Fiche d'information sur les traités de paix et d'amitié dans les Maritimes et dans la région de Gaspé

Traité de paix et d'amitié de 1760Note de bas de page 1

La présente fiche de renseignements donne une idée du contexte dans lequel les traités de paix et d'amitié ont été conclus dans les Maritimes et en Gaspésie. Ces traités constituent d'importants documents historiques que l'on peut considérer comme des documents fondateurs en raison de leur rôle dans le développement du Canada. Ils ont été signés par les Premières nations Mi'kmaq, Maliseet et Passamaquoddy avant 1779. Les traités sont des accords solennels qui établissent les promesses, les obligations et les avantages de longue date des parties.

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Débuts

Les Mi'kmaq, les Maliseet et les Passamaquoddy habitent la région de l'Atlantique depuis des milliers d'années. Ces trois collectivités croient que leurs ancêtres vivaient déjà dans la région à l'aube des temps. Les archéologues ont réussi à confirmer que leurs populations occupaient déjà ces lieux il y a au moins 2 500 à 3 000 ans.

Avant l'an 1500, les principales collectivités Mi'kmaq habitaient la partie continentale de la Nouvelle-Écosse, l'île du Cap-Breton, l'Île-du-Prince-Édouard, le long de la côte et au bord des rivières de l'est du Nouveau-Brunswick, ainsi que la péninsule gaspésienne dans l'est du Québec.

Pour leur part, les Maliseet étaient établis le long de la vallée du Saint-Jean et de ses affluents au centre du Nouveau-Brunswick. Certaines familles pourraient également avoir chassé et pêché sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, au nord du lac Témiscouata.

Les Passamaquoddy étaient établis le long de la rivière Sainte-Croix et de ses affluents, bien que quelques familles semblent avoir habité principalement sur les côtes de la baie Passamaquoddy. Les Passamaquoddy sont souvent reconnus comme un peuple distinct, mais les autorités britanniques et françaises ont souligné les liens culturels et biologiques étroits qui existent entre les Passamaquoddy et les Maliseet.

Nous savons peu de choses de l'histoire des Maliseet, des Mi'kmaq et des Passamaquoddy avant l'an 1500. Nous savons toutefois que des familles de chaque collectivité vivaient en microgroupes familiaux en se déplaçant au fil des saisons à la recherche de poisson et de gibier il y a entre 500 et 3000 ans. Malgré la courte saison de végétation dans cette région, les Passamaquoddy, les Mi'kmaq et les Maliseet pouvaient compter sur des sources abondantes et fiables de poissons et de mammifères marins pour subvenir à leurs besoins. Ils pêchaient principalement le saumon, l'alose (gaspareau), le hareng, l'esturgeon, la morue, le maquereau et l'anguille et, dans la famille des mammifères marins, ils chassaient surtout le phoque et le morse.

Au début du printemps, les familles vivaient principalement de la pêche, mais au début d'octobre, elles consacraient davantage de temps à chasser le gibier. Par temps froids, les familles d'un même village se séparaient pour former des groupes de chasse, composés de plusieurs ménages.

La chasse répondait à deux besoins vitaux. D'abord, les familles dépendaient des animaux comme source régulière de viande durant la majeure partie de l'hiver. L'orignal était particulièrement apprécié à cause de sa grande taille, mais on chassait également les animaux plus petits, notamment le castor, la martre, le renard et la loutre. Ensuite, les peaux et les fourrures servaient à fabriquer des vêtements, les tendons remplaçaient les clous et les piquants de porcs-épics servaient à fabriquer des raquettes à neige.Note de bas de page 2 Certains produit d'origine animale avaient plusieurs usages. En plus d'être utilisé dans la confection des vêtements, le cuir des orignaux servait également à la fabrication du revêtement extérieur des petits canoësNote de bas de page 3 ou d'une voile.

