors du traité.Note de bas de page 57
En août et en septembre 1875, le commissaire Provencher et le lieutenant-gouverneur Morris visitèrent les bandes et obtinrent leur concours. Toutes les bandes étaient d'accord, à l'exception de la bande du Portage. Cette dernière refusa, non parce qu'elle n'était pas satisfaite du règlement offert pour les promesses en dehors du traité, mais à cause d'un conflit interne au sujet de leur réserve.Note de bas de page 58
La bande était sous la direction de Plume Jaune, mais une partie des membres refusait de l'accepter comme chef. Un groupe désirait suivre Short Bear, le petit-fils du premier chef. Un autre groupe, connu sous le nom des Indiens de la rivière White Mud, refusait aussi d'accepter Plume Jaune comme chef.Note de bas de page 59 Le groupe de Plume Jaune désirait que les terres de la réserve qui leur étaient allouées soient localisées à un endroit, ce qui signifiait que les deux autres groupes devraient se joindre à eux.Note de bas de page 60
Par contre, les sympathisants de Short Bear prétendaient que l'endroit choisi par Plume Jaune ne convenait pas à l'agriculture; ils désiraient que la réserve soit située à Round Plain où ils s'étaient déjà installés. Le groupe de la rivière White Mud voulait également demeurer là où il était, sur les rives du lac Manitoba.Note de bas de page 61
Dans l'intention de propager les hostilités entre les factions dans la bande de Plume Jaune, le lieutenant-gouverneur Morris remit toute décision concernant la réserve jusqu'à l'année suivante.Note de bas de page 62 Entre-temps, il écrivait au ministre de l'Intérieur en faisant les recommandations suivantes :
Premièrement, je pense qu'il vous faudrait écrire à Plume Jaune, refusant d'accéder à sa demande pour une grande réserve, et lui offrant une réserve incluant le Eagle's Nest sur la rive nord de la rivière, mentionnée dans le traité, avec des terres d'une superficie d'environ cent soixante acres pour chaque famille, entourées de la bande de terres mentionnée dans le traité ... tout en réservant les droits de navigation et d'accès à la rivière. Les terres sont de qualité inférieure à celles qui ont été déjà offertes.
Deuxièmement, je suggère que le jeune chef soit reconnu comme dirigeant de lasection des partisans de sa bande. Lui et sa section sont prêts à accepter les conditions et les réserves décrites dans le traité. Ils ont très bien réagi et ont déclaré à M. McKay qu'ils étaient heureux que cette reconnaissance n'ait pas eu lieu à ce moment-là, car cela aurait entraîné un bain de sang; de plus, ils seraient satisfaits que celle-ci soit faite, une fois la réserve établie.
Troisièmement, je propose que les Indiens de White Mud, qui vivent là de façon permanente, soient reconnus comme une bande distincte et élisent un chef.Note de bas de page 63
Les recommandations de Morris furent acceptées et un règlement fut conclu avec les trois factions, l'année suivante. Chaque faction devint une bande séparée et prit sa part de droits ancestraux pour former de nouvelles réserves tout en acceptant également les conditions du règlement des promesses en dehors du traité.Note de bas de page 64
Cependant, le règlement des promesses en dehors du traité ne mettait pas fin aux revendications pour les droits du traité. Au fil des années, au fur et à mesure de l'évolution des circonstances, d'autres questions furent soulevées.
Aujourd'hui, toutes les revendications et les litiges concernant l'interprétation et l'exécution des traités nos 1 et 2 sont présentés par les Autochtones et évalués par le Bureau des revendications des Autochtones, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, conformément à la politique des revendications particulières énoncée par le Ministère dans Dossier en souffrance: Une politique des revendications des Autochtones, publié en 1982.
Résumé
Rétrospectivement, les traités no. 1 et 2 étaient les instruments d'une politique gouvernementale postérieure à la Confédération et visant à protéger les Indiens, tout en leur permettant une assimilation pacifique à la société canadienne. Les traités prévoyaient la cession des terres par les Indiens en retour de terres réservées et le droit de chasse et de pêche dans un territoire cédé jusqu'à ce que ce territoire soit vendu par la Couronne.Note de bas de page 65 Dans le cas des traités nos. 1 et 2, les dispositions pour la chasse et la pêche n'ont jamais été établies.
Les aspects d'assimilation et de protection des traités ainsi que l'objectif principal du gouvernement - la colonisation pacifique de l'Ouest - ont été résumés par Alexander Morris. Il estimait que l'établissement des réserves était des plus bénéfiques, car celles-ci garantissaient aux Indiens des "étendues de terres sur lesquelles ne pouvaient empiéter les immigrants et offraient des moyens de les inciter à s'installer et à apprendre les techniques de l'agriculture."Note de bas de page 66 Morris notait aussi :
De plus, le système canadien de réserves de bandes a une tendance à réduire le potentiel offensif des tribus indiennes, au cas où elles s'agiteraient, une éventualité lointaine, si les traités sont rigoureusement respectés.Note de bas de page 67
Étant donné qu'il y avait des précédents, du moins dans l'Ouest, l'exécution des traités donna lieu à une certaine confusion et à des malentendus. La raison principale de cette situation fut l'incapacité initiale du gouvernement à installer une structure administrative pour appliquer les dispositions du traité, une erreur qui fut corrigée avec la nomination d'un commissaire résident des Indiens. De plus, comme le révélèrent les difficultés entourant les "promesses en dehors du traité", il fallait énoncer plus clairement les clauses et dispositions du traité. Selon Morris:
L'expérience tirée de ce malentendu s'avéra cependant bénéfique en ce qui concerne tous les traités postérieurs aux traités nos 1 et 2, car on prit grand soin pour que toutes les promesses soient clairement énoncées dans les traités, que les termes des traités soient expliqués aux Indiens en profondeur et tout au long; qu'ils les comprennent pour qu'il y ait entente totale entre eux et la Couronne.Note de bas de page 68
Malgré certaines difficultés, la signature et l'exécution des traités nos 1 et 2 constituèrent un précédent pour la réussite de tous les traités subséquents.
Bibliographie
Canada, Ministère des Affaires indiennes et du Nord, Rapports annuels, 1871-1876.
Canada, Archives nationales, RG 10, vol. 448.
Canada, Documents de la session, no. 20, 1971, et 23, 1972 et 1973.
Manitoba, Archives provinciales, MG 12, A 1, Adams George Archibald Correspondence and Papers 1871-1872.
Manitoba, Archives provinciales, MG 12, A 1, Alexander Morris Lieutenant-Governor's Collection.
MONOGRAPHIES
Langer, William L., An Encyclopedia of World History, Boston (Mass.), Houghton Mifflin Company, 1952.
Morris, Alexander, The Treaties of Canada with the Indians, édition originale, Toronto, Belfords, Clarke and Company, 1880; réimpression, Toronto, Coles Publishing Company, 1971 (Coles Canadiana Collection).
Morton, W.L., Manitoba: A History, Toronto, University of Toronto Press, 1957.
Ollivier, Maurice, Actes de l'Amérique du Nord britannique et Statuts connexes, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1961.
Stanley, George F. G., The Birth of Western Canada: A History of the Riel Rebellions, Toronto, University of Toronto Press, 1961.
Taylor, John Leonard, "The Development of an Indian Policy for the Canadian North-West, 1869-1879", thèse de doctorat, Queen's University, 1975.