Les excuses aux anciens élèves des pensionnats Indiens - Stéphane Dion, chef de l'Opposition officielle

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Transcription

L'hon. Stéphane Dion (chef de l'opposition, Lib.) : Monsieur le Président, aujourd'hui, le Canada fait face à l'un des chapitres les plus sombres de son histoire.

On a voulu forcer les Autochtones à s'assimiler par le biais du système de pensionnats indiens, un système qui est malheureusement plus vieux que la Confédération elle-même. Ce sont des écoles qui visaient à « sortir l'Indien de l'enfant » et à éradiquer son identité autochtone. Leur fonctionnement était axé sur la séparation de l'enfant de sa famille et de sa communauté. Elles étaient conçues pour arracher l'enfant à son identité, à sa culture, à ses croyances et à sa langue autochtones.

[Français]

C'est un système déshumanisant qui a mené aux pires abus.

[Traduction]

Cette politique gouvernementale a déchiré le tissu familial parmi les Premières nations, les Métis et les Inuits. Elle a tué l'estime de soi chez les parents comme chez les enfants. Les parents et les grandsparents n'ont pas eu le choix. Leurs enfants leur ont été volés.

[Français]

Et seulement aujourd'hui commençons-nous à mesurer le prix terrible de ces mauvaises politiques.

[Traduction]

La réalité d'aujourd'hui est issue du système de pensionnats indiens. Le présent est hanté par le passé tragique et douloureux des enfants des Premières nations, des enfants métis et des enfants inuits, de leur famille et de leur communauté. C'est un triste et lourd passé que tous les Canadiens doivent accepter d'inclure dans leur histoire.

Pendant trop longtemps, les gouvernements canadiens ont choisi de nier plutôt que d'admettre la vérité. Lorsqu'ils ont été confrontés au poids de la vérité, ils ont choisi le silence. Pendant trop longtemps, les gouvernements canadiens ont refusé de reconnaître leur rôle direct dans la création du système de pensionnats indiens et dans la poursuite de leur triste et insidieux objectif qu'était l'élimination de la culture et de l'identité autochtones. Pendant trop longtemps, les gouvernements canadiens ont choisi d'ignorer les conséquences de ce drame plutôt que de tenter de les comprendre, de sorte que la souffrance persiste encore aujourd'hui parmi les Premières nations, les Métis et les Inuits.

Permettez-moi de citer un passage de la condamnation prononcée par la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996 :

Pourtant, sauf quelques rares exceptions, aucun haut fonctionnaire, aucun ecclésiastique et aucun député ne s'est insurgé contre le principe des pensionnats ou contre leur caractère abusif. Bien sûr, le souvenir ne s'est pas dissipé et n'a toujours pas disparu des mémoires. Il a persisté, s'est amplifié et a pris l'allure d'un spectre lugubre [...]

●(1530)

[Français]

C'est la première pierre que l'on doit poser pour ce monument pour la vérité, la réconciliation et un avenir meilleur.

[Traduction]

Aujourd'hui, en tant que représentants du peuple canadien, nous offrons nos excuses à ceux qui ont survécu aux pensionnats indiens et à ceux qui sont morts à cause des lois adoptées par les gouvernements et les législatures précédents. En parlant directement aux victimes et aux survivants dans l'enceinte de la Chambre des communes, nous offrons nos excuses à ceux qui sont morts sans avoir entendu ni ces paroles ni la reconnaissance de ces torts.

Les gouvernements canadiens successifs et diverses Églises ont été complices des violences psychologiques, physiques et sexuelles commises contre des milliers d'enfants autochtones dans le système des pensionnats. À titre de chef du Parti libéral du Canada, qui a formé le gouvernement pendant plus de 70 ans au XXe siècle, je reconnais notre rôle et notre part de responsabilité dans ce drame. J'en suis profondément désolé et je présente nos excuses.

[Français]

Je suis désolé que le Canada ait essayé d'effacer votre identité et votre culture en vous arrachant à vos familles lorsque vous étiez enfants, et en créant un système pour vous punir d'être ce que vous étiez.

À vous, mères et pères inuits, métis et des Premières nations, je dis que je suis désolé qu'on vous ait volé vos enfants; désolé qu'on n'ait pas reconnu votre valeur comme parents; désolé qu'on vous ait manqué de respect et de confiance.

[Traduction]

Les excuses que nous présentons aujourd'hui visent un passé qui aurait dû être entièrement différent. Mais elles doivent aussi nous permettre de nous tourner vers l'avenir, de procéder à une réconciliation collective et d'apporter des changements fondamentaux.