Comme la plupart des peuples de l'ère pré-industrielle, les Mi'kmaq et les Maliseet dépendaient de la générosité de la nature pour leur survie. Par conséquent, ils accordaient une grande importance au maintien d'une relation spirituelle étroite avec tous les organismes vivants, particulièrement avec l'esprit des poissons et des animaux. À l'exemple des autres peuples autochtones, les Maliseet et les Mi'kmaq croyaient que les animaux se laissaient tuer pour permettre aux humains de survivre. Toutefois, le maintien de cette relation reposait sur le respect des lois qui la gouvernaient, notamment l'élimination appropriée des os des poissons et des animaux et la pratique modérée de la chasse.

On ne connaît pas très bien les structures politiques des peuples Maliseet, Passamaquoddy et Mi'kmaq avant l'an 1500. Certains historiens croient que l'organisation politique des collectivités Mi'kmaq reposait sur le Sante Mawiomi, ou Grand conseil. Le Sante Mawiomi comptait un keptin, ou chef, pour chacun des sept districts géographiques Mi'kmaq. Le peuple élisait les keptins afin que ceux-ci représentent ses intérêts auprès du Conseil. Un grand chef, élu à ce poste par les keptins, siégeait à la tête du Conseil. Ce grand chef était secondé dans ses tâches par le grand keptin.

Les obligations et les responsabilités précis du Grand conseil ne sont pas bien connues. Toutefois, il semble que le Conseil et ses membres aient pris des décisions sur des sujets de préoccupation communs à toutes les collectivités. Un de ces sujets était la guerre et la menace que constituaient les étrangers pour les peuples Mi'kmaq.

Toutefois, les historiens ne s'entendent pas sur l'existence du Grand conseil avant 1500. Certains croient que le Conseil n'a été créé que vers la fin de 1600 ou de 1700.

Période de contact et période coloniale

Les Européens qui ont débarqué sur les côtes du Canada atlantique entre les années 1500 et 1600 étaient surtout des pêcheurs qui arrivaient au mois de mars et repartaient en octobre ou en novembre. Ils pêchaient la morue, qui abondait au large des côtes de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. Ces pêcheurs venaient principalement de ce qui est aujourd'hui l'Espagne, le Portugal et la France. Bon nombre arrivaient du Pays basque. Les pêcheurs anglais ne les ont surpassés en nombre que vers la fin des années 1500.

La communication entre les pêcheurs et les peuples autochtones locaux restait limitée, puisque les pêcheurs ne passaient que peu de temps sur la terre ferme, à l'exception des périodes où ils faisaient sécher leur poisson sur la rive. Toutefois, nous savons que les pêcheurs étaient présents dans une grande partie de la région de l'Atlantique et qu'ils doivent avoir eu certains contacts avec les populations Mi'kmaq locales. La communication entre les pêcheurs et les populations Maliseet et Passamaquoddy était probablement beaucoup moins fréquente, leurs familles vivant le long du fleuve Saint-Jean, et non le long de la côte de l'Atlantique.

Lorsqu'ils venaient pêcher, les Européens apportaient avec eux des virus qui n'étaient pas présents dans les sociétés Maliseet ou Mi'kmaq d'avant les années 1500. Parce que les populations Maliseet et Mi'kmaq n'avaient jamais été exposées à ces virus, les résultats furent catastrophiques. Nous ignorons combien d'entre eux sont morts de cette exposition. La plupart des démographes estiment que la majorité des collectivités autochtones ont perdu de 50 à 90 p. cent de leur population originale. Ce dépeuplement ne s'est pas produit d'un seul coup, mais sur une ou deux générations. Avant 1500, les populations combinées des Maliseet et des Mi'kmaq s'élevaient probablement à 10 000 ou 15 000 habitants. Au cours des années 1600, ce nombre a diminué de moitié, peut-être même davantage.

La deuxième conséquence majeure du contact fut le changement entraîné par les échanges commerciaux. Presque immédiatement après que les pêcheurs eurent commencé à pêcher au large de la côte est, ils firent des échanges commerciaux avec les populations locales Mi'kmaq. Les Mi'kmaq échangeaient des fourrures et des peaux contre des biens européens tels que des couteaux, des haches, des étoffes, du fil, des miroirs, de la verroterie et du tabac. En Europe, les fourrures servaient à fabriquer des chapeaux. La quantité de fourrure de castor provenant d'Amérique du Nord augmenta avec la demande pour ces chapeaux. Même si l'Atlantique n'a été une région essentielle pour les échanges commerciaux que dans la première moitié du XVIIe siècle, cela a eu des effets profonds et durables sur les familles. L'introduction des biens manufacturés par les Européens avait créé une dépendance. Les couteaux étaient des outils pratiques qui furent rapidement intégrés dans la vie familiale, de même que les mousquets et les étoffes. Mais pour acquérir ces biens, les familles devaient piéger davantage d'animaux à fourrure, plus qu'ils ne l'avaient jamais fait auparavant. Cela signifiait également qu'elles devaient passer davantage de temps à chasser à l'intérieur des terres qu'avant les années 1500.

Après la période de contact, notre compréhension des sociétés Maliseet et Mi'kmaq s'est considérablement améliorée. Cela s'explique par le fait qu'au début des années 1600, les nations européennes ont établi des colonies dans la région et que la correspondance échangée sous ces régimes fournit des renseignements sur les populations autochtones locales. Une telle correspondance, toutefois, n'était souvent que sporadique, c'est pourquoi il n'y a que peu de registres donnant un aperçu chronologique de la vie des Maliseet ou des Mi'kmaq lors de la période d'après-contact. Nous ne pouvons pas documenter les événements principaux qui se sont produits au sein de chaque société comme nous le faisons pour l'Angleterre ou la France de cette époque. Ce que nous savons concernant les Mi'kmaq et les Maliseet provient exclusivement des écrits des Européens.

Traité de 1726

L'intérêt de la Grande-Bretagne pour les échanges commerciaux est à l'origine d'une série de traités négociés avec les Mi'kmaq, les Maliseet et les Passamaquoddy après 1713. Ces traités visaient principalement à établir une alliance durable entre les Britanniques et les collectivités autochtones de la région. Dans ce contexte, les Britanniques étaient préoccupés par les relations entretenues par chacune de ces collectivités avec la Couronne française. Ces alliances, pensaient les Britanniques, sapaient leurs efforts visant à établir une forme de contrôle politique dans la région. Afin de remédier à ce problème, il négocièrent des traités créant une série de lois conçues pour normaliser leurs relations avec les trois sociétés autochtones de la région.

Le premier de ces traités, qui mettait formellement fin à trois longues années de guerre entre la Nouvelle-Angleterre et les Wabanakis, fut signé en 1726. Les Wabanakis avaient forgé une alliance politique avec les principales collectivités autochtones vivant dans la région de l'Atlantique. Cette alliance unissait quatre groupes : les Mi'kmaq, les Maliseet, les Passamaquoddy et un groupe de collectivités vaguement alliées vivant entre les rivières Penobscot et Kennebec. Ce groupe d'alliés est habituellement appelé Abénaquis.

La guerre, qui avait débuté en 1722, était provoquée en grande partie par les préoccupations des Mi'kmaq, des Maliseet et des Abénaquis concernant l'expansion des colonies de la Nouvelle-Angleterre vers le nord. Les pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre avaient pénétré plus profondément dans les eaux côtières de la Nouvelle-Écosse qu'ils ne l'avaient fait avant 1713. Pour les Mi'kmaq, la hardiesse des pêcheurs représentait une menace, car ces derniers pouvaient leur faire concurrence en matière de pêcheries. De même, les Abénaquis étaient contrariés par les tentatives des sociétés foncières de la Nouvelle-Angleterre de s'approprier les terres situées à l'embouchure de la rivière Kennebec, un cours d'eau principal qui se jette dans le golfe du Maine, au sud-ouest du Maine.

Ces deux sujets de préoccupation au sujet de l'expansion des intérêts anglais furent également à l'origine de l'intérêt des Mi'kmaq et des Maliseet pour la négociation d'un traité avec les Britanniques en 1726.