Elles doivent nous permettre de progresser ensemble, Autochtones et non-Autochtones, vers un avenir fondé sur le respect. Elles doivent nous aider à trouver au fond de chacun de nous une partie de l'immense courage que nous voyons dans les yeux de ceux et celles qui ont survécu.

Elles doivent nous permettre d'être inspirés par la détermination de survivants comme le chef national Phil Fontaine et Willie Blackwater, qui ont eu le courage de parler haut et fort et d'exiger que justice soit faite. Elles doivent nous inciter à poursuivre les efforts de l'ancien député Gary Merasty, membre des Premières nations, qui a présenté une motion demandant que le gouvernement présente des excuses officielles aux survivants des pensionnats indiens, motion adoptée à l'unanimité par la Chambre le 1er mai 2007.

●(1535)

[Français]

Pour réussir, nous devons nous engager à fond dans le travail de la Commission de la vérité et de la réconciliation, présidée par le juge Harry LaForme, et chargée d'enquêter sur tous les aspects du système des pensionnats indiens au Canada.

Cela signifie qu'il nous faudra entendre les témoignages des victimes de violences physiques, mentales et sexuelles. Cela signifie qu'il nous faudra comprendre pourquoi et comment le Canada a laissé les pensionnats indiens propager la maladie, la mort, la tuberculose, la pneumonie. Cela signifie aussi qu'il nous faudra découvrir ce qui est réellement arrivé aux nombreux enfants qui ont disparu dans des tombes anonymes.

Cela veut dire donner une voix à ceux que le Canada a fait taire. Cela veut dire donner un nom à ceux dont l'identité a été effacée. Cela veut dire montrer notre respect à ceux que nous avons humiliés. Cela veut dire comprendre la douleur des parents et des familles abandonnés et, à cause de nos actions, abîmés à tout jamais.

Nous devons écouter attentivement les victimes qui vont porter témoignage à la Commission de la vérité et de la réconciliation et nous devons être prêts à entendre la commission rendre compte d'un passé collectif vraiment honteux. Ensemble et en tant que pays, nous devons faire face à la vérité pour que plus jamais nous n'ayons à présenter des excuses à une autre génération, pour que plus jamais ne se reproduise une telle tragédie.

[Traduction]

Je prononce ces mots en pensant aux survivants et aux survivantes que j'ai rencontrés hier soir. L'une d'elles se souvient encore de sa petite enfance, passée avec sa famille dans une communauté isolée. Elle avait sept ans quand son père l'a menée en canot au pensionnat indien. Ses jours passés avec ses parents et ses frères et soeurs, elle en a un souvenir merveilleux. Ses jours passés au pensionnat, elle les a rayés de sa mémoire. C'est ainsi qu'elle a réussi à survivre aux mauvais traitements qu'elle y a subis.

Une autre survivante, Marion Ironquill-Meadmore, m'a parlé des dix ans qu'elle a passés dans une institution religieuse. La première leçon qu'on lui a apprise, c'est que ses parents ne valaient rien. Quand elle a quitté l'institution après dix ans, elle s'est trouvée perdue dans les deux mondes, celui des Autochtones et celui des non-Autochtones, incapable de retourner dans sa communauté d'origine et incapable de fonctionner ailleurs.

Pour que la réconciliation se fasse, il va falloir que la société canadienne s'engage à agir. Cela signifie qu'il faut veiller à ce que tous les Canadiens autochtones — Premières nations, Métis et Inuits — puissent profiter, eux aussi, des richesses et des possibilités qu'offre le Canada. Cela signifie qu'il faut nous assurer d'entendre les voix des Premières nations, des Métis et des Inuits dans leurs propres langues et veiller à ce que ces voix et ces langues autochtones continuent d'enrichir le patrimoine culturel mondial.

Il ne faut pas que nous nous laissions intimider par l'envergure de ce défi, ni décourager par les échecs du passé. Nous devons léguer à tous nos enfants un pays encore meilleur que celui que nos parents nous ont légué. Nous n'y arriverons pas tant que les Autochtones seront laissés pour compte.

Quatre ans après la conclusion des travaux de la Commission de la vérité et de la réconciliation, le Canada va souligner le 150e anniversaire de la Confédération. Ce jour-là, j'espère sincèrement que sera exaucé l'espoir exprimé il y a 60 ans, dans cet édifice même, par l'ancien combattant autochtone décoré Thomas Prince, l'espoir d'une nouvelle relation entre les Premières nations, les Métis, les Inuits et les non-Autochtones de notre pays, « afin qu'il puissent se faire confiance et [...] marcher côte à côte sur cette Terre dans la foi et la confiance mutuelles. »

En attendant, nous offrons humblement nos excuses, qui représentent un premier pas dans la voie de la guérison et de la réconciliation.

Merci. Thank you. Meegwetch. Ekosi. Nakurmiik.

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