Le traité de 1726 est formé de deux documents distincts. Le premier, contenant les articles de paix et d'entente, a été signé par les Mi'kmaq, les Maliseet et les Passamaquoddy. Ce document contient les promesses faites par chacune des trois collectivités aux Britanniques. Au total, 77 délégués autochtones masculins ont signé cette partie du traité. Le second document, qu'on appelle habituellement les promesses réciproques, contient les promesses faites par les Britanniques aux Mi'kmaq, aux Maliseet et aux Passamaquoddy. Cette partie du traité a été signée par les principaux chefs militaires de la colonie : Lawrence Armstrong, lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, et John Doucett, lieutenant-gouverneur de la garnison britannique d'Annapolis Royal.

Le traité de 1726 et les traités ultérieurs sont uniques, tant par ce qu'ils disent que par ce qu'ils taisent. Les traités devaient permettre de réaliser un seul objectif : harmoniser les relations avec les Mi'kmaq et les Maliseet et du même coup les détourner d'une alliance avec les Français. Ils devaient également servir à établir certaines règles de droit générales concernant les rapports mutuels entre les Britanniques et les groupes autochtones de la région.

La plus importante des dispositions de ces traités concernait les terres. Pour leur part, les Mi'kmaq et les Maliseet acceptaient de ne pas molester les sujets de Sa Majesté des « colonies déjà existantes ou qui seront établies légalement à l'avenir ». Par cette disposition, les deux collectivités reconnaissaient formellement la légalité des colonies existantes. Elles acceptaient également que les Britanniques établissement éventuellement d'autres colonies, bien que celles-ci ne puissent être établies que « légalement ». Cependant, le traité ne définissait pas le terme « légalement ». Il se peut que cette question ait été débattue lors de la négociation du traité, mais le procès-verbal de ces discussions n'existe plus. Il est néanmoins raisonnable de présumer que les deux parties à cette entente ont accepté que l'établissement de futures colonies fassent l'objet de négociations.

En contrepartie, les Britanniques acceptaient de ne pas nuire aux « activités licites » des membres des collectivités, comme la pêche, la chasse et la culture. Le traité ne précise pas l'endroit ou le territoire visé par ces activités, mais nous pouvons présumer que ces lieux devaient se trouver à l'extérieur des « colonies qui existent déjà ». Nous pouvons également supposer que ces lieux faisaient partie des endroits déjà occupés par les Mi'kmaq et les Maliseet à l'époque où le traité a été signé en 1726. Cependant, le traité n'indique pas clairement si les terres situées à l'extérieur des « colonies qui existent déjà » pouvaient ou non être considérées comme faisant partie des territoires visés par les « activités de pêche, de chasse et de culture ».

Il est évident que le traité de 1726 n'abordait pas la question des terres de manière très détaillée. C'est également le cas des traités signés après 1726. On constate toutefois un changement à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, alors que le gouvernement fédéral canadien négocie une série de traités avec les Autochtones de l'Ouest. Ces traités, souvent appelés traités numérotés, concernent la cession de terres autochtones au gouvernement fédéral. En échange, les collectivités recevaient une forme de compensation; il y avait notamment une disposition stipulant que des réserves distinctes seraient établies à leur intention. De telles dispositions ne faisaient pas partie des traités signés avec les Maliseet et les Mi'kmaq.

Comme on le constate en consultant cet article et certains autres, les Britanniques ont tenté d'assujettir les Mi'kmaq, les Maliseet et les Passamaquoddy à la loi britannique. Cependant, il s'agissait là d'un processus qui n'avait rien de simple. En 1726, les Britanniques n'avaient aucune présence physique réelle en Nouvelle-Écosse. Ils n'y possédaient aucune colonie et les postes militaires d'Annapolis Royal et de Canso comptaient au plus 400 hommes. La majeure partie de la population était acadienne et Mi'kmaq. Compte tenu du manque de présence physique des Britanniques, leur loi n'avait pas de force réelle dans les collectivités Mi'kmaq, Maliseet ou Passamaquoddy. Les conflits entre les villageois et les membres des autres collectivités étaient réglés conformément au droit coutumier que ces personnes avaient elles-mêmes établi pour assurer le bon fonctionnement de leurs collectivités. De toute manière, les traités n'avaient pas pour but d'instituer un nouveau système juridique à l'intention des peuples autochtones de la région, mais uniquement de créer des mécanismes de médiation pour leurs relations avec les Britanniques.

Le problème consiste maintenant à interpréter ces clauses malgré le peu de documentation.

Traités de 1749, 1752, 1760 et 1761

Le traité de 1726 a été le premier d'une série de traités négociés par les Britanniques avec les Maliseet, les Passamaquoddy et les Mi'kmaq. D'autres traités ont été signés en 1749, 1752, 1760 et 1761. Ces traités ultérieurs étaient nécessaires, car jusqu'à la fin des années 1750, les Mi'kmaq sont demeurés les alliés de la France et durant les périodes de conflit entre les Britanniques et les Français, de nombreuses collectivités se sont rangées du côté des Français. Dans une large mesure, ce choix était dicté par la géographie. Notamment, la France a conservé de droit (légalement) le contrôle de l'Île Royale et de l'Île Saint-Jean jusqu'en 1758, de même que le contrôle de fait (réel) de la plus grande partie de ce qui est aujourd'hui la province du Nouveau-Brunswick. Il n'est pas surprenant que les collectivités Mi'kmaq et Maliseet de ces régions aient préféré prendre le parti de la France, une position plus fortement inspirée par des détails pratiques que par des affinités politiques ou culturelles avec l'administration française. C'est pourquoi des traités ont été négociés en 1749, 1752, 1760 et 1761, dans le but de réaffirmer la paix après les périodes de guerre.

Chacun de ces derniers traités était différent. Le traité de 1749, conclu également à la fin d'un conflit entre les Britanniques et les Français (1744-1748), réaffirmait les dispositions du traité de 1726 sans les modifier en aucune manière. De plus, il n'a été signé que par les Maliseet et une des collectivités Mi'kmaq. Les autres collectivités Mi'kmaq avaient refusé de signer, une position qu'ils avaient adoptée parce qu'ils étaient mécontents de la décision des Britanniques d'établir une nouvelle colonie à Halifax en juin 1749. Ce conflit a mené à une période de guerres intermittentes avec les Mi'kmaq qui ne s'est terminée qu'à la fin de 1751.

La fin de ce conflit a entraîné la conclusion du traité de 1752. Ce traité a été signé à Halifax le 22 novembre par le gouverneur Hopson et Jean-Baptiste Cope, sakamow (chef) des Shubenacadie, une collectivité établie le long des rives de la rivière Shubenacadie, dans le centre de la Nouvelle-Écosse. Certains historiens soutiennent que Jean-Baptiste Cope était grand chef et qu'en signant ce traité, il agissait au nom de toutes les collectivités Mi'kmaq. Toutefois, les avis ne sont pas unanimes et certains soulignent que le traité ne précisait aucunement que Cope était grand chef. De plus, le procès-verbal du traité ne le précise pas. Il existe cependant des preuves que Cope a tenté de convaincre les autres collectivités de signer ce traité, ce qui suggère qu'il jouait un rôle plus important que celui indiqué par les documents anglais.

Certains historiens disent que la collectivité de Shubenacadie est la seule à avoir signé le traité et soulignent le fait que les collectivités de La Hève et de cap de Sable ont toutes deux pris un autre type d'entente avec les administrateurs britanniques après 1752. Toutefois, les avis divergent et d'autres historiens soutiennent qu'il n'existe aucun traité concernant l'une ou l'autre collectivité, ni documentation britannique suggérant qu'un traité définitif ait été signé.

Le traité de 1752 réaffirmait les modalités du traité de 1726, mais il le modifiait également en donnant un caractère officiel à la relation commerciale entre les Britanniques et les Mi'kmaq. Le quatrième article du traité soulignait ce fait :

« Il est convenu que ladite tribu d'Indiens ne sera pas empêchée, mais aura l'entière liberté de chasser et de pêcher comme d'habitude, et que, si elle juge nécessaire que soit établie une maison de troc sur la rivière Shubenacadie ou à tout autre endroit de son choix, ladite maison sera construite et les marchandises voulues y seront entreposées, afin de servir au troc avec ce dont les Indiens disposeront, et qu'entre-temps les Indiens auront l'entière liberté d'apporter, aux fins de vente, à Halifax ou à tout autre établissement de la province, des peaux, des plumes, du gibier, du poisson ou tout autre article qu'ils auront à vendre, où ils auront le loisir d'en disposer à leur plus grand avantage. »

Pour les Britanniques, cette disposition constituait un élément essentiel de leur stratégie visant à détourner les Mi'kmaq de leurs relations amicales avec les officiels acadiens et français de l'Île Royale et de l'Île Saint-Jean. Ils voulaient établir des liens personnels et financiers entre les marchands et les familles Mi'kmaq.

Les tentatives de Cope pour convaincre les autres collectivités, particulièrement celles qui vivaient dans la sphère d'influence française de l'Île Royale (île du Cap-Breton), de l'Île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) et à l'intérieur des frontières actuelles du Nouveau-Brunswick, de signer le traité ont échoué et au cours de l'été et de l'automne 1753, les relations entre les Britanniques et les Mi'kmaq se sont détériorées. La déclaration de guerre opposant les forces britanniques et françaises dans la vallée de l'Ohio en 1754 a anéanti tout espoir de conclure un traité plus général avec les autres collectivités. La guerre s'est rapidement propagée à tout l'est de l'Amérique du Nord, puis à l'Europe.

Durant le conflit qui s'ensuivit et que l'on appelait dans les colonies anglaises la « guerre française et indienne » et en Europe la « guerre de Sept Ans », les Britanniques obtinrent ce dont ils rêvaient depuis longtemps : la défaite totale des forces coloniales françaises en Amérique du Nord. Cette victoire fut obtenue au moyen de quatre campagnes contre les quatre principales forteresses françaises de l'est de l'Amérique du Nord : la conquête du fort Beauséjour en juin 1755, la prise de Louisbourg en juillet 1758, la défaite de Québec en septembre 1759 et la conquête de Montréal en juin 1760.

Au milieu de ces campagnes, les Britanniques entreprirent des pourparlers de paix avec les Maliseet, les Passamaquoddy et les Mi'kmaq, qui avaient tous combattu aux côtés des forces françaises. Ces pourparlers débutèrent tôt après la conquête de Québec par des négociations avec les Maliseet et les Passamaquoddy à la fin de novembre 1759. Ces discussions se terminèrent par la signature d'un traité de paix distinct avec eux à Halifax le 22 février 1760. Le traité fut ratifié individuellement plus tard par des collectivités Maliseet et Passamaquoddy à Fort Frederick, un fort britannique situé près de la ville actuelle de Saint John, Nouveau-Brunswick

Le traité rétablissait le rôle central du traité de 1726 en matière de relations entre les Maliseet et les Britanniques. En même temps, il modifiait également cette entente. L'aspect le plus important de la nouvelle entente était la création d'une relation commerciale entre les marchands britanniques et les négociants des Maliseet. Par cette disposition, les Maliseet acceptaient de ne plus commercer avec les Français. Dans le but de s'assurer que cette disposition serait respectée, les Britanniques acceptèrent d'établir un comptoir de troc. Lorsqu'on leur demandait s'ils avaient quelque chose à proposer, les Maliseet répondaient « que leurs tribus les avaient chargés de proposer simplement que l'on crée une maison de troc pour leur fournir des biens nécessaires en échange de leurs pelleteries, qui pourrait pour l'instant être située à Fort Frederick ». Le gouverneur Lawrence, parlant au nom du Conseil de la Nouvelle-Écosse, réplique que jusqu'à la ratification du traité, « une maison de troc serait établie à Fort Frederick, conformément au désir qu'ils ont exprimé, ainsi qu'en d'autres lieux selon les besoins, pour leur fournir les produits qui leur sont nécessaires ».

Le traité conclu avec les Maliseet et les Passamaquoddy en février 1760 constitue le fondement sur lequel reposent les traités ultérieurs signés individuellement avec les collectivités Mi'kmaq en 1760 et 1761. Le premier de ces traités avec les Mi'kmaq a été signé le 10 mars 1760 avec trois collectivités : les Mi'kmaq de Shubenacadie, de La Have et de Richibuctou. Des traités ultérieurs ont été conclus avec les collectivités du cap Breton, de Miramichi, de Pokemouche, de Shediac (tous signés le 25 juin 1761), de Chignecto/Missiquash (8 juillet 1761) et de Pictou/Malogomich (12 octobre 1761).

Les historiens soutiennent qu'un certain nombre de collectivités Mi'kmaq n'ont pas signé les traités de 1760 ou de l761, tandis la documentation postérieure suggère que les Britanniques pensaient l'avoir fait. Cependant, la question de savoir quelles sont les parties au traité continue de susciter des controverses, particulièrement depuis que la Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l'affaire Marshall en 1999.

Il existe à la fois des similitudes et des différences entre les traités signés avec les Maliseet-Passamaquoddy en février 1760 et les traités signés plus tard avec les collectivités Mi'kmaq. La distinction la plus importante concerne le fait que le traité de février réaffirmait de manière précise les engagements des traités conclus précédemment avec les Maliseet-Passamaquoddy. Dans ce cas particulier, les textes des traités de 1726 et de 1749 étaient inclus. Parallèlement, le traité comprenait plusieurs nouvelles ententes qui modifiaient les relations des Britanniques avec les Maliseet-Passamaquoddy. L'ajout le plus important était la disposition concernant le comptoir de troc.

Les traités avec les Mi'kmaq prenaient une forme différente. Contrairement au traité conclu avec les Maliseet-Passamaquoddy, les traités avec les Mi'kmaq ne réaffirmaient pas de manière spécifique les engagements pris lors des traités précédents. Ce fait a amené certains historiens à penser que les ententes conclues avec les Mi'kmaq en 1760 et en 1761 établissaient les fondements d'une nouvelle relation et que les Britanniques considéraient les traités précédents, particulièrement ceux qui avaient été conclus en 1726 et en 1752, comme étant nuls. Cependant, selon d'autres historiens les traités antérieurs restaient en vigueur et ne pouvaient être résiliés que par des moyens formels.

Un examen plus approfondi des traités conclus avec les Mi'kmaq suggère qu'il existe une continuité entre le traité de 1726 et les traités signés en 1760 et en 1761. Les six premiers articles des traités les plus récents correspondent aux six premiers articles du traité de 1726. Toutefois, dans chaque cas les clauses les plus récentes modifient les clauses antérieures. Par exemple : l'article deux du traité de 1726 stipulait que les Mi'kmaq ne devaient pas « molester les sujets de Sa Majesté ou leurs familles des colonies existantes ». Les traités de 1760 et de 1761 reproduisaient le langage utilisé dans cet article, avec une exception importante. Le dernier traité indiquait que les Mi'kmaq ne devaient pas « molester les sujets de Sa majesté ou leurs familles des colonies existantes ou qui seront établies à l'avenir ». Par conséquent, il semble que les Britanniques comme les Mi'kmaq considéraient que le traité de 1726 formait la base de leur relation. Cependant, ils convenaient qu'il fallait procéder à certains changements et que les traités de 1760 et 1761 faisaient état ces changements. Un d'entre eux était l'ajout d'une disposition concernant le comptoir de troc qui était tirée mot à mot du traité antérieur avec les Maliseet et les Passamaquoddy.

Traités de 1778 et de 1779

Les deux derniers traités ont été signés en 1778 et en 1779. Ils faisaient suite aux tentatives des agents des colonies unies (qui deviendront plus tard les États-Unis) de s'assurer le soutien des Mi'kmaq et des Maliseet dans leur rébellion pour s'affranchir du joug britannique. Ces agents étaient parvenus à convaincre un certain nombre de guerriers à participer aux attaques contre le fort Cumberland en 1776. Afin d'empêcher que des renforts supplémentaires ne viennent appuyer les rebelles, le surintendant des Affaires indiennes pour la Nouvelle-Écosse, Michael Francklin, a convoqué un conseil avec les Maliseet du fleuve Saint-Jean et les délégués des Mi'kmaq de Richibouctou, Miramichi et Chignecto. Des discussions eurent eu lieu à fort Howe, à l'embouchure du fleuve Saint-Jean, le 24 septembre 1778 qui aboutirent à la promesse des délégués de ne pas appuyer les rebelles et de « poursuivre leurs activités de chasse et de pêche d'une manière pacifique et paisible ».

Environ un an plus tard, Francklin conclut un autre traité avec les Mi'kmaq représentant les collectivités situées entre Cap-Tourmentin (au sud-est du Nouveau-Brunswick) et la baie des Chaleurs dans le golfe Saint-Laurent. Comme pour le traité de 1778, le traité de 1779 était rendu nécessaire par les conflits entre les Mi'kmaq et les colons, qui laissaient craindre que certaines collectivités prennent le parti des colonies unies contre la Grande-Bretagne. Néanmoins, comme pour le traité signé l'année précédente avec les Maliseet, le traité de 1779 ne modifiait pas les rapports fondés sur des traités existants. L'aspect le plus important de ce traité est le fait que chacune des collectivités Mi'kmaq réaffirmait ses rapports avec les Britanniques en se basant sur les traités signés avec le gouverneur Charles Lawrence en 1760 et en 1761. Parmi les signataires, on remarque les collectivités Mi'kmaq situées le long de la baie des Chaleurs.

Il est possible qu'un représentant de Gaspé ait assisté à la signature du traité à Halifax le 25 juin 1761, mais il n'existe aucun document qui le confirme. Cependant, comme le démontre clairement le traité de 1779, la structure politique des Mi'kmaq était beaucoup plus complexe qu'elle ne le paraissait. Dans ce cas-ci, le traité de 1779 indiquait nettement que les Mi'kmaq de Miramichi agissaient et signaient le traité au nom des collectivités établies le long de la baie des Chaleurs. Cela démontre non seulement que ces collectivités étaient parties au traité, mais avant tout qu'elles avaient délégué les Mi'kmaq de Miramichi pour signer en leur nom le traité du 25 juin 1761.

Période suivant 1780

Lors de la création des États-Unis à titre de pays indépendant au début des années 1780, des milliers de colons demeurés loyaux à la Couronne britannique et qui cherchaient à échapper à la vindicte de leurs voisins s'enfuirent vers le nord en Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Canada. Plusieurs choisirent de s'installer en Nouvelle-Écosse, qui jusqu'en 1784 englobait non seulement ses frontières actuelles, mais également le Nouveau-Brunswick. Cet afflux massif de nouveaux réfugiés a créé une nouvelle dynamique dans les relations entre les gouvernements coloniaux et les collectivités autochtones. Un des changements les plus importants fut l'érosion graduelle du sens donné aux traités. Toutefois, tant les Mi'kmaq que les Maliseet ont continué de croire que les traités formaient la base de leur relations avec les gouvernements colonisateurs. Au cours des deux cents années qui suivirent, ces deux collectivités ont présenté des pétitions aux gouvernements dans l'intention de les forcer à reconsidérer leurs politiques à la lumière du régime légal créé par les traités. Ils étaient particulièrement préoccupés par le refus des gouvernements d'honorer les ententes relatives à la protection des lieux de pêche, de chasse et de culture et ont souligné le fait que la plupart de leurs collectivités vivaient dans la pauvreté.

Les gouvernements ont refusé d'honorer les traités, mais ils ont accepté de créer les réserves. Celles-ci ont été établies dans la plupart des régions du Canada atlantique au XIXe siècle. En général, les réserves étaient établies dans des régions alors fréquentées par les familles Maliseet et Mi'kmaq. Il est arrivé qu'une réserve soit installée dans une région déjà occupée par la collectivité. Cependant, ce n'a pas toujours été le cas, particulièrement en Nouvelle-Écosse, où les conflits au sujet des terres ont souvent été réglés en faveur des colons blancs. En outre, les réserves étaient habituellement trop petites et les terres trop stériles pour assurer la survie d'une vaste population.

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